Nous avons présenté dans un article précédent, 6 façons d’apprendre en faisant très orientées sur le travail (coaching, Co-dév., Action Learning, APP, etc.). Nous poursuivons et terminons avec ce second article, en présentant 6 approches qui cette fois-ci font appel un tuteur ou un formateur et entrent davantage dans le cadre classique de la formation.
Le mentorat ou compagnonnage
Le mentorat ou compagnonnage est en quelque sorte une formation sur le tas encadrée. L’apprenant n’apprend plus seul mais avec un sachant qui lui montre le geste, le guide, l’accompagne pour l’aider progressivement à maîtriser les compétences qui lui sont nécessaires pour réussir ses missions.
Le terme “compagnonnage” est issu du monde ouvrier et il est aujourd’hui encore très utilisé pour le tutorat d’opérateur en production ou dans le bâtiment. Le terme “mentorat” est, quant à lui, davantage réservé aux métiers dits plus “qualifiés”. Mais ces questions de terminologie ne changent pas grand chose dans la réalité pédagogique : la formation reste accompagnée, sans forcément un parcours toujours bien défini au préalable.
Avantages
- Formation très flexible puisqu’il suffit d’affecter un mentor ou maître d’apprentissage à l’apprenant,
- Formation très opérationnelle : on apprend le geste avec les meilleurs, directement en faisant ou observant puis en refaisant,
- Formation peu coûteuse en ingénierie. Certaines entreprises conçoivent des parcours de mentorat ou réalisent des livrets de compagnonnage, mais il faut reconnaître qu’elles sont rares. Le plus souvent, la formation est mise en oeuvre par le mentor lui-même, en fonction de ce qu’il pense être bon pour son apprenant.
Limites
- La qualité et l’efficacité de la formation est très (trop) dépendante du mentor, de l’apprenant et de la relation qui s’établit entre eux. Si le mentor montre un geste inapproprié, il y a de forte chance que l’apprenant le reproduise. Et l’apprentissage se transforme en mésapprentissage !
- La formation du mentor à la pédagogie est un pré-requis incontournable. Or trop souvent leur formation est bâclée, faute de temps et d’argent.
- Le mentorat ou compagnonnage est moins adapté au développement des opérations mentales qu’aux gestes professionnels. Pour que l’apprenant apprennent au contact d’un mentor; encore faut-il qu’il puisse voir le geste. S’il doit apprendre à gérer un projet ou à concevoir une nouvelle organisation, l’observation au contact du sachant aura beaucoup moins d’intérêt.
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Tutorat en alternance
Le tutorat en alternance est une variante du mentorat ou compagnonnage. Il y a toujours un sachant avec un apprenant qui apprend au poste de travail mais l’apprentissage est complété par des apports théoriques en école ou en centre de formation. Pour que le tutorat en alternance soit efficace, encore faut-il que l’alternance Ecole/Entreprise soit “intégrée” et non pas “juxtaposée”.
L’alternance intégrée ou intégrative désigne une approche particulière d’un dispositif en alternance type contrat d’apprentissage ou contrat de professionnalisation. Par “intégré”, il faut entendre que ce que l’apprenant apprend à l’école est repris en entreprise et réciproquement. L’alternance intégrée est donc l’inverse de l’alternance juxtaposée, qui trop souvent encore reste le quotidien de nos apprentis. Ils acquièrent à l’école des connaissances qu’ils ne peuvent pas appliquer dans leur entreprise d’accueil. Réciproquement, ils pratiquent en entreprises dans des domaines qui ne sont pas toujours repris dans le cadre de leur formation.
Avantages
- Connaissances et mises en pratique se renforcent mutuellement : la formation terrain s’enrichit de la théorie !
Limites
- A l’instar du mentorat, la qualité dépend très fortement de l’expertise et de l’engagement du tuteur. Ce dernier doit prendre en compte les connaissances acquises pour bâtir l’itinéraire de tutorat de son apprenant.
- Nécessite beaucoup de temps d’échange entre l’école et l’entreprise qui peut être très onéreux.
- Nécessite des missions en entreprise correspondant aux compétences de la certification visées. Dans les entreprises, surtout les plus grandes, les missions confiées aux apprentis sont souvent bien plus restreintes que celles définies dans les titres.
L’AFEST
L’AFEST n’est plus à présenter aux lecteurs assidus de notre blog – cliquez ici. Comme le tutorat ou le mentorat, l’AFEST nécessite un encadrement pédagogique formel, mais l’apprentissage ne se fait plus seulement par l’observation ou l’accompagnement sur le terrain de l’apprenant, mais plutôt par la capacité de l’apprenant à penser son action avant d’agir (réflexivité amont) et à analyser ce qu’il a fait, après l’action (réflexivité aval).
Avantages
- Une formation à la fois très opérationnelle et formelle.
- Une formation très appréciée des publics qui ne souhaitent plus apprendre sur les bancs de l’école. Et ils sont de plus en plus nombreux, y compris chez les ingénieurs et cadres !
- Une formation peu coûteuse dès que des volumes importantes sont possibles (et dans tous les cas avec très peu ou sans “cash out“)
Limites
- Nécessite un minimum d’organisation, car il s’agit d’une formation formelle au même titre que la formation en salle ou en classe virtuelle : définition des objectifs, d’un parcours, évaluation amont et aval et enregistrement de la réalisation effective de la formation par un “référent”,
- Nécessite la mobilisation des acteurs de terrain : accompagnateur AFEST et manager,
- Implique des apprenants engagés dans leur formation (car la formation est réalisée partiellement en autonomie : certaines mises en situations et certaines séances de réflexivité par exemple).
Formation-action
Avec la formation-action on change de perspective. On retourne dans la “salle de formation”, qu’elle soit présentielle ou distancielle. Il y a des apports théoriques et de la mise en pratique, avec un accompagnement par un formateur et non plus un tuteur comme dans le tutorat d’alternance. Les apprenants se forment sur des projets réels. Pour en savoir plus consultez notre article : “Comment concevoir et déployer une formation-action ?”
Avantages
- Alternance théorie/pratique parfaitement maîtrisée grâce à l’accompagnement du formateur lui-même.
- Formation à la fois très opérationnelle et méthodologique.
- Fort engagement des apprenants qui travaillent sur leurs cas réels et voient donc immédiatement l’intérêt de se former.
Limites
- Comme l’AFEST, nécessite un minimum d’organisation mais pas de même nature : planification des sessions synchrones, organisations logistiques puisqu’il s’agit de formation formelle en classe virtuelle ou présentielle.
- Peu adaptée aux formations orientées sur le seul transfert de connaissances théoriques.
- Nécessite un investissement pédagogique équivalent à la formation synchrone : l’ingénierie pédagogique est relativement sophistiquée.
Pédagogie par projet
La pédagogie par projet consiste à faire apprendre à partir de projet “factices” et non plus “réels” comme dans la formation-action. C’est une pédagogie très utilisée dans les écoles d’ingénieurs et de commerces ou certains BTS. Son orientation reste académique ou scolaire. On est plus proche de l’étude de cas ou de l’exercice de style que de la situation de travail en contexte professionnel. Les apprenants sont dans un contexte formatif institutionnalisé (école, centre de formation) et non pas en entreprise.
Avantages
- Très encadré pédagogiquement, elle permet d’apprendre en toute sécurité.
- Permet d’acquérir des connaissances théoriques.
- Favorise le travail collaboratif entre apprenants.
Limites
- Beaucoup moins opérationnelle que toutes les approches précédentes et notamment la formation-action.
- Nécessite beaucoup de temps de conception et d’animation : identification des cas, recherche des informations, etc.
Formation sur “plateaux techniques” ou “plateaux pédagogiques”
La formation sur plateaux techniques consiste à mettre les apprenants en situation de réaliser des tâches métiers dans des contextes pédagogiques. Si l’AFEST est une formation in vivo, (on apprend en situation de travail réelle, au sein d’une entreprise), la formation sur plateaux techniques est une formation in vitro (on apprend en situation de travail reconstituée en centre de formation d’où l’expression de “plateaux techniques”).
La formation sur plateaux techniques est très pratiquée par des grands opérateurs de formation historiques, tels que l’AFPA ou les Pôles formation de la Métallurgie ou encore les écoles des CMA (chambres des métiers de l’artisanat).
Avantages
- Permet d’apprendre les gestes métiers en toute sécurité sous l’encadrement d’un formateur.
Limites
- Nécessite des investissements souvent très conséquents pour créer des plateaux techniques : atelier industriel ou de réparation, cuisines de restaurant, installations pour le bâtiment, jusqu’à des simulateurs pour le transport aérien ou le transport maritime.
- Formation opérationnelle mais pas autant que le mentorat, le tutorat ou l’AFEST car l’apprenant est confronté à une situation reconstituée et non pas réelle (ou seulement aménagée).