Il y a quinze jours, nous abordions quatre premiers mythes sur l’AFEST. Nous vous proposons de compléter en évoquant trois autres mythes. Nous vous disons enfin en quoi notre “système de formation” en France doit aussi se dépêcher de rattraper son retard…
Mythe n°5 : il faut faire systématiquement un entretien réflexif avant et/ou après une mise en situation
Ce mythe déjà, réduit la réflexivité au seul entretien réflexif…
Pourquoi est-ce faux ?
- D’un point de vue légal : rappelons que l’accord du 28/01/2020 dit que « l’AFEST est constituée de deux temps : d’une part, “une mise en situation de travail, préparée, organisée et accompagnée et d’autre part, un temps réflexif pour analyser l’action et asseoir les apprentissages”. ce qui ne signifie pas un entretien réflexif systématique, après chaque mise en situation.
- D’un point de vue pédagogique : la réflexivité pourra se glisser dans toutes les activités pédagogiques et elle sera plus ou moins accompagnée et animée par le tuteur.
A titre d’exemple : lorsque le tuteur réalisera la démonstration d’un geste professionnel, il commencera par expliquer les étapes du geste, précisera les consignes de sécurité, montrera comment faire et avant de faire faire le geste à son apprenant, pourra le questionner sur ce qu’il a compris, ce qu’il a entendu et vu, comment il va s’y prendre ? à quoi il devra faire particulièrement attention ? puis à l’issue de la mise en situation, l’apprenant pourra être invité à questionner sa pratique : qu’elles sont les difficultés rencontrées ? comment a t il fait ses choix ? comment peut-il faire mieux ?…. C’est bien la “pratique réflexive” que le tuteur favorise ainsi chez son apprenant.
De la même manière, un feed-back pédagogique digne de ce nom permettra aussi à l’apprenant d’analyser sa pratique afin de développer sa capacité d’auto-évaluation. Chez C-Campus, nous utilisons des Fiches d’Activités Pédagogiques (FAP) qui permettent de décrire précisément les étapes d’apprentissage en intégrant ces différents temps réflexifs.
Quelles conséquences pour l’engagement de l’entreprise dans un parcours d’AFEST ?
Penser qu’il faut systématiquement un entretien réflexif (et qu’en plus il faut tous les tracer !) à l’issue d’une mise en situation engendre l’idée que l’AFEST est trop lourde et ne pourrait être supportée par l’organisation. Or on peut développer la pratique réflexive comme un “réflexe” chez les tuteurs et les apprenants !
Mythe n°6 : le tuteur doit être obligatoirement certifié AFEST
Même si une certification de référent AFEST (comme celle de C-Campus) peut être exigée par les financeurs, la loi n’exige pas que les tuteurs soient eux, certifiés.
Pourquoi est-ce faux ?
- D’un point de vue légal : l’ Art. D. 6313-3-2 issu du décret n° 2018-1330 du 28 décembre 2018 précise, que la mise en œuvre d’une action de formation en situation de travail comprend, entre autres, « la désignation préalable d’un formateur pouvant exercer une fonction tutorale ». Aucune indication sur le profil de cette personne ni sur les compétences nécessaires à l’exercice de sa mission. La confusion vient du fait que la plupart des organismes de co-financement (OPCO / France Travail) ont souhaité référencer des formateurs formés et/ou certifiés pour développer les projets d’AFEST. Ce qui est un gage de qualité pédagogique.
- D’un point de vue pédagogique : tout d’abord on distinguera 2 acteurs : le référent AFEST qui pilote le projet et l’accompagnateur AFEST (ou tuteur) qui accompagne l’apprenant dans son apprentissage (parfois, c’est la même personne qui porte la double casquette). Si, le référent AFEST a besoin d’étayer son professionnalisme sur une formation assez longue pouvant être certifiante, ce n’est pas obligatoire pour le tuteur ou accompagnateur AFEST qui a besoin de se former surtout aux techniques de questionnement réflexif.
Chez C-Campus, nous proposons une formation certifiante enregistrée au Répertoire Spécifique de France Compétence de Référent AFEST (+ de 900 référents certifiés à date de publication de cet article). Nous proposons aussi une formation intra d’une journée en présentiel ou à distance, pour les accompagnateurs AFEST. Cette dernière peut être validée par un “open badge”. Cliquez ici pour découvrir nos offres.
Quelles conséquences pour l’engagement de l’entreprise dans un parcours d’AFEST ?
Penser que la personne qui pilote le projet ou qui accompagne l’apprenant doit être certifiée, amène l’entreprise à penser qu’elle n’a pas les moyens car trop couteux. C’est dommage car, au-delà du fait qu’elle pourrait se doter de nouvelles compétences lui permettant d’investir dans le développement de projets de formation interne, dans certains cas, elle pourrait même bénéficier de co-financement (ex : CPF pour une formation de référent AFEST ou bien encore dans le cadre des nouvelles dispositions des POEI).
Mythe n°7 : le Référent AFEST doit être externe à l’entreprise tandis que le tuteur AFEST doit être interne
Ce mythe sous-entend qu’une entreprise ne pourrait pas concevoir ses propres AFEST et à l’inverse qu’un formateur externe ne pourrait pas aussi tutorer les apprenants de l’entreprise…
Pourquoi est-ce doublement faux ?
En lien avec le précédent mythe, légalement, aucune contrainte ni indication n’est donnée en ce sens. Là aussi, la confusion peut venir du fait que certains co-financeurs exigent que le référent soit externe à l’entreprise dans le cas des PME-TPE, pour pouvoir financer l’action de formation. Chez C-Campus nous avons le plaisir de certifier de plus en plus d’experts métier reconnus au sein de leurs entreprises et il n’est pas nécessaire d’avoir un background pédagogique pour cela.
Quand à l’accompagnateur ou tuteur AFEST il peut être externe, dans le cas par exemple où la compétence métier visée par le parcours d’AFEST n’est pas disponible au sein de l’entreprise. Un formateur professionnel, familier du domaine, peut très bien jouer le rôle de tuteur des salariés apprenants. Là aussi parmi nos référents certifiés, nous avons de nombreux formateurs experts dans leur domaine.
Quelles conséquences pour l’engagement de l’entreprise dans un parcours d’AFEST ?
Penser que le référent doit être externe amène l’entreprise à penser que l’AFEST va lui coûter trop cher. Penser que le tuteur doit être interne peut l’amener à y renoncer, faute de ressource disponible ou compétente.
Nous sommes en retard par rapport aux pratiques “FEST” de nos voisins européens !
Jusqu’à récemment, nous avions deux “excuses” pour justifier du fait que les pratiques formatives en France restaient assez “plan-plan” et frileuses en matière de formation au poste et autres action learning (par rapport à celles des entreprises de nos voisins britanniques, allemands, italiens, etc.). Heureusement, ces excuses n’ont plus cours…
- La rigidité ancienne du cadre réglementaire en matière de formation : le verrou a sauté avec la réforme de 2018 et le décret reconnaissant l’AFEST est au contraire simple et facilitant !
- L’effacement du culte de la hiérarchie dans les entreprises, y compris en matière de formation (avec la disparition du “plan de formation”). Les évolutions des organisations, l’entretien professionnel (et aussi le CPF) ont heureusement aussi fait évoluer la culture d’apprentissage dans les entreprises : davantage de responsabilisation des salariés et des managers de proximité, plus de décentralisation et possibilité d’initiatives dans les choix pédagogiques. Il reste à transformer l’essai de l’AFEST en une vraie démarche “d’équipes apprenantes” !
L’AFEST « chimiquement pure » n’existe pas ! Il est contre productif de mélanger cadre juridique de l’AFEST et cadre pédagogique de l’apprentissage en situation de travail. Revenir à du bon sens et dépasser ces 7 mythes devrait permettre aux entreprises et organisations françaises de s’approprier d’avantage cette modalité, pour un développement plus efficient de leur “capital compétences”. Faisons comme les pays voisins : mettons l’accent sur la flexibilité, la collaboration et l’ancrage concret de la formation, que permet l’AFEST.