Quel(s) outil(s) logiciel(s) choisir pour digitaliser ses contenus de formation de façon efficace, pérenne, flexible et efficiente ? La question est centrale pour toute personne ou entreprise qui souhaite amorcer la digitalisation de son offre de formation. De fait, la réponse est complexe. D’une part l’offre est pléthorique – la seule consultation du site Top Tools for Learning qui recense le Top 200 (!) des outils pour la formation peut nous en persuader – et les conseils en la matière sont souvent contradictoires, tiraillés entre impératifs marketing et approximations techniques. D’autre part, il n’existe pas de “vérité” absolue dans ce domaine car le bon outil est en réalité celui qui sera le plus adapté à un contexte de formation donné. Bref, la décision est difficile à prendre pour les concepteurs occasionnels et pourtant, il faut bien se lancer !
Digitaliser ses contenus de formation ?
La “digitalisation des contenus de formation” est une expression très générale pour qualifier un processus éditorial complexe qui débute par la conception d’une ressource digitale (capsule, vidéo, module…) et se termine par son utilisation. À chaque étape de ce processus, des logiciels spécifiques sont utilisés. (Toutefois certains logiciels “multifonctions” peuvent être employés sur plusieurs étapes ce qui ne simplifie pas la compréhension du sujet.)
5 grandes familles d’outils peuvent être identifiés :
- Les outils de conception/scénarisation.
- Les outils de traitement média (captation/numérisation – postproduction/composition).
- Les outils d’intégration.
- Les outils de diffusion/commercialisation.
- Les outils de gestion – traitement analytique…
Dans une dynamique de digitalisation de l’offre de formation, le choix du logiciel d’intégration, appelé aussi outil auteur, revêt une double importance stratégique :
- Il offre au concepteur les moyens pour matérialiser et médiatiser le message qu’il a dans la tête. Cela s’opère par l’agencement, la mise en forme et la mise en mouvement de contenus multimédias (son, vidéo, texte, image…) sur des écrans ou des pages, en vue d’une diffusion synchrone ou asynchrone au format digital.
- Il permet donc de constituer le “livrable” de la ressource digitale de formation auprès de l’utilisateur final. De la richesse fonctionnelle de cet outil auteur dépend donc la valeur de la ressource digitale perçue par l’utilisateur, tant au niveau du design que du traitement distinctif du contenu.
Cet article propose 7 clés pour choisir de façon objective un outil d’intégration sans se tromper.
#1. Choisir un logiciel adapté au traitement de ses contenus de formation
La première chose à faire pour déterminer “son” futur outil auteur de prédilection, c’est de vérifier que ce dernier offre bien les fonctionnalités utiles et nécessaires pour créer et/ou traiter les contenus relatifs à son domaine de formation ou d’enseignement. Cela semble un truisme mais face à toute évidence, il est bon d’y regarder à deux fois.
Rappelons que la plupart des logiciels permettant de médiatiser et d’intégrer du contenu n’ont pas été conçus initialement pour servir des pratiques de formation ou de conception pédagogique. Beaucoup sont, à l’origine, plutôt destinés à des fins de communication, de marketing, de création artistique ou de loisir. Les concepteurs doivent donc souvent “détourner” de leur fonction première et s’approprier ces outils autant que faire se peut.
Vu de loin, la plupart des outils auteur semblent proposer peu ou prou les mêmes fonctionnalités (importer des médias, écrire du texte, créer des formes géométriques, mettre des objets en mouvement et des écrans/pages en forme). Ces dernières peuvent être suffisantes pour traiter les contenus les plus courants, mais s’avérer incomplètes ou trop rudimentaires pour répondre aux exigences de certains domaines de formation, notamment les matières scientifiques ou techniques.
4 exemples parmi d’autres :
- Le logiciel dispose-t-il d’un éditeur de formules mathématiques ?
- Le logiciel offre-t-il des outils suffisamment précis pour réaliser, même de façon dégradée, des dessins techniques ?
- Le logiciel permet-il de créer, d’importer et de manipuler des objets en 3D ?
- Le logiciel propose-t-il d’insérer et d’éditer des tableaux ?
La moindre défaillance ou faiblesse fonctionnelle dans ce domaine peut avoir un impact immédiat sur la faisabilité de certains écrans et sur le temps de production d’une ressource de formation dans un contexte donné.
Deux conseils pour éviter ces déconvenues :
- Avant d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte, vérifier que les outils de production habituellement utilisés en situation professionnelle ne peuvent pas être “détournés” pour produire les ressources digitales de formation. Le concepteur est alors certain d’avoir à sa disposition les fonctionnalités qui l’intéresse et il sait déjà les mettre en œuvre rapidement. Après tout, le meilleur outil n’est-il pas celui qu’on connait le mieux ? La vigilance doit alors porter sur les possibilités de mise en forme jusqu’alors peu utilisées ou inexploitées dans les pratiques “métier” courantes et sur les formats d’export proposés par le logiciel (PNG, GIF, JPG, HTML, PDF, MP4…). Cela ne sert à rien de produire de belles ressources si on ne peut pas les diffuser. Il faut alors se poser les questions suivantes : le “livrable” peut-il être partagé ou diffusé sur les plateformes et canaux de communication dédiés à la formation ? Est-il facilement consultable par les apprenants, sans nécessiter de logiciels particuliers a fortiori payants ? Etc.
- Si un nouveau logiciel doit être acquis, il est impératif de le tester en situation de production réelle et ne pas se satisfaire d’une simple démonstration ou de tests offshore. Les éditeurs de logiciels offrent souvent des périodes d’essais gratuits qui rendent possible (et salutaire) cette démarche. Le résultat ne sera sans doute pas exceptionnel car le concepteur débute dans l’utilisation du logiciel mais l’expérience sera certainement concluante.
Cette démarche de test peut être complétée par la consultation de tutoriels s’adressant à des utilisateurs confirmés, non pas pour apprendre le logiciel à ce niveau, mais pour envisager les possibles, notamment quand le logiciel est poussé dans ses limites fonctionnelles. Par exemple, la vidéo de restitution du challenge Microsoft Word is an AWESOME Art Program?! lancé par Josiah Brooks (aka Jazza) auprès de sa communauté, permet rapidement de conclure que le logiciel a un potentiel de loin supérieur à tout ce qu’on peut imaginer. Enfin, il est possible d’affiner ces deux premières actions par la réalisation de requêtes sur Google afin de vérifier la faisabilité de certaines opérations en lien avec son domaine de formation. Par exemple : “importer des objets 3D dans Articulate” permet de trouver une vidéo de l’ingénieux concepteur Mark Spermon qui démontre d’une part qu’Articulate Storyline ne permet pas l’import et la manipulation d’objets au format 3D, mais d’autre part qu’une astuce pour dépasser cette limite est possible avec l’aide de Powerpoint. Autres exemples de requêtes : “réaliser des tableaux avec Canva”, “enregistrer du son avec Genially”, etc. En un mot, ne pas se contenter de la partie immergée de l’iceberg décrite dans les argumentaires de vente et mettre à l’épreuve l’outil au regard des objectifs de conception et de diffusion.
#2. Choisir un logiciel en phase avec son environnement de travail
Évaluer que l’outil auteur répond bien aux exigences et à la nature du contenu de la formation qui doit être digitalisée est indispensable mais reste insuffisant. Il faut également s’assurer que le logiciel est bien adapté à son environnement de travail et à son contexte professionnel.
La réponse aux questions suivantes peut rapidement éclairer le diagnostic.
- Si la production se fait en équipe, le logiciel offre-t-il des fonctionnalités de partage et/ou de travail en commun, simultané ou non, sur le même fichier ?
- L’outil propose-t-il des commandes de révisions ?
- L’outil est-il accessible aux personnes atteintes d’un handicap ?
- L’outil s’inscrit-il de façon cohérente et harmonieuse dans le système informatique de l’entreprise ?
- Le logiciel est-il disponible sur ordinateur (Mac, PC ?), tablette, smartphone ?
- Le coût des licences va-t-il rendre possible le déploiement du logiciel sur plusieurs machines ?
- Les autorisations d’accès à Internet en vigueur dans l’entreprise vont-elles permettre l’utilisation d’un logiciel auteur utilisable uniquement on line ?
- Le logiciel est-il utilisable hors connexion Internet ?
- Etc.
#3. Choisir un logiciel en fonction de son activité, de son cœur de métier et de ses perspectives de développement
C’est un point clé pour choisir le logiciel adapté. Ci-dessous sont présentés quelques exemples généraux de configurations possibles en fonction de la nature de l’activité. Il ne s’agit évidemment pas de prescriptions qui ne sauraient être prononcées sans étude fine du contexte professionnel concerné.
Si la part de conception de ressources digitales de formation représente moins de 10% de l’activité, par exemple pour s’adapter ponctuellement à la crise sanitaire, alors le choix est simple car il n’a aucun impact à terme : tous les outils pourront faire l’affaire (Genially, Canva, Sway, Spark, Keynote, Powerpoint, Evernote, Notion, Word, Kahout… ), de préférence celui qui est le mieux connu du concepteur occasionnel, et du moment qu’il répond aux exigences décrites dans les deux points précédents. Une exception, toutefois, si l’activité principale comprend beaucoup de formations présentielles, webinaires, classes virtuelles : choisir Powerpoint, sans hésitation.
Si la part de conception de ressources digitales de formation représente (ou doit se développer) entre 10 et 30% de l’activité : choisir Powerpoint (Suite Microsoft Office). C’est celui qui présente le meilleurs rapport performance/prix du marché (attention, la version pour Mac est légèrement moins riche que celle pour PC). Il permet de créer des ressources variées, utilisables dans de nombreux contextes de formation synchrones (avec Teams, Zoom…) ou asynchrones. Si les visioconférences sont fréquentes, on peut compléter par un abonnement à Wooclap qui dispose d’une intégration bien pratique dans Powerpoint, via l’installation d’un complément.
Cas particulier : si les ressources digitales de formation sont uniquement des vidéos, on peut rapidement compléter Powerpoint avec Camtasia qui offre plus de confort dans le montage et le motion design. Sur Mac, iMovie fera en revanche parfaitement l’affaire même s’il n’offre pas les mêmes possibilités fonctionnelles adaptées à la formation.
Si la part de conception pédagogique se situe entre 30 et 60 % de l’activité : Powerpoint + Rise 360 (ou le très complet Storyline 360 en fonction des ressources) + Camtasia + Snag it . Pour le traitement des médias, il est possible d’aller plus loin avec Audacity (GarageBand sur Mac) pour le design sonore et les excellents logiciels proposés par Affinity (Affinity Designer et Affinity Photo) pour le design graphique. Figma peut également être une bonne solution pour le graphisme et pour la constitution rapide et partagée de designs d’interfaces.
Si la part de conception de ressources digitales dépasse les 60% de l’activité, on n’est plus concepteur occasionnel mais on est passé de l’autre côté de la matrice. Il faut alors “envoyer du lourd” au niveau du traitement des médias pour créer la “magie” et utiliser des outils réellement conçus et développés pour des usages de formation : Suite Articulate 360 + Powerpoint (ou, si l’activité est centrée sur des notices techniques volumineuses, s’orienter vers l’Adobe Technical Communication Suite d’Adobe intégrant notamment l’incroyable Frameker et l’outil auteur Captivate) + Adobe Creative Cloud pour le traitement médias, dans laquelle on va utiliser tout particulièrement Acrobat DC, Adobe XD, Photoshop, Illustrator, Première Pro et AfterEffects (à moins de rester sur les outils Affinity + Camtasia en fonction de la nature de l’activité). Mention spéciale pour le trop peu connu Audition, logiciel de traitement du son proposé par Adobe qui est parfaitement adapté aux applications pédagogiques, notamment pour restaurer du son et produire des Podcasts de formation.
#4. Choisir un logiciel permettant de capitaliser au fur et à mesure sur les productions déjà réalisées
La rapidité de production des premières ressources digitales est un impératif dans la constitution d’une offre digitale de formation. Les premières ressources réalisées sont simples et parfois même un peu austères, mais elles offrent le moyen d’amorcer la diffusion et/ou la commercialisation de l’offre et de recueillir les retours des premiers utilisateurs. L’exploitation de ces informations permet de renforcer rapidement la qualité des ressources et de rentrer dans un cycle vertueux d’améliorations tant sur la forme que sur le fond. Il est alors fondamental que l’outil auteur soit en mesure d’accompagner cette dynamique agile en offrant :
- un retour possible au fichier source (exemple : Est-il possible de modifier l’animation du petit personnage réalisée sur la version gratuite d’une application pour smartphone ?),
- des possibilités internes de design, de création et/ou de traitement de contenu les plus larges possibles (exemple : l’outil auteur permet-il de créer directement un schéma ou faut-il réaliser le schéma dans un autre logiciel et l’importer par la suite dans l’outil auteur ?),
- des fonctions de correction et de modification simples et immédiates (exemple : l’outil auteur permet-il de corriger directement un texte dans son contexte ou doit-on passer par une boite de dialogue pour le faire et refermer la boite pour avoir un aperçu du rendu ?),
- des modèles (templates) modulables et adaptables rapidement (exemple : pour changer l’habillage graphique de la ressource, est-il possible d’agir au niveau d’un modèle avec répercussion immédiate des modifications sur tous les écrans ou faut-il traiter tous les écrans les uns après les autres ?),
- des formats d’import/exports variés de données (texte, images, vidéo…) (exemple : la ressource sera finalement plus claire au format vidéo : le logiciel auteur peut-il exporter à ce format ?),
- des possibilités de réaménagement de contenu souples et rapides au sein d’un même fichier ou de plusieurs fichiers (exemple : 8 écrans d’une ressource existante doivent être intégrés dans une nouvelle ressource, comment les transférer ?).
#5. Choisir un logiciel adapté à un “vrai” rythme de production
Pour des raisons pédagogiques, techniques et économiques, il est préférable de produire des ressources courtes. Le pendant de ce postulat, c’est qu’il faut en produire beaucoup. Pour cette raison, la rapidité de production est une nécessité absolue et le logiciel auteur doit pouvoir répondre à cet impératif grâce aux 6 caractéristiques suivantes :
- disposer de raccourcis claviers exhaustifs,
- permettre la personnalisation de son environnement de travail et des palettes d’outils fonctionnels,
- offrir des possibilités internes de création et traitement de contenus multimédias les plus riches et larges possibles,
- intégrer la possibilité de réaliser des modèles (templates),
- proposer des bibliothèques internes de ressources médias (images, pictogrammes, sons…) et/ou de plug-in permettant l’accès à des banques de ressources externes libres de droits,
- rendre possible l’ouverture simultanée de plusieurs fichiers et offrir des modalités souples et rapides de mouvements de contenus dans un fichier ou entre plusieurs fichiers.
Ces 6 caractéristiques vont avoir un effet induit, celui de nous amener à privilégier les logiciels d’intégration installés sur notre ordinateur plutôt que les applications pour smartphone ou tablettes et les logiciels uniquement accessibles en ligne. C’est du reste plus écologique. Par ailleurs, on a beau vivre à l’ère du cloud universel, il est tout de même rassurant de disposer des fichiers sources de ses ressources digitales de formation sur son ordinateur.
#6. Choisir un logiciel participant à la création d’expériences d’apprentissage variées et de qualité
Nous l’avons déjà évoqué : la qualité de l’expérience d’apprentissage globale vécue par l’utilisateur va grandement déterminer le succès pédagogique mais également commercial d’une offre digitale de formation. Ce critère est donc déterminant dans le choix de l’outil auteur. Plusieurs points abordés précédemment pourraient également figurer dans cette partie :
- ajustement du produit au public cible par itérations successives,
- diversité des traitements de contenus multimédias proposés…
- simplicité d’accès, de consultation et d’interaction avec la ressource dans différents environnements et contextes techniques.
Nous ne détaillerons pas ces aspects mais nous soulignons ici leur importance.
#7. Choisir un logiciel avec lequel on aime travailler
À l’issue de l’énumération de tous ces critères objectifs de choix, terminons par un critère subjectif. Il existe de nombreux logiciels, objectivement excellents, mais avec lesquels on ne parvient pas à travailler de façon fluide et sereine. On n’arrive pas à “entrer dedans”, même après de multiples essais. Ils ne sont tout simplement pas fait pour nous.
L’outil auteur est un instrument de travail dont on pourrait comparer la pratique avec celle d’un instrument de musique. On va passer beaucoup de temps à faire des gammes et autres exercices déliateurs, travailler des petits morceaux simples, puis interpréter des compositions plus complexes pour finalement composer et jouer soit même ses propres partitions. Tout ce cheminement serait une torture si on ne vivait pas, en parallèle, l’émerveillement de se voir progresser, de maîtriser l’instrument et de pouvoir exprimer son message de façon harmonieuse, avec toutes les nuances possibles.
Compte tenu du nombre d’heures qu’on va passer à “jouer de notre outil auteur”, autant y prendre du plaisir 🙂