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Nos rationalités et expertises sont limitées mais nous avons des savoirs tacites !

C’est l’été et qui dit été, dit lectures pour s’aérer et ouvrir ses chakras…Pour s’échapper un peu de nos articles habituels sur les courants de la pédagogie, l’AFEST, la professionnalisation des formateurs, le management et l’innovation en formation, nous sommes allés nous replonger dans différentes disciplines complémentaires (économie, sociologie, philosophie…), et y avons retrouvé de la “matière à enseignements” pour la formation professionnelle. Nous vous en faisons une synthèse façon Reader’s Digest© dans cet article !

Des intellectuels et chercheurs ont voulu comprendre :
1. Pourquoi les experts les plus renommés se trompent régulièrement dans leurs prévisions !
2. Pourquoi nous ne savons finalement pas grand chose et comment nous améliorer…
3.
En quoi notre rationalité a des limites !
4.
 Comment nous pouvons heureusement exploiter des connaissances tacites …

Les “Experts” : une fiabilité souvent douteuse… en prévisions !

Commençons par les travaux de l’auteur et professeur nord-américain Philip TETLOCK : il a montré que les prédictions des experts sont souvent peu fiables. En ce cas, comment prendre de bonnes décisions lorsqu’on écoute en tant que béotien, un expert ?

L’étude

Entre 1984 et 2003, Tetlock a étudié plus de 28.000 prédictions émises par 284 experts de différents domaines, en Amérique du nord. Il a révélé que les prédictions de ces experts étaient à peine aussi précises que les prédictions “faites au pif” (et moins précises que celles faites avec des algorithmes simples). Le pompon : plus les experts sont médiatisés, plus ils auraient tendance, selon Tetlock, à faire des prédictions erronées. On ne peut pas s’empêcher de penser à certains “experts” encombrant nos plateaux TV en France et à leurs excès de confiance…en eux

Dans une expérience scientifique qui a beaucoup amusé Tetlock, des rats de laboratoire ont été meilleurs prévisionnistes que de brillants étudiants de la prestigieuse université de Yale ! Ces braves muridés se sont fiés à quelques informations (seulement) pour prendre majoritairement de bonnes décisions. Les “grosses têtes” de Yale se sont-eux, majoritairement trompées : trop intellos et coupeurs de cheveux en huit ?

Pour rester dans la métaphore animalière, Tetlock distingue en fait deux grands types d’experts :

  • les experts“hérissons” qui connaissent très en profondeur une grande théorie !
  • les experts “renards” qui connaissent plein de petites théories

Il observe que les “renards” sont généralement meilleurs prévisionnistes que les “hérissons”

Implications Générales

Les résultats de l’étude de Tetlock suggèreraient que, quelle que soit la discipline, les experts sont limités dans la précision de leurs prédictions. Ce serait vrai pour tous les domaines de connaissances qu’il a étudié. Cela doit donc nous encourager en tant qu’apprenants à adopter une approche critique et rigoureuse de l’expertise, quand elle “se hasarde dans certaines prédictions”.

Les raisons…

Le psychologue et universitaire Daniel KAHNEMAN (Prix Nobel d’économie) a montré que les biais cognitifs affectent la prise de décision et la prédiction, notamment la sur-confiance en soi chez les experts. Avec son confrère Amos TVERSKY , il a aussi mis en évidence les raccourcis cognitifs qui peuvent nous aider à réfléchir vite, mais parfois mal.

Conséquence dans le domaine de l’éducation et la formation : une approche trans-disciplinaire semblerait une piste intéressante à explorer dans les parcours de formation longs et diplômants. Plus un individu ferait appel à des sources d’information différentes, avec des angles de vue eux-mêmes singuliers venant d’experts de différentes disciplines, moins il s’exposerait au manque de fiabilité d’une expertise limitée à un seul domaine !

Nous surestimons nos compétences…

L’effet Dunning-Kruger est lui assez connu du grand public : les individus ayant des compétences limitées dans un domaine tendent à se surestimer. En clair, moins une personne en connait sur un sujet, plus elle croit qu’elle en sait beaucoup. Le phénomène est spectaculaire dans les talk shows des grands médias et bien entendu sur les réseaux sociaux ! De plus en plus de personnes s’autorisent à avoir un avis absolument sur tout ! Surtout sur des problématiques dont ils ne comprennent pas vraiment l’énoncé ou dont ils ignorent l’essentiel !

L’étude

Les deux chercheurs, dans leurs travaux publiés à la fin du siècle dernier, ont fait ressortir 3 points saillants :

  1. Surestimation des compétences : Lorsque nous avons des compétences limitées dans un domaine, nous ne sommes pas conscients de notre incompétence et croyons souvent être plus performants qu’en réalité. Nous avons tous vécu ce qu’on appelle “la chance du débutant”. Nous réussissons la première fois que nous nous lançons dans un nouveau jeu, par exemple celui du Mölkky. Mais nous sommes incapables de gagner à nouveau et nous ne comprenons même pas pourquoi !
  2. Manque de méta-cognition : Notre manque de réflexion critique nous empêche de mesurer l’écart entre notre compétence et celle des autres, bien plus compétents. Mais comment fait-il donc pour réussir mieux que moi ? Ce doit être la chance !
  3. Manque de rétroaction : Sans feed-back construit par un “tuteur” (coach, formateur, enseignant…) nous allons continuer à nous surestimer et peut-être stagner dans les mêmes erreurs.

A contrario, Dunning et Kruger ont observé que certains vrais experts sous-estiment leurs compétences. Ils sont en fait conscient des limites de leurs savoirs et de la profondeur de ce qu’il leur reste à apprendre. “Plus j’en sais, plus je sais que je ne sais rien !” semble leur devise.

Implications dans le domaine de la formation et de l’apprentissage

Si nous voulons en tant qu’individu, corriger notre effet Dunning-Kruger, il nous faut par exemple mettre en place les 4 actions suivantes :

  1. Rechercher des feed-back : Solliciter des retours fréquents des sachants et formateurs qui nous entourent, pour avoir une idée plus précise de notre niveau.
  2. S’auto-évaluer : avec l’aide d’un tuteur ou de nos pairs, nous pouvons améliorer notre capacité à nous situer en termes de compétences et connaissances et donc progresser petit à petit, à condition de ne pas succomber à l’auto-complaisance ou à l’inverse verser dans l’auto-dévalorisation…
  3. Reconnaître ses limites : il nous faut accepter nos faiblesses, comprendre nos erreurs et lacunes pour progresser (ou “limiter les dégâts”, comme on disait au Lycée, par rapport à certaines matières au Bac…)
  4. S’engager dans un apprentissage actif et réflexif : Participer activement à des activités d’apprentissage et prendre du recul sur sa pratique, trouver ses solutions et en tirer des enseignements !

Un peu de publicité : si vous souhaitez former vos accompagnateurs AFEST et tuteurs, pensez à C-Campus ! Nous proposons des formations en inter comme en intra, en présentiel ou à distance et en plus nous pouvons doter vos participants de notre jeu de 32 cartes “Accompagnateur AFEST”, soit autant de trucs et astuces pédagogiques simples pour accompagner un apprenant . Contactez-nous : formation@c-campus.fr

Notre rationalité est de toute façon limitée !

L’économiste et sociologue américain Herbert SIMON  a de son côté cherché d’autres causes de nos limitations humaines dans la prise de décisions. Comprendre ces limitations peut améliorer les approches pédagogiques en formation professionnelle.

Le concept

Comme les auteurs précédents, Simon trouve aussi que nous sommes limités dans notre rationalité, à cause de nos capacités cognitives elles-mêmes limitées. Mais il a identifié d’autres facteurs limitatifs : notamment un manque d’informations de bonne qualité. Enfin nous manquons fréquemment de temps pour décider correctement. En fait, nous prenons des décisions en utilisant des probabilités ou heuristiques (confer les travaux d’Amos Tversky cité ci-dessus et aussi les découvertes sur le cerveau statisticien ou bayésien) et ça ne fonctionne pas toujours très bien…

Applications en Éducation & formation

Les travaux de H.SIMON amèneraient à penser qu’il faut concevoir des formations se concentrant sur des solutions “satisfaisantes” plutôt que des solutions optimales. Le “mieux” et le “trop” seraient l’ennemi du “bien” !

Exemple Concret : en concevant un cours en ligne, il ne sert à rien de surcharger les apprenants avec trop d’informations et de connaissances. Structurer les cours en modules digestes et utiles aide à mieux apprendre. Points de Vigilance : Les responsables pédagogiques doivent tenir compte des limites cognitives des apprenants. Des méthodes comme le “chunking”d’informations du Psychologue Miller (regrouper les informations en blocs ou en morceaux, pour favoriser la mémorisation) peuvent aussi aider à surmonter ces limites.

Heureusement nous avons un gisement de savoirs tacites !

Bon en résumé : notre sur-confiance nous joue des tours, nous nous pensons plus compétents que nous le sommes en vrai, nous faisons des déductions souvent trop rapides ou tronquées… Gloups !

Pour finir sur une note positive, parlons de Polanyi qui a des bonnes nouvelles !

Le scientifique, médecin, économiste, philosophe et épistémologue hongrois Michael POLANYI  (hé oui : il était pluri-disciplinaire…) a inventé le concept de “connaissances tacites”. Il a montré que nous savons plus de choses au fond, que ce que nous sommes capables d’expliciter à nos semblables !

Le concept

Polanyi distingue deux types de connaissances : explicites et tacites. La connaissance explicite peut être formalisée et transmise facilement. Alors que la connaissance tacite est personnelle, liée à un contexte donné, est plus difficile à communiquer. Les connaissances tacites, ce serait par exemple un “tour de mains” dans l’artisanat ou l’intuition dans le diagnostic d’un médecin. Polanyi a ainsi mis en évidence l’importance de l’intuition et de l’expérience pratique dans l’apprentissage. Dans ce cadre, La réflexivité joue évidemment un rôle clé pour intégrer cette connaissance tacite. C’est bien là souvent l’objet de la FEST/AFEST : tant du côté de l’apprenant, que du “sachant”, d’ailleurs : les talents et le potentiel sont là. La question est : comment les faire émerger ?

Applications en Formation

Favoriser la pratique réflexive permet aux apprenants de réfléchir sur leurs pratiques et de capitaliser sur leurs connaissances tacites. Les exercices de réflexion après action (débriefing avec la méthode FAST© comme nous le prônons chez C-Campus, car elle est simple) et les journaux d’apprentissage sont des outils accessibles et efficaces.

Exemple Concret : Dans les formations d’accompagnateurs AFEST que nous menons, par exemple dans les métiers d’infirmiers et aides-soignants, nous insistons sur le fait que les simulations ou mises en situation et les questionnements FAST© aident les apprenants à développer des compétences pratiques et intuitives. Ces compétences sont essentielles dans le contexte d’un travail assez technique mais supposant aussi des savoir-être relationnels, auprès des patients, personnes invalides et des familles. Point de Vigilance : créer un environnement où les apprenants se sentent à l’aise pour partager et réfléchir, sans peur d’être “jugés” par les sachants.

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