L’évaluation de la formation, tout le monde en parle mais personne ne s’y intéresse vraiment. Même notre Président de la République s’y est mis le 4 mars dernier à Blois en appellant de ses voeux une certification des organismes de formation. Encore une fois, cela risque d’être un voeu pieux. Les entreprises aussi bien que les OPCA demandent rarement des comptes à la formation. Il y a selon nous plusieurs raisons à ce phénomène.
Dans notre livre sur l’évaluation, nous avions essayé de définir l’objet même de l’évaluation et nous avions découvert 4 types d’évaluation. Pour chacun de ces types d’évaluation, l’entreprise est trop souvent, au mieux peu sensible et au pire réfractaire à une évaluation rigoureuse.
Evaluer l’action de formation, pourquoi pas mais…
L’entreprise n’est pas contre l’évaluation de la qualité des formations. Elle se dit même très souvent soucieuse de la qualité pour choisir ses organismes. Mais la sélection se fait beaucoup plus sur des critères “subjectifs“ et “a priori“ (démarche d’appel d’offre) qu’à partir d’une analyse fine de la qualité perçue a posteriori.
On nous rétorquera que les formations sont évaluées. C’est vrai, mais le plus souvent à chaud et par le stagiaire lui-même. Ce type d’évaluation est plus proche des commentaires que des spectateurs peuvent faire en sortant de leur salle de cinéma ou de théâtre que d’une appréciation professionnelle !
De toute façon, les entreprises ne sont pas prêtes à mettre des moyens importants dans l’évaluation de l’action de formation. Des sociétés de conseil se sont essayées au développement d’approches quantifiées, mais cela n’a pas donné lieu à des pratiques généralisées. “Trop coûteux“ répondent les entreprises. C’est vrai que l’investissement est important, mais comme pour tout investissement, si elles étaient convaincues du R.O.I, elles le feraient.
Evaluer l’apprenant, attention danger !
La fameuse évaluation des acquis en fin de formation ou en situation de travail, c’est pour beaucoup la seule vraie évaluation. Or, même celle-ci est assez peu développée. Et dans ce domaine, les entreprises ne sont pas seulement peu sensibles, mais on peut dire qu’elles sont le plus souvent réfractaires.
L’évaluation des apprenants fait peur. Les entreprises craignent qu’une formation validée se transforme en revendication salariale. Il est vrai qu’une telle demande pourrait ne pas être dénuée de sens ! Alors plutôt que de certifier ou habiliter, elles préfèrent seulement former. Une formation, c’est un plus offert par l’entreprise. Une certification, c’est une ligne de plus sur son CV qui peut se monnayer !
Evaluer la fonction formation : méfions-nous de l’usine à gaz administrative
L’évaluation des processus et des outils concourant à la qualité des formations est une évaluation bien plus rare encore que les précédentes. Et pourtant, elle est déterminante. Auditer un système de formation, d’une entreprise ou d’un organisme de formation, en vue d’en identifier ses forces et ses points d’amélioration, apporte souvent beaucoup plus que n’importe quelle compilation de fiches de fin de stage. Mais cela demande des moyens considérables (au minimum 4 à 6 jours d’intervention d’un consultant expert).
Le monde de la formation plus ancré dans ses problématiques de type juridico-administratives ou à l’opposé pédagogique est peu sensible aux démarches d’audit, de certifications ou labellisation. A ce s sujet, Il est à craindre que le projet du gouvernement de “labellisation“ des organismes aboutisse à un carcan administratif de plus plutôt qu’à un véritable outil de développement des organismes de formation.
Evaluer le retour sur investissement : un mythe bien utile !
A entendre les responsables de formation, le R.O.I est le graal de la formation. Mais en faisant un mythe de ce R.O.I, ils ne font que le rendre inaccessible. Et en le rendant inaccessible, ils ne font que justifier le fait qu’ils n’ont pas de moyens de mesurer le retour sur investissement de la formation.
Et pourtant, il n’est pas bien difficile d’un point de vue théorique de le calculer. Il s’agit tout simplement de faire un rapport entre un indice de qualité ou d’efficacité de la formation sur un indice de coût. Pour le numérateur, les fiches d’évaluation peuvent donner un premier indice, les évaluations à froid pourraient être évidemment beaucoup fiables, et des progressions en terme de compétences carrément plus objectives. Pour le dénominateur, le coût horaire moyen stagiaire par discipline est un excellent outil, facile à calculer. Mais qui le calcule vraiment ? La formation est une obligation et fonctionne comme un budget de dépense et non pas comme investissement. Là est peut être la vraie raison du peu de succès de l’évaluation de la formation.
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