Depuis plusieurs années la question de la qualité du tutorat dans les entreprises est évoquée dans le monde de la formation. Différents acteurs s’en préoccupent : responsables de l’alternance, représentants d’OPCO, directions pédagogiques dans les CFA et écoles, IRP, services des Ministères du Travail et de l’Éducation Nationale, etc. C’est logique : les employeurs n’ont jamais accueilli autant d’alternants : près d’un million chaque année, record historique en France ! Chez C-Campus, nous sommes de ceux qui militent pour l’amélioration de la posture et de la pédagogie chez les tuteurs et maîtres d’apprentissage ! Plutôt que de gloser sur la qualité objective du tutorat, nous avons d’abord décidé d’écouter ce qu’ont à nous en dire les principaux intéressés : à savoir les tuteurs et tutrices ?
Depuis novembre dernier, à l’occasion des formations au tutorat que nous animons, nous “sondons” régulièrement des panels de participants, tuteurs et tutrices. Il en ressort des données intéressantes sur leur sentiment de maîtrise des méthodes pédagogiques. Nous sollicitons aussi leur avis sur les postures à adopter en tutorat et enfin leur demandons quelles sont les pistes d’avenir du tutorat en entreprises, au delà du compagnonnage classique. Et au travers de leurs verbatims en formation, nous vous livrons aussi quelques points de vigilance…
Les postures à adopter en tutorat : pas de surprises…
Sur ce sondage mené auprès d’un panel de 120 tuteurs et tutrices, le triptyque “bienveillance + responsabilisation + autonomisation” ressort clairement parmi les meilleures postures à adopter par les tuteurs ! C’est rassurant : tuteurs et tutrices ont bien saisi qu’il est nécessaire d’être à la fois bienveillant et exigeant vis à vis d’un alternant, pour le mener à une forme d’autonomie.
La bienveillance sans la responsabilisation…
En tant que tuteur ou maître d’apprentissage, le premier écueil à éviter est de tomber dans la compassion, les bons sentiments, ce que certains appellent la “dictature de la bienveillance” (même si le mot “dictature” est excessif). La mièvrerie n’est absolument pas le genre de posture qu’attendent les apprenants de la part de leurs tuteurs et tutrices, comme le montre Cette autre enquête sur les 17 attentes concrètes des alternants en entreprise ?
La responsabilisation trop précoce !
Confier trop vite des responsabilités de salarié chevronné à un apprenti, c’est le meilleur moyen de le mettre en difficultés ou de générer une perte de confiance.Le bon sens prévaut heureusement souvent chez les tuteurs & tutrices, notamment ceux qui ont été eux-mêmes stagiaire ou alternant. On comprend alors aisément la nuance entre “exigence nécessaire sur l’apprentissage” et “pression immédiate de performance de résultats” !
Maîtrise des techniques pédagogiques : une humilité de bon aloi…
Même formés et outillés, tuteurs et tutrices sont conscients que “l’art de transmettre” et d’accompagner repose sur de vraies compétences pédagogiques, à acquérir et perfectionner. Y compris chez les personnes qui ont eu plusieurs fois l’occasion déjà, de tutorer des alternants !
Démonstration, explication pédagogique, feed-back : à développer !
Les deux premières techniques pédagogiques (démo et explication) correspondent à ce qu’on appelle le “modelage” ou l’apprentissage par imitation d’un modèle (le tuteur). Elles sont utilisées pour faire acquérir des bases à un apprenant. La troisième (feed-back) est assez familière chez les managers. Moins chez les tuteurs et tutrices, qui ne sont pas toujours à l’aise pour l’utiliser. Alors que bien réalisé, un feed-back pédagogique est particulièrement motivant et structurant pour progresser !
Quoi qu’il en soit, les tuteurs déclarent pratiquer ces méthodes mais majoritairement ils estiment qu’ils peuvent encore s’améliorer ! Cette humilité est tout à leur honneur : l’adaptabilité, la remise en question sont indispensables à l’exercice d’un tutorat de qualité, d’autant que les apprenants ont tous des profils singuliers (maturités différentes, préférences d’apprentissage divergentes, niveaux d’engagement variables, etc.)
La réflexivité : un grand levier de progrès !
L’accompagnement de l’apprenant dans sa “réflexivité” fait partie du rôle des tuteurs et tutrices, selon le référentiel MATU – Maître d’apprentissage – Tuteurs du Ministère du Travail. Effectivement, maîtriser des méthodes réflexives simples, comme le FAST© ou le RIEC©, que nous enseignons chez C-Campus, aide beaucoup les tuteurs et tutrices souhaitant amener leurs apprenants à l’autonomie. C’est aussi une façon de changer de posture et de s’inscrire dans l’accompagnement et la facilitation, après une phase de transmission. Bref une occasion de renouveler son tutorat !
Modelage, Feed-Back, Réflexivité : trois démarches pédagogiques complémentaires en tutorat, correspondant à trois phases de maturité de l’apprenant ! Si vous souhaitez participer à nos formations de tuteur en inter-entreprises en formule 100% à distance (ou organiser une session intra sur mesure, en présentiel ou distanciel) : : formation@c-campus.fr
Des alternatives intéressantes au compagnonnage …
Parlons justement du renouvellement des pratiques tutorales ! Parmi les 10 pratiques originales pour sortir du « Tutorat à la Papa » ! pour mieux coller aux attentes des alternants, trois ressortent comme intéressantes, selon eux !
- L’équipe tutorale : mettre en place une équipe tutorale, plutôt qu’un tuteur unique, présente de nombreux avantages : notamment pour le tuteur officiel (gain de temps, pouvoir souffler de temps en temps…) et l’apprenant (diversité de modèles, apprendre différentes façons de faire, etc.)
- Le tutorat par projet : outre les tâches et activités du métier à acquérir, pouvoir mettre en place un projet en tant qu’apprenti au sein de son entreprise d’accueil, c’est très formateur. Un projet d’apprenti n’est pas forcément hyper ambitieux : tenir une veille technique ou réaliser une cartographie de processus de travail, en sont deux exemples. Et quand l’apprenti reste un, deux et à fortiori, trois ans, il est encore plus nécessaire d’avoir un projet au long cours ! Reste bien sûr à choisir un projet où l’apprenant va pouvoir mettre en oeuvre ses talents et il faut aussi que ce projet corresponde à ce que demande son école ou CFA (en particulier pour sa soutenance devant un jury d’examen)
- Le binôme de compétences : une troisième alternative au compagnonnage classique, qu’apprécient beaucoup nos tuteurs et tutrices formés : faire travailler son apprenti en binôme (avec un collègue, voire avec un autre alternant), c’est finalement permettre aux deux personnes d’apprendre l’une de l’autre et de se compléter !
Quelques points de vigilance !
Dans les verbatims des tuteurs et tutrices que nous formons (des centaines par an…), nous recueillons fréquemment non pas des complaintes mais des souhaits. Voici les quatre principaux :
- Les tuteurs souhaitent continuer à partager avec des pairs (autres tuteurs et tutrices), au delà de la formation dont ils bénéficient. On vous explique ici comment animer un réseau de formateurs et tuteurs internes
- Tuteurs et tutrices souhaitent être impliqués dans le sourcing et le processus de recrutement de leurs alternants…
- L’implication du responsable hiérarchique dans l’encadrement de l’alternant. Dans ce cas, une bonne répartition des rôles et concertation entre le tuteur et le manager sont indispensables !
- L’exercice du tutorat prend du temps : ne pas le reconnaître, engendre des difficultés à un moment. Comme dit plus haut, mettre en place l’équipe tutorale est une solution plébiscitée par les tuteurs et tutrices !
Pour aller plus loin, consultez ici notre article Investir dans le tutorat pour intégrer 1 million d’apprentis