2021 : les MOOC ont envahi la planète formation. France Université Numérique compte des centaines de MOOC dans son catalogue. Les Universités américaines forment chaque année des millions d’étudiants. Google, Orange, Coca-Cola, Dongfeng, Toyota… sont devenus des acteurs majeurs de l’éducation et de la formation. Mais reste t-il encore des formateurs sur la planète terre ?
Rassurez-vous nos formateurs ne vont pas rejoindre de si tôt la galerie des Tyranosaures, Plateosaures et autres Titanosaures disparus. Quand bien même les MOOC deviendraient LE format pédagogique dominant, on aura encore besoin de très bons formateurs. Trois raisons à cela.
1) il faudra toujours faire acquérir des savoirs experts et contextualisés
Les MOOC, comme leur nom l’indique, sont “massifs“. Ils diffusent des savoirs génériques. La formation en entreprise, à l’inverse, fait acquérir des contenus experts et spécifiques. On ne forme pas aux “nano technologies“, au “comportement organisationnel“, aux réseaux sociaux ou à l’anglais des affaires. On prépare des techniciens ou des ingénieurs à une nouvelle technique particulière, on accompagne des managers à manager différemment, on monte en compétence une direction de la communication pour la mise en oeuvre d’une stratégie réseaux sociaux. On entraîne un cadre à réussir sa prochaine réunion devant des fournisseurs coréens parlant difficilement l’anglais… Bref, l’essentiel de la formation, n’est pas dans la transmission de savoir, mais dans l’acquisition de compétences très pointues liées au contexte professionnel des apprenants.
Les débats politiques autour de la formation (“développement de la formation qualifiante“, “orienter l’argent de la formation vers les demandeurs d’emploi…“) laissent à penser que la formation est la suite de l’éducation. C’est peut être vrai pour la formation des chômeurs ou des personnes très éloignées de l’emploi. Cela n’a aucun sens pour les salariés en poste. Ils ont la plupart du temps le niveau de qualification suffisant (puisqu’ils sont en poste), ils ont besoin surtout de s’adapter en permanence, et par petite touche, à l’évolution des technologies, des modes d’organisation, de l’environnement économique. Et ça, ce n’est pas avec un MOOC qu’on y arrivera ! C’est la mission première de la formation. Et pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler la durée moyenne d’une action de formation : 22,7 heures.
2) On aura encore besoin d’accompagnement et de médiation
L’engouement aujourd’hui pour les MOOC est égal, voire dépasse, celui du E-Learning au début des années 2000. Même espoir fondé sur le même mythe : pouvoir un jour former sans formateur. C’est vrai qu’économiquement, cela peut être intéressant. Pédagogiquement, c’est une autre affaire. Sans nier l’existance de profils d’apprenants capables de s’auto diriger, reconnaissons que la plupart des personnes en formation, quel que soit leur niveau d’éducation, ont besoin d’être accompagnées.
Ce n’est pas donner à tout le monde de pouvoir se fixer des objectifs d’apprentissage, de plannifier sa formation, de choisir les bonnes ressources au bon moment… Ce n’est pas facile non plus d’apprendre face à un écran, un livre, ou seul de son expérience. Le conflit socio-cognitif et l’apprentissage vicariant ne sont pas des concepts pédagogiques à passer à la trappe. “On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres“ comme le dit si bien Philippe Carré. Et c’est pour cette raison, qu’on aura toujours besoin d’un formateur pour exercer de la guidance (pilotage de l’apprentissage) et de la médiation (traduire le contenu) pédagogique. Le MOOC, fut-il connectiviste, ne pourra jamais embarquer 100% de cette guidance et de cette médiation.
3) On aura plus que jamais besoin d’évaluation et de certification
Le savoir est partout, ce n’est plus l’enjeu principal pour l’apprenant. L’important, C’est savoir si on maîtrise les connaissances et pouvoir faire la preuve que l’on sait. Or, évaluer des acquis, des compétences, des savoir-faire en situation professionnelle ne peut pas se faire de façon automatique. Les quiz ou les tests en ligne ont peu de signification. On a besoin d’évaluateur pour évaluer. Cela a toujours été une mission essentielle du formateur (il est garant de la progression des stagiaires tout au long du stage). Avec la profusion des savoirs sur internet, cette mission va devenir encore plus stratégique. Les opérateurs de MOOC le savent bien, puisqu’ils fondent l’essentiel de leur business model sur la certification.
Formalisation de connaissances pointues et en permanence renouvellées, guidance et médiation pédagogique et évaluation et certification des compétences acquises ont toujours été les trois valeurs ajoutées du formateur. A l’ère des MOOC, il en sera de même. Ce qui risque de disparaître, c’est la valeur ajoutée de transmission du savoir. Mais comme tout être humain, le formateur saura s’adapter. Une fonction disparaitra pour que les trois autres puissent mieux se développer.