Dans un précédent article, nous avons abordé 3 grandes principes pour rendre autonomes ses apprenants. Aujourd’hui, place aux exemples concrets ! Nous avons recensé plusieurs dizaine d’activités et bonnes pratiques qui permettent aux apprenants de s’autonomiser encore plus de leurs “pédagogues”, dans leurs parcours de formation…Nous en avons sélectionné 9 qui nous semblent intéressantes et simples.
Pour une partie d’entre elles, ces bonnes idées ne datent ni d’hier, ni d’avant-hier, même. Mais il est souvent salutaire de revenir à des fondamentaux !
Quatre pratiques facilitant l’acquisition autonome de « savoirs »
Il s’agit d’aider les apprenants à étendre seuls, leurs champs de connaissances sur un sujet, domaine, secteur, etc., sans que l’effort soit réalisé par une personne dispensant le savoir.
1. Les bons vieux livres, mais pas seulement…
À l’ère du “100% écran” et surtout de leur “mésusage” (générant des effets négatifs, y compris cognitifs) on commence à se rendre compte de l’intérêt de lire à nouveau des vrais livres “papier”. Mais arrêtons-nous d’abord sur un point crucial : la qualité de la bibliographie. Ici le pédagogue a encore son rôle : flécher à l’apprenant des ouvrages, articles, dossiers, ainsi que des contenus de référence, lorsqu’on se situe dans le domaine professionnel (modes opératoires, notices techniques, etc.). Il s’agit aussi pour l’apprenant d’aller bien au-delà de la simple lecture. Le pédagogue l’invitera par exemple à :
- Annoter ou sur-ligner les parties les plus intéressantes des contenus,
- Compiler & synthétiser des textes complémentaires,
- Produire des fiches de lecture,
- À l’occasion d’une réunion d’équipe, faire le Pitch à ses collègues des connaissances (résumées).
Cette “lecture ++” améliorera considérablement la mémorisation d’informations !
L’imagerie médicale et les travaux du Professeur de psychologie Gregory S. Berns avancent par ailleurs que la lecture d’ouvrages faisant appel à l’imagination (nouvelles, romans, récits, pièces de théâtre, recueils de poésie…) mobiliserait trois différentes zones du cerveau, améliorerait la créativité et ce assez durablement. Il faut savoir varier ses lectures !
2. Étude critique de contenus en ligne !
Internet et plus récemment l’IA ont révolutionné l’accès au savoir, par rapport à l’époque des bibliothèques “physiques”. L’apprenant va devoir bien sûr trier : tout ce que l’on trouve sur la toile est loin d’être qualitatif. Et cette analyse critique constitue en soi une activité d’apprentissage, développant l’esprit critique ! Un excellent exercice consiste par exemple à demander à des apprenants de critiquer les contenus proposés par les chatbots et autres IA soit-disant “génératives”…Ils vont s’amuser car même avec des “super prompts”, vendus par des “spécialistes”, il y a un pourcentage non négligeable de bêtises dans les propositions “algorithmiques” !
Une astuce : les contenus sérieux font références à des “sources” également sérieuses : qu’elles soient scientifiques, universitaires, bibliographiques, etc. Ces “contenus” peuvent aussi être étayés par des données fiables, des recherches documentées, des enquêtes de terrain, des sources croisées, des sondages ouverts, etc. Au contraire, les contenus “légers” affichent fréquemment des sophismes ou des “pensées réduites à des slogans”. Ils développent trop de “narratif” et pas suffisamment d’apports sur le fond. Prudence aussi quand le “contenu” mise trop sur le sensationnel, l’émotionnel, les effets de mode : on sent les vieilles ficelles marketing…
3. Projet ou mémoire à vocation professionnelle
Le principe est bien sûr différent de ce qui est demandé aux étudiants : il ne s’agit pas pour un actif / salarié de rédiger un mémoire d’étude. Plutôt de participer à (ou réaliser) un mémoire ou projet professionnel. Cela supposera par exemple des enquêtes, recherches personnelles, un benchmark, une revue technique, une veille, etc. Par exemple, pour des futurs managers : réaliser sur une période donnée, des recherches sur différents angles du management d’équipe, avec à la clé, un rapport, voire une application dans le cadre professionnel réel.
L’avantage est double : non seulement la personne va apprendre de ces travaux mais son employeur n’est pas “à l’abri d’une bonne nouvelle” : l’apprenant peut revenir avec de très bonnes idées !
4. Conférences et wébinaires mais pas en “spectateur”
Chez C-Campus nous en animons régulièrement (par exemple sur l’AFEST ou la mise en oeuvre pratique des concepts pédagogiques que vous retrouvez dans notre blog). Nous sommes ravis de rencontrer notre “public” dans ces occasions. Ce que nous avons remarqué en revanche, c’est que les personnes profitant vraiment de nos “savoirs”, sont celles qui se sont renseignées avant la conférence, avaient un objectif en y assistant et qui viennent nous voir après la conférence !
Lorsque nous étions plus jeunes, au Lycée, nous savions très bien qu’à un moment, nous irions voir le prof après certains cours. Souvent nous en apprenions bien plus en 10 minutes, que pendant les deux heures de cours précédentes : un déclic se produisait !
L’apprenant actif ne se contente pas d’assister à des conférences. Il a une vraie “stratégie d’apprentissage avant, pendant, après, pour en profiter au maximum !
Deux pratiques favorisant l’apprentissage social
Restons toujours sur le même principe (rendre l’apprenant encore plus autonome dans son apprentissage) mais changeons de registre : comment inciter nos apprenants à apprendre des autres et avec les autres !
5. Redonner ce que l’on a appris : c’est formateur !
Les “jargonneux” appellent cela le Peer Teaching ou enseignement à ses pairs. Tout le monde saisit le principe : un apprenant formé, à son tour accompagne un apprenant néophyte. Le bénéfice est connu des personnes qui ont été dans cette position. Un constat, confirmé par la méta-analyse de Michelene Chi – cf. modèle ICAP : former une autre personne, c’est presque autant se former soi-même ! On veillera cependant à ce que le néophyte n’apprenne pas uniquement de son pair, sinon gare aux déperditions ou mésapprentissages…
Transmettre à autrui, c’est à la fois consolider ses propres savoirs et développer des nouvelles capacités : pédagogiques en l’occurrence !
6. Participer à un hackathon formatif
Un peu comme les Geeks participent à un hackathon de développement informatique, des apprenants peuvent participer à un hackathon de développement de compétences. Par exemple, des commerciaux, marketeurs et ingénieurs d’un industriel de la grande consommation vont réfléchir ensemble sur les nouvelles problématiques nées de négociations difficiles avec les enseignes de distribution, dans un contexte d’inflation élevée. Outre les bonnes idées qui vont en rejaillir, la dynamique de groupe, les travaux interactifs et constructifs, vont générer des apprentissages mutuels bénéfiques !
Cinq pièges à éviter du côté des directions L&D organisant un hackathon formatif : 1. des objectifs flous, 2. des participants pas assez variés dans leurs profils, 3. l’absence d’un animateur -régulateur – modérateur, 4. un nombre insuffisant d’itérations, 5. une absence de synthèses et de formalisation des travaux !
Trois pratiques pour développer ses compétences au travail
Pour développer leurs “compétences” (autrement dit : le fait de bien faire leur travail), encourageons aussi nos apprenants à adopter de bonnes habitudes lorsqu’ils reviennent au travail. Nous en avons repéré trois, à la portée de tous !
7. Pratiquer, pratiquer, pratiquer !
Si les formateurs mobilisent de plus en plus en formation “classique” des activités pédagogiques favorisant ce qu’on appelle le “transfert”, il n’en demeure pas moins que trop d’acquis de la formation ne sont jamais transférés dans la pratique. Par rapport à cette problématique, un de nos clients (responsable formation) envisage de rendre systématique et obligatoire, le principe de mises en pratique immédiates, après toute formation de deux jours et plus. Pour cela, évidemment les N+1 et les apprenants seront embarqués dans la démarche, dés l’ingénierie. La formation sera d’ailleurs conçue en miroir de ce qui est attendu réellement sur le terrain, en termes de comportements et de pratiques à appliquer dans les situations professionnelles !
On ne le redira jamais assez : la pratique est indispensable au “transfert” . La formation la plus “Wahou” du monde ne vaut pas grand chose, si les participants n’appliquent pas immédiatement et régulièrement leurs acquis !
8. Demander des feed-back …
Il est plus facile à un apprenant de progresser lorsqu’il sait “se situer”, en termes de critères et d’attendus par rapport à son job. L’apprenant qui demande des feed-back dans son entourage, va développer sa capacité à s’auto-évaluer, s’auto-contrôler et à progresser par lui-même. Voici les différentes personnes qu’il peut solliciter :
- Un pair : un autre participant de sa formation. Dans ce cas les feed-back peuvent se faire en “croisé”. Petite parenthèse : dans nos parcours chez C-Campus, nous trouvons cette formule très intéressante et nous proposons à nos participants de “se binômer” : pas forcément avec la personne la plus proche “relationnellement”, mais plutôt celle qui apportera un regard différent ou distancié.
- Son responsable hiérarchique : ce choix est d’autant plus pertinent que le N+1 a commandité ou a été co-décisionnaire de la formation de l’apprenant et a aidé l’apprenant à déterminer en amont ses objectifs d’apprentissage !
- Un collègue “à l’aise” dans le domaine : il saura apporter un regard précis sur le niveau de pratique et les compétences mobilisées de l’apprenant dans l’activité réelle de travail.
- un mentor, généralement une personne senior ou très expérimentée, capable d’écoute active et de bienveillance dans le feed-back, tout en apportant conseils et éclairages.
En cas de besoin, l’apprenant peut bien entendu solliciter le feed-back de son formateur, mais avec une “règle du jeu” simple : en faisant d’abord l’effort de réaliser une première auto-évaluation et de réfléchir à des axes d’amélioration. Bref en suivant le vieux proverbe : “aide-toi et le ciel t’aidera“
9. Essai – Erreur – Réflexivité !
Dans le petit monde de la formation professionnelle, jamais le fameux “droit à l’erreur” n’a été aussi invoqué. Nous avons eu l’occasion dans cet article “Apprend-on toujours de ses erreurs ?” de donner notre avis sur ce que nous en pensions…
“Qui ne tente rien, n’obtient rien…” dit le proverbe “et n’apprend rien” pourrait-t-on ajouter ! D’accord : à condition de développer ce qu’on appelle la “pratique réflexive” !
Le formateur “malin” souhaitant utiliser la “pédagogie de l’erreur” prendra quelques précautions car le “droit à l’erreur” n’est jamais absolu et permanent.
Dans la boite à outils des référents AFEST que nous formons, se trouve le fameux PIF (protocole individuel de formation, document fort utile pour tracer les AFEST). Ce PIF va aussi aider les parties prenantes de la formation à préciser les droits et devoirs des apprenants, notamment le droit à l’erreur.
Allons un cran plus loin : tout pédagogue sérieux échangera bien sûr avec l’apprenant en amont d’un parcours. Et sur ce droit à l’erreur, il le fera de manière contextualisée. La discussion peut par exemple porter sur :
- La différence entre “erreur” et “faute”,
- Les marges possibles d’erreurs (ou d’approximations),
- La différence entre prise de risque calculée et anticipée et l’inconscience totale,
- Les conséquences possibles de certaines erreurs,
- Les erreurs trop “risquées”,
- Les erreurs répétées et en quoi elles “signifieraient” quelque chose d’intéressant sur soi, à creuser,
- Le devoir d’alerter et de se questionner dans le cas de certaines erreurs,
- Etc.