Jusqu’à présent tout allait bien ! On se dirigeait vers une réforme “équilibrée“ de la formation. Mais mercredi 20 novembre, la CGPME a diffusé son propre texte de projet d’ANI, très éloigné de celui du Medef. Ce projet d’ANI a fait l’effet d’une bombe et la réunion de négociation prévu le lendemain a été annulée. Mais à quoi joue donc la CGPME ?
Jusque-là une réforme “équilibrée“ et plutôt consensuelle
Généralement, une réforme de la formation est relativement consensuelle. De nombreux rapports et des concertations préparent le terrain, la délégation patronale propose un texte rédigé par les juristes du Medef. La CGPME et l’UPA l’enrichissent. Les organisations syndicales crient d’abord aux loups. Les organisations patronales revoient leur copie à la marge. On se réunit une dernière fois pour tout caler, puis tout le monde sort satisfait.
La réforme 2014 semblait jusqu’à présent s’inscrire dans le même scénario. Les rapports, conférences sociales et autre concertation multipartite… ont été plus nombreux que jamais. La feuille de route du gouvernement ouvrait clairement la voie à un “deal“ relativement “équilibré“ (difficile toutefois de parler d’équilibre sans être taxé de prendre parti lorsqu’on commente une négociation paritaire !) :
- Suppression de l’obligation fiscale pour les entreprises
- Renforcement de l’obligation conventionnelle notamment pour les moins de 300 mais pas seulement (les plus de 300 contribuant à l’effort pour les moins de 300 via une contribution FPSPP)
- Transfert d’une partie des fonds de la formation des salariés vers les demandeurs d’emploi via une contribution FPSPP pérennisée
- Création d’un compte personnel de formation venant élargir le DIF et le simplifier en complément d’un CIF “sanctuarisé“.
Evidemment, à mi parcours, les organisations syndicales estimaient que le compte n’y était pas. Mais rien de bien anormal. La CFDT reconnaissait que l’architecture du texte du Medef était logique. Seule FO cherchait à jouer une partition un peu plus offensive qu’à l’accoutumée (cf. projet de texte FO). Et il fallait ne rien comprendre au petit jeu des négociations pour croire que le Medef n’était pas prêt à faire évoluer les montants affichés des contributions (voir notre article).
Défendre la formation ou le système qui la produit ?
Bref tout allait bien dans le meilleur des mondes paritaires. Et patatras ! mercredi 20 novembre la CGPME diffuse un projet de texte à première lecture incompréhensible. Comment une organisation patronale peut-elle revendiquer un statu quo sur l’obligation fiscale alors que celle-ci était en passe d’être supprimée ? Comment cette même organisation patronale peut-elle proposer dans son projet d’accord une augmentation des contributions mutualisées (pour les moins de 10) et une fermeture du marché de la formation via un système de certification et un pilotage par les OPCA (voir texte) ?
Si on était resté attentif, on aurait pu voir le coup venir. Lors de la réforme précédente de 2009, la CGPME était allé jusqu’à faire des publicités dans les grands quotidiens pour défendre l’obligation légale. Sa défense du 0,9% ne date donc pas d’aujourd’hui. Dès le début de la négociation en cours, la CGPME rappelait, à travers son premier projet de texte, sa volonté de conserver une mutualisation pour les moins de 300 (mais ça, c’était acceptable par le Medef !). Et pas plus tard que le mardi 19 novembre, l’AGEFOS PME (dont les liens avec la CGPME n’ont de secret pour personne), rendait public un sondage orienté vers la défense de la mutualisation (cliquez ici).
Comment expliquer alors cet acharnement de la CGPME à défendre l’obligation de 1,6% de dépense ? Parce qu’elle souhaite défendre la formation des salariés ? C’est louable, mais n’est-ce pas plutôt au camp des organisations syndicales de le faire ? Parce que la formation est source de compétitivité pour les entreprises ? Oui, mais encore faudrait-il que les fonds mutualisés servent vraiment aux entreprises et à leur salariés ? Or, le projet de texte porte à croire que les fonds mutualisés ne retourneront pas, loin s’en faut, aux entreprises mais seront détournés pour une bonne partie vers les demandeurs d’emploi. Quant à l’obligation fiscale, on sait très bien qu’il s’agit seulement d’une obligation de dépense et que par conséquent elle ne garantit pas que l’entreprise développera mieux ses compétences.
Non, l’enjeu est certainement ailleurs. La CGPME, dont les moyens sont limités, reste très attachée au système paritaire de gestion de la formation. Son projet de texte renforce la main mise des OPCA sur le marché de la formation. Les flux financiers à travers les organismes paritaires (FPSPP, OPACIF, OPCA…) qui ne cessent d’augmenter de réforme en réforme, continuerait, si le texte était appliqué, à s’accroître considérablement. Bref, la CGPME ne défend pas forcément la formation des salariés ou la compétitivité des entreprises à travers sa revendication, mais tout simplement le système social-deloriste de la FPC. Malheureusement, la france de 2013, n’est plus celle de 1970. Pas sûr que les entreprises et les salariés s’y retrouvent dans les propositions de la CGPME. Car celles-ci nous conduiraient qu’à accroître encore les défauts de notre système de formation, pourtant reconnu par tous comme opaque, inefficace et beaucoup trop coûteux.
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