Le blog de C-Campus

Du « formateur-transmetteur » au « formateur-facilitateur » : cela change quoi ?

L’expression est sur toutes les bouches : « le formateur du XXIème ne doit plus être un simple transmetteur de connaissance, mais devenir un véritable facilitateur des apprentissages ». Dans le petit monde de la formation, la facilitation est devenue un mantra. Si bien que, d’aucuns s’en emparent comme d’un nouvel argument marketing. On ne délivre plus des formations de formateurs, mais des formations de facilitateurs. On utilise des techniques de facilitation et non plus de simples techniques pédagogiques, etc.

Derrière les modes et tendances, il y a souvent des lames de fond plus profondes. C’est certainement le cas pour la facilitation pédagogique. Chez C-Campus, nous sommes convaincus que derrière des discours parfois convenus, se cachent des transformations profondes à la fois du rôle et missions du formateur et de ses pratiques et compétences. C’est ce que nous vous proposons de voir dans la suite de l’article.

Une nouvelle représentation de sa mission

Le formateur classique, celui qui transmet le savoir, a construit son identité professionnelle autour de l’image du “sachant” qui forme. Sa mission est d’expliquer, argumenter, montrer, démontrer… pour que l’apprenant (en l’occurrence dans ce cas « le formé », le terme est loin d’être anodin !) reproduise, refasse, ré-explique ce qu’on lui a enseigné. « Je te transmets, tu mémorises et tu appliques ! », tel est le mot d’ordre du formateur-transmetteur.

Le formateur-facilitateur renverse le cadre. Sa mission est bien plus modeste et donne davantage de pouvoir à « l’apprenant ». Là aussi, les mots ont un sens : « l’apprenant est celui qui fait l’action d’apprendre, du latin « apprehendere » qui signifie prendre, saisir, attraper.

Le formateur-facilitateur est donc celui qui facilite l’apprentissage et crée les meilleures conditions, pour que l’apprenant apprenne le plus efficacement possible. Ce n’est plus le « Frankenstein pédagogue », formatant son élève, qu’a dénoncé Philippe Meirieu dans son livre célèbre de pédagogie, mais un formateur qui revient aux sources étymologiques du terme pédagogue, « celui qui est chargé d’accompagner les enfants à l’école, c’est-à-dire de le conduire vers le savoir ».

Un formateur-facilitateur est convaincu que former est vain ! La seule chose qu’il peut faire, c’est prendre soin des processus d’apprentissage de chacun de ses apprenants, c’est-à-dire mettre en place un contexte favorable, pour que chacun apprenne, progresse, développe ses compétences. Et c’est déjà beaucoup ! Comme nous allons le voir ci-après. A toutes les étapes de l’apprentissage, le rôle du formateur-facilitateur est essentiel, même s’il n’est pas tout puissant.

Loin de nous l’idée de supprimer le formateur. Affirmer que le formateur n’est plus un simple transmetteur mais un facilitateur, n’implique pas de remplacer la formation par l’autodidaxie. C’est repenser la formation à l’aune de ce nouveau paradigme pédagogique, où il ne s’agit plus de former mais d’accompagner l’acte d’apprendre. C’est éviter, comme le dit si bien le professeur Philippe Carré « l’erreur pédagogique fondamentale » qui consiste à croire qu’il suffit d’un bon formateur pour faire un bon apprenant. La réalité heureusement est bien plus complexe. Le savoir permet de se préserver de bon nombre de désillusions. Pour aller plus loin lire à ce sujet le texte de Philippe Carré “l’apprenance une autre culture de la formation” ou mieux son livre : “Pourquoi et comment les adultes apprennent”.

Vous souhaitez aller plus loin et vous former aux techniques de facilitation pédagogique, consultez nos offres de formation de formateurs, de tuteurs et de référents AFEST.

De nouvelles pratiques à toutes les étapes du processus d’apprentissage

Sans reprendre ici en détail toutes les étapes du processus d’apprentissage, nous souhaiterions montrer comment se traduit en pratique la posture de facilitateur à quelques-uns des moments clés de l’expérience apprenante :

En amont de la formation

Avant même que ne s’enclenche le processus d’apprentissage, le formateur peut intervenir en mettant en œuvre une posture et des pratiques de facilitation, notamment en s’informant avec précision sur le contexte de formation et en en tenant compte lors de sa préparation/conception. Par exemple, il peut :

  • S’informer de façon détaillée sur le profil de l’apprenant afin de pouvoir s’y adapter au mieux. Il doit prendre en compte la singularité de chaque apprenant, notamment si certains sont en situation de handicap, mais pas seulement.
  • S’informer sur le contexte d’apprentissage de l’apprenant afin, le cas échéant, d’intervenir (notamment dans le cadre de parcours multi-modal où l’environnement personnel d’apprentissage reste déterminant dans la réussite),
  • S’informer sur les attentes du management et de l’environnement de travail afin d’en prendre compte dans la conception du parcours de formation (la préparation du transfert pédagogique est une condition de réussite déterminante)

En complément à la prise d’information, un formateur-facilitateur joue un rôle déterminant dans l’autoévaluation des compétences de ses apprenants. Il pourra par exemple proposer des activités de positionnement (quiz, auto-évaluation des compétences, entretien d’analyse de pratique, etc.) qui permettront aux apprenants de prendre conscience de leur besoin en compétence et d’identifier leurs propres objectifs d’apprentissage.

Le formateur-facilitateur privilégie la notion d’objectifs d’apprentissages à celle d’objectifs pédagogiques. L’objectif d’apprentissage est ce que chaque apprenant cherche à acquérir personnellement au cours de sa formation. L’objectif pédagogique est ce que les apprenants seront capables de faire à l’issue de la formation. L’objectif pédagogique laisse croire que tous les apprenants sont comparables et qu’ils arriveront tous au même niveau d’acquisition en fin de formation. Cette vision est évidemment illusoire. La réalité est que chacun ne partant pas de la même ligne de départ et n’ayant pas les mêmes moyens, chacun progresse toutefois grâce à la formation. Certains atteindront des objectifs d’apprentissages très élevés, d’autres moins. Mais tous auront progressé. Là est l’essentiel pour le formateur-facilitateur !

Pendant la formation

Pendant la formation, la priorité du formateur-facilitateur est de proposer des activités pédagogiques permettant aux apprenants de s’approprier les connaissances et de développer leurs compétences. Sa mission relève de l’organisation : en proposant le meilleur itinéraire possible, compte tenu de la progression du groupe et de chacun.

A chaque activité proposée, le formateur-facilitateur veille à partir des pré-acquis des apprenants et à co-construire avec eux la connaissance, plutôt que d’imposer SA connaissance.

Quand il est amené à délivrer du contenu (cela reste toujours nécessaire), il prend soin de cibler au mieux son message, en fonction de la « structure d’accueil » de ses apprenants.

A la fin de chaque séquence pédagogique (et si sa durée est importante en cours même des séquences), il organise « une pause structurante », c’est-à-dire un temps d’appropriation par l’apprenant de ce qu’il a appris. Cela peut prendre la forme d’un débriefing d’exercice, d’un travail de résumé après un exposé, de la préparation du passage à l’action, etc. Ce temps peut être collectif, en petit groupe aussi bien qu’en solo. Sans ce temps de prise de recul et de réflexion, il ne peut pas y avoir de mémorisation, ni d’ancrage.

En complément de sa mission d’organisation des activités pédagogiques et de l’aide à la compréhension, à la mémorisation et à la préparation du transfert, le formateur-facilitateur joue un rôle essentiel dans la régulation des motivations et la remédiation des difficultés d’apprentissage. Au travers d’activités d’accompagnement individuel ou collectif,

  • Il questionne ses apprenants sur leur niveau de motivation en cours de formation (ex. à travers des exercices de type “Metéo de la formation”),
  • Il les aide à redéfinir leurs objectifs d’apprentissage et par ses encouragements, les amène à conserver leur confiance en leurs capacités à les atteindre,
  • Il les invite à faire part de leurs difficultés d’apprentissage et les amène à se questionner à trouver la voie pour les dépasser.

Enfin tout au long de la formation, le formateur-facilitateur réalise des feed-back constructifs, c’est-à-dire des retours sur la performance des apprenants et du groupe, afin de leurs permettre de conserver leur confiance en leurs capacités à réussir et de valider leurs acquis. Ce feed-back peut se faire par toute modalité : d’un simple regard ou signe de reconnaissance jusqu’à la mise en place d’épreuves de simulation observées à l’aide de “grilles de critères”. L’efficacité ne dépend pas forcément de l’outillage mis à disposition mais davantage du moment opportun et de la manière de le réaliser.

De nouvelles compétences pour le formateur lui-même

Les quelques exemples indiqués dans la section précédente montrent combien l’activité d’un formateur-facilitateur est différente d’un formateur-transmetteur. Et par conséquent ses compétences diffèrent également.

Si on demande à un bon formateur-transmetteur de savoir réaliser d’excellents exposés, de prendre la parole avec aisance et rester toujours dynamique et clair, le formateur-facilitateur, quant à lui, requiert des compétences plus variées. Là aussi sans en faire une “liste à la Prévert”, on peut noter quelques incontournables :

  • Savoir questionner, reformuler, écouter pour être toujours en phase avec ses apprenants,
  • Savoir combiner les activités pédagogiques pour multiplier les occasions d’apprendre, tester, expérimenter…
  • Savoir animer au sens premier du terme, c’est-à-dire donner vie à la formation, donner envie, faire s’exprimer, faire interagir…
  • Savoir s’auto-réguler pour éviter de tomber dans le double excès du formateur trop ou trop peu interventionniste.

Et last but not least, maîtriser quelques fondamentaux sur comment les personnes apprennent, pour mieux détecter leur besoins en termes d’accompagnement et mieux les aider. Car comment peut-on faciliter les apprentissages si l’on ne sait pas comment se mettent en oeuvre les processus d’apprentissages chez les apprenants ?

A noter : cet article nous a été fortement inspiré par la lecture du “Chapitre 7 – de la facilitation” du livre de Philippe Carré déjà cité. Nous vous recommandons vivement sa lecture pour aller plus loin.

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Marc Dennery

Marc Dennery

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