L’entretien professionnel fait son entrée dans le code du travail à travers la loi du 5 mars 2014. Ce n’est pas totalement une nouveauté car il existait à travers un texte conventionnel depuis l’avenant n°1 du 20 juillet 2005 à l’ANI du 5 décembre 2003. A première vue, les textes semblent proches. Une lecture approfondie permet de se rendre compte que la portée de l’entretien professionnel version 2014 est bien différente de la version 2005. Et les conséquences sont importantes sur le choix de celui qui doit le mener.
Ce que disent les textes
Avant d’en faire l’analyse voici résumé ce que disent les textes :
Avenant n°1 du 20 juillet 2005
” Pour lui permettre d’être acteur de son évolution professionnelle, le salarié bénéficie au minimum tous les deux ans d’un entretien professionnel.
L’entretien professionnel a pour finalité de permettre à chaque salarié d’élaborer son projet professionnel à partir de ses souhaits d’évolution dans l’entreprise, de ses aptitudes et compte tenu des besoins de l’entreprise.
Au cours de l’entretien sont abordés les moyens d’accès à l’information sur les dispositifs relatifs à l’orientation et la formation des salariés; l’identification des objectifs de professionnalisation qui pourraient être définis au bénéfice du salarié pour lui permettre de s’adapter à l’évolution de son poste de travail, de renforcer sa qualification ou de développer ses compétences; l’identification du ou des dispositifs de formation auxquels il pourrait être fait appel en fonction des objectifs retenus; les initiatives du salarié pour l’utilisation de son droit individuel à la formation…”
Loi du 5 mars 2014
” Le salarié bénéficie tous les 2 ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi.
Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié.
Il donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié.
Tous les 6 ans, l’entretien professionnel fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Il permet d’apprécier s’il a suivi au moins une formation, acquis des éléments de certification par la formation ou la VAE et bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.”
Du recueil du projet professionnel du salarié à l’information sur son évolution de carrière
L’entretien professionnel version 2005 n’avait pour finalité que d’aider le salarié à exprimer son projet professionnel dans le cadre des projets de développement de l’entreprise. Il était proche d’un entretien de formation puisqu’il était l’occasion de recueillir les souhaits en matière de DIF et de tout autre dispositif. Au final, il était sans grande conséquence pour l’entreprise. C’est pourquoi, il a été délégué aux managers de proximité à qui on demandait seulement d’écouter les souhaits du salarié et d’en prendre note.
L’entretien professionnel version 2014 est bien différent. Cette fois-ci, il ne s’agit pas seulement de susciter l’expression du salarié mais également de l’informer sur ses “perspectives d’évolution professionnelle“. Pour bien comprendre la portée de l’entretien professionnel version 2014, il faut l’analyser à travers l’obligation du maintien de l’employabilité qui est rappelé de façon de plus en plus claire par la jurisprudence. L’employeur est invité à utiliser l’entretien professionnel pour prévenir le salarié du risque d’inemployabilité. Il lui revient la charge de l’informer sur les métiers en danger notamment de celui occupé par le salarié lui-même.
De surcroît le contenu de l’entretien professionnel “Etat des lieux récapitulatif“ fait clairement référence à l’information relative à la “progression salariale et professionnelle“. On est bien loin d’un simple entretien de formation, et même du classique entretien annuel qui traite rarement des questions salariales. Dans sa version 2014, l’entretien professionnel devient un véritable entretien RH au cours duquel employeur et salarié font un tour d’horizon de l’évolution professionnelle passée et future du collaborateur.
Le manager est-il le mieux placé pour faire l’entretien professionnel ?
La question mérite d’être posée. Tant que l’entretien professionnel était intégré à l’entretien annuel et s’apparentait à un entretien de formation ou de souhait de mobilité, le manager était la meilleure personne pour le conduire. Aujourd’hui qu’il devient un entretien RH, le manager n’est certainement plus la personne la plus pertinente. Surtout s’il s’agit du manager de proximité. C’est certainement le responsable de ressources humaines qui est la personne la mieux placée.
Se pose alors une autre question : comment un RRH pourra t-il réaliser 200 ou 300 entretiens professionnels par an ? Cela représente 300 à 450 heures de travail soit 2 à 3 mois à temps plein ? Ce n’est pas envisageable.
Au final les entreprises devraient s’orienter vers un entretien professionnel toujours mené par les managers mais soigner sa préparation. Un manager ayant une certaine maturité, s’il est outillé (informations issues des observatoires métiers et des études GPEC, E-service RH…) peut très bien réaliser l’entretien professionnel de ses collaborateurs à condition de s’y préparer avec son RRH. Une réunion en amont type Revue de personnel inversée (réalisée avant plutôt qu’après les entretiens) est certainement la meilleure solution.