La réforme est (était ?) dans une impasse. A cause des listes évidemment, mais plus globalement d’une vision un peu archaïque de la formation. La brêche ouverte le 11 février dernier avec les formations d’anglais éligibles au CPF peut nous donner quelques espoirs.
L’équation impossible de la réforme
Nous l’avons dénoncé à de multiples reprises dans ce blog (cf. CPF en danger ! ou liste CPF), vouloir orienter l’ensemble des fonds conventionnels de formation vers la formation certifiante n’est pas réaliste quand on n’en a pas les moyens. Comment peut-on donner une chance à chaque actif de se certifier avec seulement 3 Mds d’euros – c’est le montant approximatif de la somme du 0,2% CPF, de la moitié du 0,4% professionnalisation qui peut être consacré à la période de professionnalisation et du 0,2% du FPSPP) ? Il faudra bien trouver à un moment donné une solution. Nous n’en voyons que que deux possibles. La première : augmenter les fonds alloués au CPF en conditionnant tous les autres dispositifs, excepté le plan de type “adaptation”, à la mobilisation par le salarié de son CPF. Reconnaissons-le cette solution n’est pas très réaliste en l’état des finances publiques et du rapport de force social. La deuxième solution est beaucoup plus “pragmatique”. Il s’agit d’ouvrir la notion de formation certifiante. C’est, semble t-il, la voie prise par le gouvernement.
L’inventaire ou comment l’histoire du “droit” de la formation peut s’accélérer
Arrêtons-nous un instant sur l’histoire récente de l’inventaire. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 institue la commission nationale des certifications professionnelles (CNCP) pour répondre aux besoins de la VAE. La CNCP a pour mission de créer le répertoire des certifications professionnelles (RNCP) dans lequel doit se retrouver diplômes d’Etat, titres professionnels, CQP/CQPI et toutes formations “certifiantes” instruites sur dossier par la commission. La loi du 24 novembre 2009 complète ce répertoire par un inventaire “des certifications et habilitations de personnes”. Mais l’inventaire n’aura pas d’existence concrète jusqu’au 11 février 2015 où une première liste est publiée. L’inventaire était devenu l’Arlésienne de la formation. Depuis plus de 5 ans, on nous disait qu’il allait sortir, mais il ne sortait pas. Le 31 décembre 2014, un arrêté fixe (enfin !) le mode d’élaboration de l’inventaire. Il s’agit d’une véritable usine à gaz. On se dit qu’avec ça, l’inventaire est quasiment condamné. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le tableau ci-dessous : Il a fallu un lobbying très fort, et justifié, d’organismes de formation et une prise de position du ministre François Rebsamen pour débloquer la situation. Car les plus grandes usines à gaz peuvent être rapidement simplifiées quand la volonté politique s’impose. C’est ce qui s’est passé ces derniers quinze jours. Tout s’est accéléré quand François Rebsamen, en présentant ses voeux à la presse le 29 janvier, affirme que les formations en anglais vont pouvoir enfin être prises en CPF. Le 2 février, la CNCP met à disposition sur son site le document permettant aux autorités légitimes de déposer leurs demandes. Le 6 février, une première liste d’environ 200 demandes est examinée par la CNCP. Le 10 février, à l’unanimité, le CNEFOP valide la liste LNI version 2 bis où figurent évidemment les “formations d’anglais”.
L’inventaire, l’outil pour déverrouiller le CPF et les périodes de professionnalisation ?
Nous avons mis entre guillemets l’expression “formations d’anglais” ci-dessus car pour être exact ce sont les tests Bulats, TOEFL, TOEIC… qui sont indiqués noir sur blanc dans l’inventaire et non pas des formations. En clair, si les OPCA veulent être stricts, ils ne financeront que le test mais pas la formation qui permet de le préparer. Rassurez-vous ! ce ne sera pas le cas. La FFP s’est fendue le 13 février d’un communiqué de presse pour leur expliquer le sens de cet inventaire. Ce sont “les formations langues préparant au TOEIC et au BULATS” qui sont éligibles rappelle ce communiqué. L’inverse aurait tenu au ridicule. La portée de cette interprétation est très importante. Si on applique ce raisonnement à d’autres domaines, toute formation préparant à une certification pourrait être prise en charge par un OPCA. Il suffirait de monter des dispositifs de formation incluant le passage au terme du parcours d’une certification pour bénéficier des fonds conventionnels via la période de professionnalisation ou le CPF. Cela ouvre des champs d’investigation très larges et résoud l’équation impossible de la réforme. Il suffirait de développer une offre de certification peu coûteuse tout en gardant une valeur sur le marché du travail (c’est le cas des tests de langue) puis d’ouvrir au financement toutes les formations qui permettraient de les préparer. Seule condition à respecter : la personne bénéficiant du co-financement devrait apporter la preuve qu’elle a présenté la certification à l’issue de sa formation. Bref, la décision prise pour les langues pourrait donner une nouveau sens à la notion de “formation qualifiante” et par conséquent une autre façon, pour les entreprises, d’interpréter la loi du 5 mars 2014.