L’évaluation est un sujet bien connu en formation. Il y a deux façons de l’aborder : soit du côté de la prestation de la formation, soit du côté des apprentissages des bénéficiaires de la formation.
Le premier, nous l’avons déjà traité abondamment dans ce blog via des articles présentant notamment l’incontournable méthode Kirkpatrick. Nous allons nous pencher dans cet article sur le second qui revient à l’ordre du jour sous le double effet de la déferlante de l’IA Generative (type ChatGPT) et du développement de l’APC (Approche Par les Compétences) devenue incontournable dans une logique du “Tout certifiant” en formation.
Cet article se veut modeste et pragmatique. Il vous propose un tour d’horizon des différents outils d’évaluation au regard des 5 niveaux d’évaluation des apprentissages.
5 niveaux de critères d’évaluation
Quand un formateur s’interroge sur l’évaluation des apprentissages, la première question qui lui vient à l’esprit est : qu’est-ce je dois/peux évaluer pour mesurer les apprentissages de mes apprenants ?
Cette question a fait l’objet d’une importante littérature notamment depuis l’émergence dans les années 1980 de la notion de compétences. Et on a pu y perdre notre latin ! Pourtant, si on met de côté, débats d’experts et querelles de chapelle, il est possible de distinguer cinq types de critères d’évaluation.
Dans une optique où l’on considère que la finalité d’une formation est l’autonomie de la personne en situation réelle de travail, ces 5 critères peuvent être classés par ordre croissant de niveaux d’évaluation. Les niveaux I & II sont moins révélateurs de l’acquisition des apprentissages par l’apprenant que les niveaux IV et V. Cependant, les critères de niveaux les plus élevés n’emportent pas l’assurance d’une maîtrise des critères moins élevés. Même si cela est rare, un apprenant peut obtenir une évaluation excellente de niveau V et à l’inverse une évaluation moyenne ou faible de niveau I ou III. Dans l’idéal, pour s’assurer qu’un apprenant est a priori autonome à gérer des situations de travail diverses dans un domaine donné, il faudrait qu’il puisse satisfaire aux 5 niveaux de critères.
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Niveau I & II : la maîtrise des connaissances
Dans une formation formelle, les apprentissages permettent d’acquérir d’abord des connaissances. Si on se place toujours dans une optique d’accompagner un apprenant vers la maîtrise de situations de travail réelles, les connaissances qui nous intéressent à faire acquérir sont de deux types :
- Les connaissances liées à l’analyse de la situation. C’est-à-dire celles qui vont permettre à l’apprenant d’analyser et interpréter ce qui se passera lorsqu’il se retrouvera en situation réelle de travail. On cherchera alors à évaluer la maîtrise des connaissances prérequises pour réaliser le geste en situation. Cela peut être des lois, principes, théories, notions, concepts caractéristiques, données…
- Les connaissances liées au déroulé de l’action. On appréciera dans ce cas la maîtrise de la connaissance des étapes du geste ou des opérations mentales à mettre en œuvre. On vérifiera que l’apprenant est capable d’énoncer les modes opératoires, les pas-à-pas et démarches qui permettent de réussir en situation.
A NOTER : à ce niveau, on ne sait pas encore si l’apprenant sait faire en situation (niveau IV et V) mais seulement s’il a les connaissances à la fois méthodologiques et procédurales pour potentiellement réussir. Mais ces connaissances sont essentielles car dans toute maîtrise d’une situation de travail il y a toujours de l’intelligence et du savoir, y compris dans les métiers que l’on qualifie à tort de « manuels »
Niveau III : la maîtrise de la performance
C’est la capacité de l’apprenant à produire le résultat attendu. Ce résultat peut être un produit ou un service. On mesurera évidemment la qualité, mais aussi les délais, et les coûts.
Dans le monde de la formation professionnelle, ce niveau de maîtrise de la performance est souvent considéré comme le Graal (le modèle de Kirkpatrick le situe par exemple au 4ème et dernier niveau de la hiérarchie). Nous serons plus mesuré ! Car livrer un produit ou un service de qualité ne signifie pas forcément qu’on a respecté les standards du métier et encore moins qu’on est capable de reproduire cette performance quelles que soient les situations qui se présenteront à nous.
Niveau IV et V : la maîtrise des compétences
Comme pour la maîtrise des connaissances nous distinguerons deux sous niveaux dans la maîtrise des compétences.
- La compétence mise en œuvre. C’est-à-dire celle que l’on peut observer en situation réelle au poste de travail. L’évaluateur va alors comparer ce que fait l’apprenant avec les standards du métier. Applique-t-il les règles de sécurité, de déontologie, déroule-t-il les étapes de la prestation comme il est attendu, etc ?
Lorsque le contexte pédagogique ne le permet pas, l’évaluation pourra être réalisée non pas en situation réelle normale mais éventuellement en “situation aménagée” (cas courant en AFEST), ou “reconstruite” (cas des formations sur plateaux techniques) ou encore “simulée” (cas des formations sur simulateurs). Évidemment, ces trois dernières configurations sont moins pertinentes car elles ne permettent pas d’évaluer notamment les réactions émotionnelles de l’apprenant (et pour certains métiers, c’est déterminant pour s’assurer de la maîtrise) - La compétence “réfléchie”. C’est la capacité de l’apprenant à porter un regard réflexif sur sa pratique et à « expliciter » et « décrypter » son action. Si l’apprenant est capable de verbaliser et d’analyser ce qu’il a fait pour en tirer les enseignements, il sera probablement en mesure de faire face à des situations de travail diverses et variées. Au niveau de la « compétence mise en œuvre » l’évaluateur peut constater que l’apprenant sait faire dans une situation donnée, tandis qu’au niveau de la « compétence réfléchie » l’évaluateur peut faire l’hypothèse que l’apprenant sera capable de s’adapter pour traiter les nouvelles situations de travail qu’il rencontrera.
La compétence “réfléchie” est un pas vers la “compétence étendue”, c’est-à-dire la compétence qui permet de traiter non plus une classe de situations de travail, mais différentes classes, y compris celles que l’on n’a pas vue en formation ou qui n’existe pas encore. La “compétence étendue”, traduit la capacité d’adaptation et de création de l’apprenant face à son environnement. Il ne fait plus tel qu’on lui a appris à faire ou tel qu’il a l’habitude de faire, mais face à une nouvelle classe de situation qu’il découvre, il bricole et invente les bons modes opératoires, les bonnes attitudes et parfois même les bonnes règles à suivre.
12 outils d’évaluation
Comme nous l’avons résumé dans l’infographie ci-dessus, différents outils d’évaluation peuvent être utilisés pour chacun des niveaux d’évaluation. Certains sont très connus, d’autres le sont moins car ils sont détournés de leur objet premier.
L’espace de cet article étant réduit, nous les présentons succinctement et renvoyons vers des liens si vous souhaitez en savoir plus.
3 outils pour évaluer les connaissances
Nous avons retenu dans l’infographie 3 outils principaux, mais il y en a bien d’autres (exercices d’analyse critique, étude de cas, évaluation croisée…).
Le Quiz est aujourd’hui probablement l’outil d’évaluation le plus utilisé en formation professionnelle. Ses limites sont nombreuses. La principale est le faible engagement cognitif de l’apprenant : on mesure des apprentissages superficiels. Nous lui préférons les tests de compréhension à base de questions-synthèses ou questions problèmes et les cartes mentales qui amènent l’apprenant à restructurer sa connaissance.
1 outil pour évaluer la performance
Pour évaluer la performance, il suffit de faire réaliser un produit ou une prestation de service (ex. Faire une chambre pour évaluer la compétence d’une femme ou valet de chambre dans un hôtel).
Le point de vigilance réside dans les critères d’appréciation. Qu’est-ce qu’un produit ou un service de qualité ? L’évaluateur doit être en mesure de réaliser une grille précise par exemple de ce qu’est une chambre d’hôtel bien faite.
1 outil pour évaluer la compétence “mise en œuvre”
Comme pour l’évaluation de la performance, l’évaluation de la compétence mise en œuvre passe par la réalisation d’une production ou d’une prestation. Mais cette fois-ci, l’évaluateur ne se contente pas d’évaluer le produit ou la prestation réalisée, mais sa réalisation elle-même. Il est donc impliqué dans l’observation. Cette dernière peut avoir lieu sur place, mais aussi à distance et parfois même de façon asynchrone (via un enregistrement vidéo).
7 outils pour évaluer la compétence “réfléchie”
Hormis la « soutenance de rapport d’expérience » (largement utilisée pour évaluer les stages en entreprise) et le « chef d’œuvre » (vieux comme le compagnonnage !), les outils présentés dans l’infographie ci-dessus sont peut-être moins connus des formateurs.
Aucun des 5 autres outils présentés n’ont été créés dans un but premier d’évaluation. Mais en les détournant, ils peuvent être des très bons outils d’évaluation.
- L’autobilan des acquis est inspiré de la logique de constitution du livret 2 dans le cadre d’une démarche VAE. Il conduit l’apprenant, grâce à une démarche réflexive, à faire état de ses acquis et à en faire la preuve en décrivant avec précision ses expériences (contexte, description de l’activité, des outils utilisés, des connaissances mobilisées, des coopérations établies…)
- « L’instruction au sosie » et « l’entretien de retour d’expérience » sont à l’origine deux techniques pédagogiques. La première permet d’amener l’apprenant à se placer en posture d’instructeur et d’apprendre à son sosie ce qu’il doit faire. Dans le cas d’une évaluation, le sosie devient l’évaluateur lui-même. La seconde technique conduit l’apprenant à analyser l’expérience qu’il vient de vivre ou une expérience ancienne. Dans les deux cas, il s’agit de mobiliser une démarche réflexive à travers un questionnement adapté.
- « L’entretien d’explicitation » est une technique élaborée par Pierre Vermesch à des fins d’analyse du travail. Mais elle peut être détournée pour mettre à jour comment la personne se représente la situation de travail, quel rôle il y joue et comment il la traite. Pour en savoir plus l’entretien d’explicitation – cliquez ici.
- « L’entretien d’autoconfrontation » est une technique proche de l’entretien d’explicitation. A l’instar de l’entretien d’explicitation, l’entretien d’autoconfrontation, amène la personne à expliciter son expérience mais cette fois-ci non pas par une simple verbalisation de ce qu’il a vécu mais en se confrontant à sa propre activité qui a été filmée précédemment.
Evaluer les apprentissages dans une optique de validation des compétences nécessite de bien poser ce que l’on cherche à évaluer et de se doter d’outils robustes. La hiérarchie en 5 niveaux d’évaluation et les 12 outils associés peuvent être des pistes pour y parvenir.