Le compagnonnage “à l’ancienne” comporte bien sûr de nombreuses vertus. Par le titre un peu provocateur de cet article, nous voulons rappeler que ce n’est pas le seul modèle et mettre en évidence que les “lignes bougent” aussi dans les pratiques tutorales dans les entreprises.
Les avancées pédagogiques de l’AFEST, la digitalisation de la formation sont passées par là, mais pas seulement ! Comme le prophétisaient certains sociologues, dans nos sociétés post-modernes nous assistons à la montée en puissance des « communautés » voire des « tribus affinitaires ». Des entreprises ont su en tenir compte pour « tutorer » et former différemment. Bien tutorer, c’est d’abord nouer des liens et renforcer le sens commun au travail.
10 pratiques innovantes ou à renforcer en entreprises
Chez C-Campus, en tant que consultants-formateurs auprès de clients très divers, nous avons la chance de croiser de multiples approches du tutorat. Nous en avons repéré en particulier 10 (certaines déjà très présentes, d’autres anciennes méritant d’être généralisées, et enfin d’autres, plus émergentes) qui nous semblent particulièrement complémentaires du tutorat classique !
Dans cet article, nous abordons une série de 5 premières pratiques différentes, du tutorat. Dans un autre article, nous compléterons avec 5 autres approches. Nous conclurons en abordant les invariants pédagogiques du côté des tuteurs et tutrices : ce qui ne change pas, quelles que soient les approches utilisées !
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1. Reverse Mentoring ou le tutorat “triple inter” : générationnel – disciplinaire – culturel
Principe : le tutoré forme aussi… le tuteur
Exemple concret : chez un de nos clients des Télécoms, des alternants encore en écoles ou centres de formation, maîtrisent des nouveaux langages informatiques, que ne possèdent pas leurs tuteurs. C’est l’occasion pour ces derniers de les apprendre ! L’entreprise recrute des alternants pour les former et parfois, à certaines conditions, il se trouve qu’ils forment aussi ses (autres) salariés !
Pour aller plus loin : le reverse mentoring s’applique également entre deux “experts” : l’un maîtrisant un domaine, un procédé, une connaissance scientifique, une loi, etc. que l’autre a besoin d’acquérir. Dans les grandes organisations, le reverse mentoring, c’est en plus de l”intergénérationnel, l’opportunité de développer l’interdisciplinarité et l’inter-culturel. Bref de “brasser les connaissances et les gens”
Notre avis : le “mentorat inversé” est ancré dans bon nombre d’entreprises de la Tech. Il irrigue petit à petit les secteurs où les activités professionnelles sont transformées par la robotique, l’intelligence artificielle, la blockchain, etc. Souhaitons qu’il s’étende aussi dans des secteurs moins “technologiques”, où le “triple inter” (générationnel, culturel, disciplines) “questionne” les comités de directions, comme on dit…
2. Equipe Tutorale : tous tuteurs !
Principe : le tuteur officiel, désigné, n’est pas le seul tuteur de l’apprenant : c’est tout le collectif de travail qui “tutore” le collègue !
Exemple éclairant : chez un de nos clients du monde bancaire, une mobilité interne est proposée aux personnes dont le job est supprimé et elles bénéficient bien entendu d’un parcours de formation. Dans les équipes d’accueil, un tuteur “référent” est chargé de les accompagner individuellement pour la partie pratique (les formations en situation de travail). Le tuteur délègue à ses collègues le soin d’accompagner l’apprenant dans leurs “spécialités” respectives. Il coordonne les apprentissages “terrain” et rend compte au management.
Pour aller plus loin : l’équipe tutorale est un principe qui peut aussi s’appliquer aux alternants et apprentis et que nous détaillons ici. C’est très efficace et prometteur quand c’est bien mené et cela permet aussi de décharger le tuteur officiel !
Notre avis : le principe d’accompagner collectivement un “tutoré” permet de remettre l’équipe elle-même en dynamique d’apprentissages. Quand on forme quelqu’un, on se (re)forme soi-même !
3. Binôme de compétences : l’apprentissage par projet
Principe : il est très simple et repose sur deux actions : 1- associer (mettre en binôme/tandem) deux apprenants aux compétences différentes et complémentaires et les faire oeuvrer sur un projet commun (si possible un projet réel ou en tous les cas, proche de la réalité) ; 2-un mentor plus expérimenté, les guide, conseille, accompagne.
Dans ce binôme de compétences, chacun devient à la fois le tuteur et l’apprenant de l’autre. La présence d’un mentor évite au “tandem” les pertes de temps et les “mésapprentissages”. Il peut également apporter son expérience / expertise en cas de besoin ou encore amener son binôme à prendre du recul ou à consulter d’autres experts de son réseau.
Exemple révélateur : vu chez un de nos clients dans l’ingénierie de grands projets : deux ingénieurs endossent la nouvelle responsabilité de “chefs de projet” sur une mission à la fois complexe techniquement et à forts enjeux en termes de management de l’équipe projet et de gestion du “client”. Le mentor (un directeur de projet senior) les aide notamment sur la “gestion de l’humain” et à coopérer au mieux, en associant leurs forces respectives.
Pour aller plus loin : l’un des intérêts de l’apprentissage par projet mené à deux est que cette pédagogie est très active et concrète pour le “binôme”. On peut aussi à certains égards, la rapprocher des principes de la formation-action
Notre avis : ce fonctionnement en binôme n’a rien de nouveau : il a été et reste pratiqué dans les métiers à forte composante technique et scientifique mais aussi à l’université ou dans l’enseignement. Nous l’avons également vu ailleurs : dans une agence de communication par exemple, avec un binôme composé d’un directeur artistique junior et d’un chef de projet (ou directeur client) junior. Le binôme de compétences peut aussi se pratiquer dans les fonctions et métiers du tertiaire !
4. Co-Tutorat ou tutorat par les pairs
Principe : comme dans les approches précédentes, le mécanisme est simple : tout apprenant peut solliciter ses pairs (à l’occasion d’une réunion ou encore via un réseau social interne) afin de dénouer une problématique, une difficulté ou avancer dans une prise de décision.
Exemple simple : les apprenants dans les entreprises de l’univers du loisir travaillent sur des “pipe-line de productions”. Ils peuvent par exemple soumettre en ligne (dans un fil de discussion) une production ainsi que des questions à leurs pairs. Ces derniers par leurs propres questions, re-formulations, conseils, exemples personnels, etc. vont aider les apprenants à progresser dans leur réflexion, les orienter vers des pistes ou des experts ou encore inspirer ou conforter les apprenants dans leurs décisions. Ce fil de discussion est bien pratique, cela permet de recueillir plusieurs avis en même temps, de formaliser, et conserver une trace pour mieux y revenir, etc. Bien entendu, tout apprenant rencontre aussi physiquement, dans la “vraie vie”, ses pairs, pour leur poser ses questions. Ce tutorat par les pairs, complète la pratique auto-réflexive (voir le point 5), également fortement encouragée chez les apprenants dans ce secteur d’activité !
Pour aller plus loin : l’apprentissage ou le turorat par les pairs revient à la mode. D’après notre enquête baromètre L&D 2023, menée auprès des directions Learning & Development de grands groupes, il correspond à un de leurs souhaits : développer les communautés d’apprentissage. Pour poursuivre, lire notre article : 7 piliers pour un apprentissage réussi entre pairs !
Notre avis : comme le tutorat en tandem ou binôme, le tutorat par les pairs n’est pas nouveau. Dommage qu’il ne soit pas plus pratiqué car 1) cela ne coute rien, 2) l’intelligence collective, c’est redoutablement efficace et 3) rien de tel pour renforcer les liens entre collègues de différents horizons. Reste juste à favoriser les “rituels entre pairs” et les outils et méthodes utiles à ce tutorat par les pairs…
5. Tutorat réflexif : devenir tuteur de soi-même !
Principe : tout tuteur tend progressivement à se rendre “dispensable” à son apprenant. La pratique réflexive (apprendre de soi-même et par soi-même, en travaillant) participe de ce principe, où l’apprenant finit par “se tutorer lui-même”, afin de devenir autonome (et le tuteur finit par “lâcher” l’apprenant…). C’est ce que nous appelons dans notre jargon, “la phase d’affinage” !
Exemple chez C-Campus : chez C-Campus, nous proposons aux tuteurs de doter leurs apprenants de deux méthodes auto-réflexives simples : une en amont / avant la pratique professionnelle (= méthode RIEC) et une en aval / après la pratique (= méthode FAST). Bien sûr au début, les tuteurs aident les apprenants à “auto-réfléchir” : en questionnant ce qu’ils font, pourquoi et comment ils le font, ce qu’ils pourraient faire mieux ou différemment, sur les enseignements de leur pratique professionnelle, etc. Mais au bout de 3 à 4 séances (en moyenne), les apprenants commencent à se débrouiller par eux-mêmes et produisent une auto-réflexité assez intéressante à exploiter pédagogiquement par le tuteur. Et ce, quel que soit leur statut : salarié, intérimaire, alternant, demandeur d’emploi en stage, etc. : tout le monde peut pratiquer l’autoréflexivité !
Pour aller plus loin : la réflexivité est un concept pédagogique puissant que l’AFEST met sous les projecteurs. Ce n’est pas nouveau mais cela a été sacrément remis en avant et fort heureusement d’ailleurs : la pratique (auto) réflexive c’est quelque part en effet un outil fondamental pour “apprendre à apprendre”. Pour en savoir plus, consulter nos nombreux articles sur le sujet comme celui-ci.
Notre avis : le référentiel de certification des “maîtres d’apprentissages – tuteurs” (dit “MATU”) du Ministère du Travail, insiste sur la nécessité pour tout tuteur de “Guider la réflexion de l’apprenti/alternant sur ses activités professionnelles et d’apprentissages”. Nous sommes 100% d’accord : dans la “boite à outils pédagogiques” du tuteur, la conduite d’entretiens réflexifs avec son apprenant, devient un incontournable !
Petite pub en passant : dans nos formations et animations au tutorat chez C-Campus, nous avons à coeur de donner des méthodes variées ainsi que de bons outils aux tuteurs et maîtres d’apprentissages. Si vous préférez une formule sur mesure ou mettre en place une opération de grande ampleur, contactez-nous pour en discuter : formation@c-campus.fr
Dans la seconde partie de cet article, nous aborderons 5 autres pratiques tutorales dans les entreprises : Le tutorat ludique – Le tutorat inclusif – Le tutorat des réseaux – Le tutorat des micro-apprentissages – le tutorat digital !