La dynamique de groupe est un concept issu des travaux du psycho-sociologue américain, Kurt Lewin. Il pose comme postulat que tout groupe restreint (de 4 à 5 personnes à 25 environ) a une dynamique propre qui dépasse les dynamiques individuelles et interindividuelles. Cette dynamique influence considérablement la production et les effets d’un groupe. Ce concept est majeur pour la formation puisqu’elle est encore, dans une large part, organisée sous la forme de stage. A l’ère de la formation digitale et des réseaux sociaux, ce concept n’en reste pas moins pertinent pour tirer le meilleur parti des communautés d’apprentissage.
La dynamique du groupe en formation
Selon Kurt Lewin, “le comportement d’un individu est toujours déterminé par les éléments constituants son environnement psychologique et social“. L’individu au sein d’un groupe, et par conséquent l’apprenant au sein d’une formation, est intégré dans un “champ psychologique“, c’est-à-dire “un système de tension, tantôt positives, tantôt négatives, correspondant au jeu des désirs et des défenses“. Il revient au formateur de réguler ces tensions en vue de faciliter l’apprentissage.
Le triple effet de la dynamique de groupe en formation
A l’instar des groupes de discussion ou de décision, le groupe en formation favorise les changements d’attitude et d’opinion et, par conséquent facilite les changements de comportements. Comme l’a démontré Kurt Lewin, à travers son expérience célèbre durant la 2ème Guerre Mondiale sur les changements d’habitudes alimentaires des ménagères américaines, le groupe présente l’avantage de : 1) renforcer le niveau d’engagement de ses participants dans les échanges, 2) permettre une adaptation par le formateur de l’argumentation en fonction des résistances émises 3) réduire la crainte de prendre une position s’écartant de la norme (le groupe produisant lui-même sa propre norme qui a tendance à s’imposer à ses membres). A l’instar des groupes de créativité, le groupe de formation a également pour effet de favoriser l’émergence d’idées nouvelles, à condition que le formateur respecte les règles de bienveillance et de respect mutuel. Enfin, le groupe en formation, lorsqu’il respecte les règles élémentaires de vie au sein d’un groupe favorise la cohésion entre ses membres. Il renforce la collaboration entre ses membres en favorisant les liens socio-affectifs.
Exploiter la dynamique de groupe à des fins pédagogiques
Comme on vient de le voir, le groupe est donc vecteur à la fois de changement, d’innovation et de cohésion. Cette dynamique est essentielle pour optimiser l’apprentissage. La dynamique de changement est particulièrement utilisée pour faire évoluer les comportements, notamment en management ou en relation client. L’innovation est utile pour amener les groupes à trouver par eux-mêmes les solutions à leurs propres difficultés. Les ateliers de co-développement utilisent abondamment la dynamique de groupe. Plus globalement, cette dimension de la dynamique de groupe est particulièrement utilisée pour développer des groupes d’experts. Enfin, la cohésion de groupe permet de renforcer la motivation des apprenants (on apprend par plaisir et non plus dans la douleur !). Dans les groupes très cohésifs ou fusionnels, des dynamiques d’entraide se mettent en place. Elle sont à l’origine de processus de co-apprentissage efficaces qui sont déterminants pour le développement de communautés d’apprenants dépassant la seule formation présentielle.
Sept règles à respecter pour favoriser la dynamique de groupe en formation
Les psychologues sociaux ont établi les invariants à l’origine d’une dynamique de groupe positive. Jean Claude Abric les rappelle dans son livre de synthèse sur la question.
1) Homogénéité du groupe. Une trop forte hétérogénéité peut être un frein à la dynamique de groupe, cependant un minimum d’hétérogénéité est propice à la richesse des apports.
2) Accord sur les buts et les règles de vie. Il revient au formateur dès le début de la formation de préciser ces buts et règles de vie.
3) Attrait de l’appartenance au groupe. Les apprenants doivent avoir intérêt et même envie de vivre une expérience de groupe. Cela n’est plus toujours le cas aujourd’hui dans une société où chacun a du mal à déconnecter de son environnement virtuel (réseaux sociaux, e-mail, flux RSS…). Le formateur, par la posture qu’il adopte (enthousiasme, bienveillance, empathie…) peut jouer un rôle essentiel pour rendre la vie de groupe attractive.
4) Fréquence des interactions. La durée de la formation et son intensité sont déterminantes pour créer une véritable dynamique de groupe. Il est loin le temps des formations d’une semaine voire deux en résidentiel ! Mais la régularité des rencontres (ex. une visio formation tous les mercredi matin) peut remplacer ces temps forts que représentaient les stages résidentiels.
5) Proximité physique ou moyens de communication. La dynamique de groupe a besoin pour se forger d’échanges communicationnels importants. La proximité physique est indispensable. Aujourd’hui, elle peut être prolongée par la proximité virtuelle.
6) Leadership “démocratique“ et qualité de la communication. Le leadership dit “autocratique“ est un frein à la dynamique de groupe. A l’inverse un partage des décisions au sein du groupe en formation qui peut aller jusqu’à la co-conception pédagogique peut être un plus.
7) Compétition inter-groupe. Si la compétition intra-groupe est un obstacle à la dynamique de groupe, la compétition entre groupe de formation (ex. entre promotions d’un même dispositif) peut la renforcer. Cette compétition inter-groupe peut être promue via des techniques de gamification.
Conseils pour le formateur, tuteur, manager…
- Clarifier le contrat pédagogique au démarrage de la formation
- Animer selon un leadership “démocratique“
- Consacrer des temps de “régulation des tensions“ au cours de sa formation
- Organiser l’espace de formation pour qu’il favorise les interactions entre membres du groupe (salle en U, en cercle, ateliers en sous-groupes autour de tables mange-debout…)
- Faire tourner les sous-groupes
Conseils pour le chef de projet formation…
- Soigner la composition des groupes (viser l’hétérogénéité sans excès)
- Inscrire la formation dans la durée
- Créer des challenges inter-promotions
La dynamique de groupe à l’ère de la digitalisation de la formation…
A quoi peut bien servir la dynamique de groupe à l’ère de la digitalisation de la formation ? Les thuriféraires du E-learning nous assurerons que la dynamique de groupe, c’est la “formation à la papa“ et que toutes ces interactions au sein d’un même espace et d’un même temps, ne valent pas grand chose à l’heure de l’explosion des réseaux sociaux. Sans remettre en cause l’intérêt des réseaux virtuels, on ne pourra s’empêcher de leur rétorquer que les réseaux sociaux qui fonctionnent le mieux sont ceux qui puisent leur origine dans la vie réelle (cf. réseaux d’amis sur Facebook ou de connectés sur Linkedin, par exemple).
Par ailleurs, très souvent les réseaux sociaux virtuels finissent par déboucher sur des événements physiques et bien réels. Bref, il ne sert à rien d’opposer le réel au virtuel, les deux sont intimement liés. A partir de notre expérience d’animation de réseaux sociaux d’apprenants, on peut même dire que les deux s’enrichissent mutuellement. Une dynamique enclenchée en présentiel se poursuivra en virtuel et réciproquement. Quoiqu’il semblerait que la réciproque est plus difficile à enclencher : essayez de créer une dynamique de réseau social d’apprenants avant un premier atelier présentiel et vous verrez le résultat !
En conclusion, on peut dire que la dynamique de groupe en formation est un concept à prolonger par la dynamique des réseaux sociaux d’apprenants. Et il serait très profitable d’avoir des études sérieuses dans ce domaine pour identifier les conditions de succès.
Références pour aller plus loin…
Le groupe en psychologie sociale, Dominique Oberlé, Revue Sciences Humaines – cliquez ici.