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Concepts pédagogiques #21 – l’alignement pédagogique

L’alignement pédagogique est un principe de conception de formation proposée par le pédagogue australien John B.Biggs dans son ouvrage “Teaching for Quality Learning at University“, publié en 1996. S’inscrivant dans le courant constructiviste, son ambition était de proposer un modèle pour concevoir des formations universitaires de qualité, dans une logique de construction des connaissances par les apprenants. Ce modèle remettait en cause la logique d’enseignement classique, dite transmissive.

Pour marquer le lien entre son modèle et l’approche constructiviste, John B.Biggs nomma son concept par l’expression “Alignement constructif” (en anglais “Constructive alignment”). En se diffusant au fil des décennies, il a été renommé en “alignement pédagogique”. On peut interpréter ce glissement sémantique par le fait que le principe d’alignement a marqué davantage les pédagogues, que la pédagogie constructiviste, qui malheureusement n’a pas été tant appropriée que cela par la communauté des formateurs, contrairement à ce qu’on voudrait laisser croire.

Dans la suite de l’article, nous nous alignerons sur ce glissement sémantique et présenterons ce qu’est le principe de l’alignement pédagogique, comment on peut le mettre en place et quels bénéfices les formateurs et formatrices peuvent en retirer.

Qu’est-ce que l’alignement pédagogique ?

L’idée de base de l’alignement pédagogique est que plus le niveau d’objectif pédagogique, les types de modalités et techniques pédagogiques et le type d’outils d’évaluation sont alignés (ou si vous préférez plus la cohérence et la “congruence” sont fortes entre ces trois éléments), plus vos séquences pédagogiques seront bien conçues et par conséquent “efficientes”. C’est-à-dire qu’elle permettront à vos apprenants d’atteindre les objectifs pédagogiques, en un minimum de temps d’apprentissage.

Cette idée simple, qui reprend les 3 unités élémentaires de la conception pédagogique – Objectifs pédagogiques – Modalités/techniques pédagogiques – Outils d’évaluation, est d’une portée non négligeable pour les formateurs et enseignants. En effet, il est facile de commettre des erreurs d’alignement pédagogique qui se soldent, dans le meilleur des cas, par une perte de temps en formation et, dans le pire, ni plus ni moins, par un échec de la formation.

Mais avant d’entrer dans le détail du risque d’un mauvais alignement pédagogique, voyons comment procéder pour en réaliser un bon.

Comment appliquer le principe d’alignement pédagogique à la conception d’une formation ?

Pour appliquer le principe d’alignement pédagogique lors de la conception d’une formation, on procède en 3 temps :

Tout part du niveau des objectifs pédagogiques

Le premier travail à réaliser est de déterminer le niveau d’objectif pédagogique en fonction de la finalité de la formation. Pour ce faire, on utilise la fameuse taxonomie de Bloom. Cette célèbre classification des niveaux d’acquisition de compétences a été élaborée au milieu des années 1950 et elle fait autorité aujourd’hui encore – Pour aller plus loin voir sa présentation sur Wikipedia – cliquez ici.

Elle se traduit par une liste de verbes d’actions à l’infinitif classés de 1 à 6. Le niveau 1 est généralement reconnu comme le niveau le plus bas (ou le plus facile à atteindre) et les niveaux supérieurs comme les niveaux les plus difficiles.

Attention ! le différentiel de temps d’apprentissage est très important quand on passe d’un niveau à un autre. Etre capable de citer les étapes d’une technique de vente peut prendre moins de 5′ de temps d’apprentissage ; être capable de les expliquer et de les justifier, probablement plus d’une heure ! Quant à les appliquer, on comptera en jours et à les adapter (en fonction de son contexte) peut-être en semaines voire en mois.

La taxonomie dite de Bloom a été mainte fois discutée. Elle a été même révisée par Anderson et Krathwohl en 2001 – cf. un panorama des taxonomie réalisée par l’Université de Genève en cliquant ici. Pour des questions de lisibilité, nous l’avons simplifiée en 4 niveaux, en réunissant les 3 derniers niveaux en un niveau unique (cf. infographie ci-dessous).

Au fil du temps, la taxonomie de Bloom est devenue un incontournable du métier de formateur. Se l’approprier et l’utiliser fait partie du savoir-faire du formateur, au même titre que savoir réaliser un diaporama animé ou concevoir un quiz. Pourtant l’essentiel pour réussir ses formations ne se situe pas là. Nous le situerions davantage du côté de la compréhension des attentes, des besoins et du mode de fonctionnement de l’apprenant et dans la capacité à imaginer des activités d’apprentissage faisant appel à son engagement cognitif – cf. Modèle ICAP)

Aligner les modalités et techniques pédagogiques sur le niveau d’objectif

Dans ce deuxième temps, on détermine pour chaque objectif pédagogique, la ou les activités d’apprentissage les mieux appropriées. Autrement dit, ce que feront concrètement les apprenants pour apprendre. Avec le développement de la multi-modalité, nous avons pris l’habitude de distinguer d’une part les modalités et d’autre part les techniques.

Le type de modalité :  c’est le moyen par lequel est mis en oeuvre la pédagogie. C’est elle qui fixe le cadre de l’apprentissage. On peut en distinguer 5 primaires :

  • le présentiel,
  • le distanciel (visio ou webinaire),
  • l’auto-formation (e-learning, video-learning, jusqu’à la simple lecture de document PDF et même d’un document papier – si, si : ce n’est pas si mal du papier, pédagogiquement parlant),
  • la co-formation dite aussi “pairagogie” (formation entre pairs, hors de la présence de formateur ou formatrice mais pouvant être encadrée et animée pédagogiquement, comme dans sa variante “co-développement)
  • la formation terrain (dont le binôme FEST/AFEST mais aussi le tutorat, le mentorat, le parrainage, etc.)

Le type de technique : c’est l’organisation à proprement parler de l’activité pédagogique. Le nombre de techniques est quasiment illimité. Mais les plus connues sont : l’exposé, le jeu de rôle/ la simulation, l’exercice d’application, l’étude de cas…

Tout l’art du concepteur qui applique l’alignement pédagogique va se situer dans sa capacité à aligner le niveau de technique (et indirectement de modalité) avec le niveau d’objectif.

Exemple : si votre objectif est de niveau 3 – appliquer la nouvelle méthode de vente, vous utiliserez a minima une technique pédagogique comme le “jeu de rôles” (en formation présentielle) et si possible la “supervision” en magasin école (un autre lieu de formation présentielle) ou encore dans le propre magasin d’affectation de l’apprenant (en utilisant l’AFEST ou le tutorat). A l’inverse, si votre objectif est “seulement” que les apprenants sachent expliquer les différentes étapes de la nouvelle méthode de vente, alors une technique pédagogique de type “exposé” (en présentiel ou à distance) suffira, voire même la consultation d’un bon e-learning bien fait.

Petite page de pub en passant : nous avons formalisé 33 techniques pédagogiques actives et interactives dans notre jeu de cartes “La Pédagothèque #1“, vous pouvez le découvrir sur notre site ici ou  et bien sûr le commander en nous contactant :  formation@c-campus.fr.

Choisir l’outil d’évaluation en fonction du niveau d’objectif

Une fois l’activité d’apprentissage alignée sur le niveau d’objectif, il ne vous reste plus qu’à aligner l’outil d’évaluation. Si vous restez au niveau 1, un “quiz” fera parfaitement l’affaire, si vous passez au niveau 2, un “test de compréhension” ou une “carte mentale” seront mieux adaptés. Si vous visez le niveau 3, la “simulation” devant un évaluateur, l’analyse de production ou encore la “mise en situation professionnelle observée” seront bien plus pertinents.

Le schéma ci-dessous présente 3 cas, dont seul le cas C est “bien aligné”.

Quels bénéfices en retirer pour ses formations ?

Le principe d’alignement pédagogique est plus qu’un concept, c’est une méthode pratique pour concevoir ses formations. Cette méthode peut être utilisée pendant une phase de conception d’une formation, précisément comme un moyen pour optimiser sa conception. Elle peut être également une bonne grille d’analyse, pour contrôler avant déploiement, la qualité de conception de formations déjà conçues.

Les bénéfices que vous pourrez obtenir en utilisant cette approche sont nombreux, citons pêle-mêle les suivants :

  • Rendre plus efficientes vos formations en évitant des techniques pédagogiques ou des outils d’évaluation incohérents avec le niveau d’objectif. On gaspille moins de temps, si on utilise juste les techniques et outils qu’il faut, pour atteindre ses objectifs.
  • Améliorer la qualité de l’évaluation de vos apprentissages. En s’interrogeant sur le type d’outil d’évaluation en fonction du niveau d’objectifs, on évite des erreurs grossières, du type évaluer une compétence par un quiz ou à l’inverse (c’est moins courant) une simple connaissance, par une mise en situation professionnelle. Pour aller plus loin, voir notre article sur les niveaux d’évaluation, qui part d’une taxonomie différente de celle de Bloom mais pas opposée (orientée sur la compétence dans une logique APC) – cliquez ici.
  • Se forcer à utiliser des techniques “constructives” et/ou “interactives”. En choisissant ses techniques pédagogiques en fonction du niveau d’objectif et non pas en fonction de ses habitudes, des modes ou de son humeur du moment, on a tendance à mieux soigner le choix de ses techniques pédagogiques et de rechercher davantage l’engagement cognitif de ses apprenants. C’était le but initial de John B. Biggs quand il a développé son principe “d’alignement constructif”. C’est probablement aussi important que le principe d’alignement pédagogique, même si ce premier principe a eu moins de succès que le second dans le petit monde de la formation, notamment en France.

Vous souhaitez vous entrainer à utiliser le principe d’alignement pédagogique, et plus largement améliorer la conception de vos formations, inscrivez-vous à notre prochaine session de formation “Concevoir une formation captivante”. Il reste encore des dernières places pour la session du 6 juin ! N’hésitez pas à nous contacter : formation@c-campus.fr.

Référence
  • John B.Biggs & Catherine Tang – Teaching for Quality Learning at University, Mc Grew Hill, 2011 – cliquez ici.
Marc Dennery

Marc Dennery

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