Les entreprises s’interrogent : faut-il encore verser le plan de formation à son OPCA ou vaut-il mieux le gérer en interne ? Cette question n’est pas qu’une affaire de bonne gestion, elle conduit à repenser le positionnement de la fonction formation.
Echange versement contre services !
Les OPCA ont eu toute l’année 2014 pour préparer leurs offres de service. En échange du versement du plan, ils peuvent offrir des packs de service plus ou moins attractifs selon les OPCA. Les plus courants sont les suivants :
La gestion déléguée
C’est la plus ancienne et certainement la mieux rodée des offres. La gestion déléguée permet à une entreprise de ne plus avoir la charge de gestion des formations externes. Elle choisit son organisme et ensuite l’OPCA gère tout pour le compte de l’entreprise. Quand on sait qu’une facture, c’est-à-dire le processus de gestion de la demande d’achat au règlement du fournisseur coûte autour d’une centaine d’euros, on peut se demander pourquoi les entreprises ne versent-elles pas leur plan ?
L’offre mutualisée ou actions collectives
Depuis quelques années, certains OPCA proposent à leurs entreprises des actions de formation inter-entreprise ciblées sur les besoins prioritaires des métiers de leurs branches professionnelles. Le principe est simple. L’OPCA détecte des besoins transverses à la majorité des entreprises. Il élabore un cahier des charges et fait un appel d’offre. Il retient un ou plusieurs fournisseurs après avoir négocié les prix grâce à l’effet de volume espéré. Les entreprises peuvent ainsi bénéficier de tarif très avantageux. Mais ce principe à une limite, les entreprises sont contraintes d’envoyer en stage leurs salariés avec les salariés des autres entreprises adhérentes. Pour pallier à cette difficulté, certains OPCA sont prêts à ne plus limiter leur service à des actions inter-entreprise mais à l’ouvrir à l’intra-entreprise. Ils jouent alors le rôle de centrale d’achat et de référencement d’organismes. Les entreprises ayant peu de moyens s’évitent ainsi tout le travail fastidieux de sourcing et de sélection d’organismes de formation. Et peuvent bénéficier de tarifs plus avantageux que si elles achetaient directement aux organismes de formation.
Le conseil en ingénierie financière
Avec l’accroissement des versements conventionnels, les entreprises ont de plus en plus besoin de conseil en ingénierie financière. Jusqu’en 2014 les fonds faisant l’objet d’un co-financement s’élevait à 0,5% (0,7% avec le CIF et dans certaines branches un peu plus à cause des reversements FPSPP). A compter de 2015, le montant de ces fonds s’élèvera à 0,8% (1% avec le CIF). A cela s’ajoute une complexité accrue : combinaison CPF/Période de professionnalisation, POEI / POEC, refinancement FPSPP… Plus que jamais, les conseillers des OPCA vont pouvoir faire bénéficier les entrepries de leur expertise en ingénierie financière. A n’en pas douter, celles qui auront versé leur plan devraient bénéficier davantage d’attention que celles qui auront préféré le garder. C’est comme chez les opérateurs télécoms : vous êtes Origami ou Shoh, vous êtes Carré ou Red. Vous avez le même réseau, mais pas le même service !
L’enregistrement des données de formation
Jusqu’à la réforme de 2014, les entreprises versaient leur plan pour se libérer de leurs contraintes fiscales. Elles versaient 0,9% de leur masse salariale et recevaient un reçu libératoire. Plus de déclaration 24-83 à faire ! En 2015, avec la fin de l’obligation fiscale, l’intérêt n’est plus le même. Pour autant, les entreprises vont devoir garder la trace de leur investissement formation. L’obligation fiscale s’est transformée en obligation sociale. Elles devront demain faire la preuve que chaque salarié a bien suivi une formation, réelle et sérieuse, au cours des 6 dernières années. Certains OPCA réfléchissent déjà à proposer comme service aux entreprises un système informatique de traçabilité des données de formation. Et cela sera d’autant plus facile à mettre en oeuvre que les formations réalisées le seront dans le cadre d’une gestion déléguée et/ou sur la base d’actions collectives ou d’organismes de formation mutualisés.
Recentrer la fonction formation sur ses missions originelles
A lire, les quelques lignes ci-dessus, il semble évident qu’il est plus avantageux de verser le plan que de le conserver. Reste que les OPCA ne font pas cela pour rien et appliquent des frais de gestion car tous ces services sont coûteux. Les responsables de formation doivent faire leur calcul. Mais ils vont vite se rendre compte que la réponse ne vient pas de la calculette. En fait, c’est le rôle qu’ils veulent faire jouer à leur fonction formation qui sera déterminant. Si leur fonction formation est essentiellement gestionnaire et administrative, ils n’auront pas intérêt à verser. Que feront-ils de tout le personnel affecté aux tâches d’achat, de référencement d’organismes, d’organisation des formations, d’enregistrements des données… ? A l’inverse, s’ils veulent revenir aux sources de la fonction formation, celle des années avant la loi de 1971, ils verseront sans hésiter. Libéré des contraintes de gestion, ils pourront s’occuper de l’essentiel : accompagner les managers dans le développement des compétences de leur équipe, former, faire de l’accompagnement terrain, créer des e-learning, animer des communautés d’apprenants, monter des dispositifs multimodaux d’intégration ou de perfectionnement, aider la DRH a mettre en place le volet formation des politiques GPEC… Bref, ils investiront le terrain de jeu du “learning & development”, comme disent nos amis d’outre manche, et laisseront aux OPCA la charge de gérer des heures de formation.