C’est ce mardi 21 mai que doit débuter la concertation tripartite sur la formation (Etat, Régions, Partenaires sociaux). C’est la troisième étape de la Réforme de la formation et sans nul doute la plus importante. Car, il en sortira de nouvelles modalités de financement et de gouvernance de la formation. Revue des enjeux et prises de position.
L’enjeu : une négociation à 31 milliards d’euros !
L’enjeu de la négociation est des plus sensible : le montant global de l’effort de formation de la nation, dernier chiffre officiel connu, est exactement de 31,505 milliards. Mais attention ! ce chiffre recouvre des investissements très divers. Et quand les politiques le prennent comme référence, ils ne se privent pas de faire quelques raccourcis intellectuels laissant croire que la formation des entreprises correspond à ces 31 milliards. Or il n’en est rien. Le tableau ci-dessous extrait du jaune budgétaire en témoigne :
Les politiques fantasment d’autant plus sur ces 31 milliards d’euros que la formation est aujourd’hui le seul régime social excédentaire. Quoi qu’on en dise, les OPCA, les FONGECIF et le FPSPP sont bien gérés et n’ont pas de déficit. Régulièrement, d’ailleurs, les gouvernements successifs sont venus se servir dans leurs caisses, comme par exemple encore tout récemment : cliquez ici.
De surcroît, la crise, et sa conséquence la montée du chômage, place les décideurs, politiques et paritaires, face à l’obligation d’agir. Le chômage devient une priorité nationale, comme l’a répété une nouvelle fois, le Président de la République, lors de sa conférence de presse du 16 mai dernier. Et la “solution miracle“ semble être la formation des demandeurs d’emploi mais il faut la financer. Quoi de plus simple alors de transférer les fonds de la formation des salariés vers les formations diplomantes censées être le remède contre le chômage ? Même si ce raisonnement ne tiendra pas longtemps (cliquez ici), il y aujourd’hui un consensus autour de cette idée.
Les prises de position : un consensus autour des priorités
Tous les acteurs de la formation, les partis dits de gouvernements aussi bien que les paritaires, semblent s’accorder en fait sur trois publics prioritaires : les jeunes, les demandeurs d’emploi et les salariés non qualifiés. La position du parti socialiste qui est on ne peut plus claire sur la question, n’est pas loin de faire l’unanimité :
Pourtant, si on regarde de près les chiffres, il n’y pas lieu de crier au scandale comme le faisait encore récemment Jacques Attali dans une interview aux echos (cliquez ici). Les jeunes et demandeurs d’emploi bénéficient aujourd’hui déjà de 12,43 Mds €, c’est-à-dire autant que l’ensemble de tous les salariés réunis (12,90 Mds €). S’il y a inégalité à dénoncer, elle pourrait être davantage entre les salariés du privé et les fonctionnaires. Les fonctionnaires sont trois fois moins nombreux que les salariés du privé, mais ils bénéficient cependant de 6 Mds €, soit l’équivalent de la moitié de l’investissement formation des entreprises.
Mais peu importe la qualité du raisonnement, ce qui compte c’est l’adhésion de l’opinion publique. Et à ce petit jeu, les gagnants doivent être les jeunes, les demandeurs d’emploi et les salariés moins qualifiés et les perdants les cadres des grandes entreprises et les organismes de formation. Ces derniers sont d’ailleurs accusés de tous les maux (trop nombreux, faisant des formations qui ne serviraient à rien ou de mauvaise qualité…) y compris par le chef de l’Etat lui-même. Alors qu’il ne sont qu’au service des donneurs d’ordre Etatiques, Régionaux et Paritaires, quand il ne sont pas les fournisseurs des entreprises.
Vers un Yalta de la formation
Si tout le monde est d’accord que va t-il sortir de cette fameuse concertation ? Sauf rebondissement de dernière minute, qui n’est jamais à exclure, on se dirige semble t-il vers ce que Jean-Marc Germain, Secrétaire national à l’emploi du Parti Socialiste, appelle un Yalta de la formation.
Qu’est-ce que cela signifie ? L’effort de formation serait partagé en deux. D’un côté les entreprises financeraient sur leurs propres deniers l’adaptation de leurs salariés via le plan, de l’autre, l’Etat, les Régions et… des fonds mutualisés des entreprises iraient en priorité vers les jeunes, les demandeurs d’emploi et les salariés les moins qualifiés. Le mouvement a été initié avec la création du FPSPP via la loi de novembre 2009. La création du CPF permet de parachever le travail. Il suffit pour cela de fixer les priorités du CPF et d’exiger des entreprises qu’elles versent une partie de leur 0,9% directement vers le fonds qui prendra en charge le financement du Compte Personnel de formation.
Bref, tout semble en marche. Les questions que l’on peut encore se poser sont le montant de la réallocation du 0,9% (le tiers, la moitié, la totalité ?) et le niveau d’ouverture des critères de prise en charge du CPF (exclusivité aux jeunes, demandeurs d’emploi et salariés moins qualifiés, uniquement des formations qualifiantes voire diplomantes ou possibilité d’ouvrir sur des formations plus proches de l’“Ex-DIF“ pour tous les salariés en poste ?). Mais rien que ces deux questions pourraient nécessiter d’interminables et chauds débats. L’été y suffira t-il ?
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