Nous avons assisté récemment à une Webconférence AFEST organisée par Centre-Inffo où sont intervenus Stéphane Rémy et Laurent Duclos de la DGEFP. Près de 4 ans après la reconnaissance officielle de l’AFEST, de nombreuses questions se posent encore chez les employeurs à propos de sa mise en œuvre concrète. Sans parler de certaines rumeurs qui circulent toujours… Notamment celle qui avance, faussement, qu’il faudrait obligatoirement être organisme de formation pour se lancer en AFEST et en plus « Qualiopi » !
Levons ce qui apparait d’abord comme une grande confusion. Rappelons surtout les 7 recettes des entreprises qui réussissent dans l’appropriation et l’utilisation de l’AFEST, au service du développement des compétences.
Stop à la confusion : L’ AFEST est une modalité pédagogique, pas un dispositif de financement !
Historiquement l’AFEST a été, il est vrai, initiée dès 2019 par les financeurs (Opco, Agences d’état, Collectivités Territoriales…). Il s’agissait de faciliter la formation de deux « populations » principalement :
- les salariés de certaines PME de moins de 50 salariés car l’offre classique de formation ne répondait pas ou plus vraiment aux besoins.
- Certains “nouveaux entrants”, pour favoriser leur accès à l’emploi ou les aider à s’insérer : on amène parfois ces personnes aux diplômes, pas nécessairement aux jobs réels proposés par les employeurs !
Ce marché d’AFEST financées, est par nature limité (l’argent public n’est pas un puit sans fond). Il suppose effectivement que les prestataires co-financés (organismes de formation et cabinets de conseil RH) répondent aux normes ou critères fixés par la réglementation (dont Qualiopi) et par les financeurs de formation !
Mais un autre marché, bien plus important et intéressant, est celui des entreprises et organisations qui développent « librement » la formation interne en AFEST. Cela concerne potentiellement 27 millions de personnes en activité, qui devront se former et développer leurs compétences tout au long de leur carrière ! Et point n’est besoin de créer son organisme de formation et encore moins d’obtenir Qualiopi pour développer la formation interne AFEST.
Les rôles des acteurs de l’AFEST évoluent aussi : la certification de référent AFEST de C-Campus vient d’être renouvelée pour 5 ans au répertoire spécifique de France Compétences et nous en sommes ravis. Pour consulter le référentiel mis à jour, c’est ici
3 angles d’attaque pour l’AFEST sur le “marché libre” ou “non co-financé”
Les employeurs et actifs peuvent considérer l’intérêt de l’AFEST selon trois angles différents et complémentaires :
- L’angle de l’innovation : (se) former différemment, dans une approche davantage multimodale, tout en collant mieux aux situations réelles de travail.
- L’angle de l’optimisation : (se) former plus et à moindre coûts, quand les budgets d’achats de formation sont challengés et que les besoins explosent parallèlement.
- L’angle de l’efficience : (se) former mieux, juste assez, juste à temps et au plus près des objectifs opérationnels de ses clients internes.
Les 7 recettes des employeurs qui réussissent l’AFEST sans être forcément organisme de formation…
Les employeurs qui ont réussi en AFEST (en devenant d’ailleurs souvent de grands prosélytes…) ont mis en place une démarche structurée, reposant sur 7 principes. Chers lecteurs, les voici pour vous en inspirer :
Recette n°1 : Recherchez l’efficacité et pas seulement les co-financements
Le co-financement peut améliorer le R.O.I de vos AFEST, mais il ne doit pas en être le fait générateur. Les entreprises appliquant cette première recette en recueillent directement les fruits : des apprenants plus engagés, des managers plus intéressés par le principe même des AFEST (les collaborateurs se forment au poste, sans départ en formation et de façon plus opérationnelle).
Les responsables Learning et Development sont souvent les 1ers surpris des bénéfices directs (meilleure maîtrise des dépenses en formation, économies en transports -hébergements des stagiaires, etc.) et indirects des AFEST (retours sur investissements plus tangibles et mesurables, satisfaction augmentée des clients internes, développement d’éco-système apprenants au sein même des équipes, etc.).
A l’inverse, les entreprises cherchant avant tout à obtenir des co-financements ont souvent l’impression que l’AFEST est complexe, lourde administrativement et finalement peu économique vu le formalisme exigé par le financeur. La raison est qu’elles ne pensent pas l’AFEST comme un moyen d’investir dans le développement d’une organisation apprenante mais seulement comme un levier pour capter de l’argent. Ainsi, tant que les financeurs publics et OPCO concentreront leurs moyens financiers sur les heures des stagiaires en AFEST et non pas sur l’ingénierie et la qualité des AFEST, leurs exigences en matière de traçabilité seront toujours perçues comme très élevées.
Recette n°2 : Diagnostiquez la faisabilité et l’opportunité AFEST
Vous êtes (plutôt) une PME < 50 salariés : votre OPCO peut, sous conditions, cofinancer un diagnostic-conseil AFEST, réalisé par un prestataire référencé par ses soins (C-Campus a formé et certifié comme « référent AFEST » plusieurs centaines de ces prestataires ). Le consultant sélectionné partira souvent de vos pratiques existantes (plus ou moins formelles) de formation terrain, mesurera la marche à franchir et le gain justifiant que vous passiez à l’AFEST. Possiblement il vous livrera ses préconisations pour l’ingénierie et le déploiement de vos premières AFEST.
Vous êtes un grand groupe, une ETI ou une belle PME : internalisez le rôle de « consultant » AFEST, que nous désignons aussi avec deux de nos clients grands groupes : « Vigie – Stratège AFEST ».
Ce rôle consiste à :
- Détecter des projets / besoins d’AFEST potentiels au sein des établissements et métiers,
- Diagnostiquer leurs faisabilité et opportunité, vérifier les prérequis et facteurs de réussite,
- Identifier les acteurs clés (référents & accompagnateurs AFEST, etc.),
- Expérimenter l’AFEST en mode Test & Learn
- Enfin, constituer une stratégie de déploiement reposant généralement sur deux grands modèles : industrialisation d’AFEST et/ou AFEST agile.
Ce rôle est à la croisée de deux visions apparemment antagonistes, mais en réalité, complémentaires : People Development et Management des organisations !
Recette n°3 : Créez le consensus entre enjeux du travail et développement des compétences au travail.
Le cadre réglementaire de la formation (version 2018) amène, avec la reconnaissance de l’AFEST, de fait et de droit un premier consensus : le code du travail précise ainsi que toute action de formation vise un objectif (nécessairement) professionnel !
Au « prétexte » d’une AFEST, il est possible désormais de faire émerger un second consensus : accordez-vous avec vos clients internes opérationnels sur certains enjeux identifiés par tous (direction, management, collaborateurs, voire IRP) et où la formation in situ de type AFEST amène des solutions ou possède une valeur ajoutée intrinsèque.
Principes : Traduisez idéalement ce consensus par l’expression d’un « ROE » (return on expectation) AFEST. Les indicateurs ROE que vous définissez, peuvent viser :
- soit une performance opérationnelle (amélioration de la productivité des apprenants, de la qualité de leur travail, de leur efficacité, etc.)
- soit une performance « sociale » (attractivité renforcée, turn-over maîtrisé, QVT améliorée, préservation & transmission des compétences critiques, etc.)
- soit les deux !
Plus simplement dans les PME, le ROE se traduit par une attente partagée des parties prenantes, formalisée de la manière suivante : « à la fin de l’AFEST, nous serons tous satisfaits si… »
Recette n°4 : Formez aujourd’hui vos référents et accompagnateurs AFEST, demain vos managers d’équipe apprenante…
Avantages :
- avec des acteurs internes formés, outillés, accompagnés, il sera possible d’intégrer durablement cette modalité dans vos pratiques formatives internes.
- grâce à leurs premières AFEST couronnées de succès, il sera envisageable de mobiliser des managers pour passer à l’échelle dans des grands plans de développement AFEST de compétences collectives.
Chez C-Campus nous travaillons depuis 2016 sur des AFEST s’adressant de manière personnalisée aux apprenants. Nous accompagnons déjà des clients à passer aux AFEST collectives mobilisant les managers.
Vous souhaitez former vos managers à développer des équipes solidaires et apprenantes ? Découvrez notre formation “Bâtir et développer une équipe apprenante” en cliquant ici.
Recette n°5 : Expérimentez l’AFEST en mode Test & Learn sur un ou plusieurs pilotes…
L’AFEST s’inscrit dans un changement profond de paradigme. Elle modifie le rapport à la formation et au développement de ses acteurs :
- Apprenants : de consommateurs de formation, ils deviennent acteurs et co-auteurs de leur propre parcours ; cela repose sur le développement de leur « capacité auto réflexive »,
- Formateurs internes : d’une posture de « sachant-transmetteur », centrée sur le contenu, ils deviennent accompagnateurs, centrés sur les apprenants. Cela nécessite d’autres méthodes pédagogiques que les approches traditionnelles en formation terrain,
- Managers : de prescripteurs de formations (réalisés par d’autre qu’eux), ils reviennent à leur rôle historique de premier formateur et développeur des compétences de leurs équipes.
Passer par des étapes pilotes ou des AFEST expérimentales permet d’éprouver le modèle (et de l’améliorer ensuite) ou de tester sa résilience face aux contraintes des organisations (et aux résistances aux changements…)
Recette n°6 : Dressez un bilan complet des effets directs et indirects des AFEST et ajustez-les !
La mesure des effets est déterminante en AFEST : elle va mettre en lumière sa rentabilité intrinsèque (le coût interne de déploiement d’une AFEST est quasi nul, contrairement à l’investissement en ingénierie) et son efficience. Les L&D Managers auront aussi tout à gagner à associer leurs clients et contributeurs internes lors des bilans, pour ajuster et améliorer eux-mêmes leurs AFEST !
Recette n°7 : Industrialisez ou Agilisez vos AFEST, mais restez “frugaux” dans tous les cas !
Quel que soit le modèle de déploiement qu’on privilégie :
- soit massifier des AFEST dans une démarche industrielle et multimodale,
- soit agiliser et améliorer les pratiques de formation terrain grâce à l’AFEST,
il s’agit de rester « frugal » en ressources humaines et en moyens matériels et financiers consommés. Comme nous l’évoquions dans cet article, il en va de la pérennité de l’AFEST, qui doit rester une approche « écologique » de la formation en entreprises !