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Pour un investissement de formation « durable »

Chaque année en France, les entreprises de plus de 10 salariés investissent en formation officiellement entre 2,5% et 3% de leur masse salariale. La mission des directeurs et responsables de formation est de faire de cet investissement, le meilleur usage possible. Depuis quelques années, et notamment depuis la crise sanitaire, nous constatons une approche de plus en plus court-termiste, alors qu’il faudrait privilégier des stratégies orientées sur une approche durable de la formation.

Nous vous proposons trois pistes à la fin de cet article pour développer la “formation durable”, mais avant, commençons par distinguer ce qu’est la “formation durable” de la “formation jetable”.

Formation « durable » vs formation « jetable » : quelle différence ?

La formation « jetable », c’est comme les mouchoirs, ça ne sert qu’une fois ! On se forme pour s’adapter à son poste. On développe uniquement les compétences qu’il nous faut pour exercer la mission que l’on a à réaliser ici et maintenant. On apprend juste assez, juste à temps.

En soi, ce n’est pas une mauvaise chose. Cela permet pour les Direction L&D ou Formation de rentabiliser leur investissement à court terme. Mais, et c’est là que le bât blesse, seulement à court terme !

La logique « adéquationniste » consistant à former pour le poste actuel, et seulement à celui-ci, fait qu’à chaque transformation d’organisation, on est obligés de reformer.

A contrario, une formation « durable » est une formation qui permet de se former et acquérir des compétences qui vont durer dans le temps. Des compétences utiles ici et maintenant, mais aussi demain et après-demain. Mieux : des compétences qui pourront évoluer car celui qui les possède est capable d’appréhender les transformations de son environnement et par lui-même, ou simplement aidé par son entourage, de construire de nouvelles compétences à partir de son capital « compétences » antérieur.

Mettons-nous dans la peau du responsable de formation qui veut se former : si mon objectif est d’appliquer les dernières mesures concernant la nième réforme de la formation, je peux aller suivre une formation d’une journée sur la question. J’appliquerai plus ou moins bien, car j’aurai beaucoup de contenu à appréhender et peut-être du mal à relier toutes les connaissances nouvelles à acquérir. J’appliquerai donc tant bien que mal. 4 ans plus tard une nouvelle réforme verra le jour (si, si depuis le début des années 2000, c’est le rythme moyen des réformes !) et je devrai retourner suivre une nouvelle formation d’une journée. Je m’en sortirai un peu mieux. Mais j’aurai toujours de grandes difficultés à faire les liens et comprendre tous les tenants et aboutissants. Ces deux formations d’une journée chacune peuvent être qualifiées de « formations jetables ».

Le même responsable de formation peut passer à la formation « durable » en choisissant de suivre une formation de trois jours sur les fondamentaux du droit de la formation lors de la première réforme puis de s’abonner par exemple aux excellentes fiches pratiques du Centre-inffo. Il pourra alors les lire sans aucune difficulté (ce qui est loin d’être le cas du pauvre RF ayant suivi une formation jetable !). Il s’informera des dernières nouveautés de la réforme par son fil de veille. Il sera à même d’appliquer de façon rigoureuse tout ce qu’il a lu et compris. Et lors de la réforme suivante, il n’aura même plus besoin d’aller en formation. Sa veille lui suffira.

De la dépense en formation « jetable » à l’investissement en formation « durable »

Dans le premier exemple, l’entreprise a dépensé de l’argent en formation et dans la deuxième, elle l’a investi. Les ronchons rétorqueront qu’au final ce ne sont pas deux jours mais plutôt trois jours que l’entreprise aura payé. Et de surcroît si entre temps le salarié quitte l’entreprise, elle aura tout perdu. Tout cela n’est pas faux, mais si l’on fait l’effort de sortir du cas individuel d’une personne et d’un poste et qu’on pense de façon globale à l’échelle d’une entreprise, le calcul n’est plus le même. Investir dans de la formation « durable », c’est pérenniser les compétences au sein de son entreprise. Certes, certains partiront et profiteront de leur formation ailleurs. Mais ceux qui restent, seront bien formés et efficaces. Et honnêtement, entre un bien formé qui part et un incompétent qui reste, le choix n’est pas long à faire !

La « formation jetable » gagne du terrain

On constate cette tendance à la formation « jetable » au sein des entreprises à travers différents phénomènes :

1-Raccourcissement des durées de formation (de la petite semaine, on était passé à la journée avant le Covid et aujourd’hui on est passé au webinaire d’une heure trente !) ,

2-Déclenchement en urgence de l’acte d’inscription en formation (« Demain, il prend son poste, il faut le former ! » ou « un nouvel outil arrive dans le service, il faut former tout le monde ! »). Ceci dénote le manque d’anticipation des besoins en compétence et une logique de formation de plus en plus « adéquationniste ».

3-Concentration des formations sur les formations obligatoires qui, soit dit en pensant, sont de plus en plus nombreuses. La sécurité n’est plus la chasse gardée des formations obligatoires : les sujets sociétaux se taillent la part du lion !

4-Demandes de plus en plus nombreuses de la part des donneurs d’ordre de supprimer des contenus de formation même quand ceux-ci sont en libre accès (par exemple via du e-learning),

5-Utilisation de pédagogies de type fast learning : micro learning, micro doing, webinaire, e-learning « frugal » (avec de moins en moins de pédagogie embarquée et surtout peu d’accompagnement*)

6-Critères des appels d’offres de plus en plus orientés sur les coûts de formation, plutôt que sur la qualité et l’efficacité pédagogique des formations.

Etc.

(*) Le e-learning « frugal » n’est pas en soi un mauvais choix, s’il est complété par des formations présentielles ou via des classes virtuelles de qualité et en proportion suffisante. Mais lorsqu’il devient la seule modalité possible, cela pose question.

3 priorités pour le développement d’une formation « durable »

Face à cette tendance à la formation « jetable », les entreprises ont intérêt aujourd’hui à réagir en mettant en place de nouvelles priorités.

Organisation apprenante : passer du discours à la pratique en formant et outillant les acteurs de la formation

L’organisation apprenante semble de nouveau le mantra du monde de la formation. Mais malheureusement, on en reste encore trop souvent à l’état du discours. Pourtant s’engager dans le déploiement d’une organisation apprenante, c’est faire de la formation durable en mettant en place une démarche, des outils et surtout en formant des acteurs capables de produire eux-mêmes les formations dont ils ont besoin.

Concrètement, c’est :

  1. Amener les apprenants à apprendre à apprendre pour qu’ils soient ensuite capable de se former en permanence. Or savoir apprendre ne s’invente pas (totalement). Il existe des techniques, des méthodes, des postures mêmes, que l’on peut acquérir.
  2. Investir dans la formation de ceux qui forment, pour décupler le budget. On voit certaines entreprises lésiner sur la formation de leurs formateurs et de leurs tuteurs. C’est pourtant un investissement qui par définition est décuplé, puisque plus les acteurs de la formation se forment, et plus ils ont envie de former et mieux ils forment. C’est un peu comme si une entreprise à risque formait et payait mal ses experts en sécurité ! Ou un hôpital ne formait pas ses médecins et ses infirmiers ! Ou un Etat, ses professeurs (ceci dit, ça peut arriver dans certains pays…)
  3. Former les managers à organiser les apprentissages au sein de leurs équipes. On a beaucoup formés ces dernières années les managers au leadership, à gérer les motivations et les risques psycho sociaux ou encore à mettre en place des rituels manageriaux. Mais une équipe efficace, c’est non seulement une équipe qui veut faire (motivation au travail) et qui peut faire (organisation du travail) et surtout qui sait faire (compétence collective). Bâtir et développer une équipe apprenante, cela s’apprend aussi bien que d’animer ses rituels managériaux. En tous les cas nous en sommes convaincus chez C-Campus, puisque nous réalisons des formations dédiées dans ce domaine ! cliquez ici pour en savoir plus.

Budget formation : concentrer plutôt que saupoudrer

43 ans d’obligation de « dépenses en formation » ont transformé en profondeur les pratiques budgétaires. Même si l’obligation de dépenser a disparu, il y a bientôt 10 ans (réforme de 2014), des traces profondes sont toujours là. Notamment, la logique de saupoudrage qui passe par l’élaboration d’un plan de formation partant des entretiens annuels / professionnels.

Les entreprises ont intérêt aujourd’hui à s’éloigner de cette logique et à « mettre le paquet » sur des programmes stratégiques par exemple :

  • En (re)formant aux fondamentaux des métiers,
  • En développant les formations longues et certifiantes,

Et parallèlement, car elles devront faire des économies pour financer ces formations stratégiques, répondre aux sollicitations des formations de “confort” par des offres en libre accès en digital learning ou renvoyer vers le CPF. Cette stratégie semble être déjà actée dans les plus grands groupes installés en France (cf. par exemple les 200 programmes de formation stratégiques chez Safran – cliquez ici pour lire l’interview de Jean-Roch Houllier.

Achat de formation : sortir de la politique du chiffre

Développer la formation durable, c’est aussi acheter et dépenser autrement en formation.

  • D’abord, c’est pour les entreprises prendre conscience que la formation produit des effets culturels. Et que le partage de croyances, de valeurs, d’attitudes au sein d’une entreprise ne peut se faire qu’à travers des moments qui restent physiques et non pas digitalisés. Revenir à un présentiel de qualité et oser réinvestir dans la formation en résidentiel sont des choix qui ne sont pas neutres. Plus on télé-travaillera, plus on aura besoin de se retrouver. Des lieux de formation fédérateurs, ne sont plus à négliger. Et les promouvoir, ce n’est pas faire des choix stratégiques de l’ancien monde ! Bien au contraire, plus on développera le digital learning, le distanciel et l’AFEST, plus les collaborateurs seront sensibles au fait de participer tous les 2, 3 ou 4 ans à une formation présentielle et pourquoi pas résidentielle mémorable.
  • Ensuite, il s’agit de ne pas mégoter sur la qualité pédagogique des formations pour éviter d’exclure. Réduire le face à face pédagogique n’est pas sans conséquence sur les questions d’inclusion en formation. Plus on individualise et on digitalise, plus les personnes ayant des difficultés à s’auto former sont exclues des politiques de développement des compétences. L’accompagnement pédagogique devient alors crucial. Quand on passe de la formation à l’apprenance, on ne fait pas forcément des économies. Ce que l’on économise en temps de formation synchrone, on doit le réinvestir en accompagnement asynchrone en individuel ou petit collectif, notamment pour les publics les plus fragiles, les moins à même à se former en autonomie.
  • Enfin, acheter de la formation durable, c’est investir dans des outils qui fonctionnent et qui sont bien utilisés. Combien d’abonnement à des logiciels ou plateformes soit disant miracles, ont des taux d’usage ridiculement bas ? Une entreprise qui s’engage dans la formation durable, doit commencer aujourd’hui en faisant un audit sérieux de ses investissements techno-pédagogiques !

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Marc Dennery

Marc Dennery

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