Le gouvernement vient de lancer le chantier de la rénovation de la VAE. Manuel Valls a invité dans sa lettre de mission du 16 décembre dernier les Ministères de l’Emploi et de l’Education nationale à lui faire des propositions d’amélioration. Ils ont cinq mois pour rendre leurs conclusions. Mais déjà, le projet de loi El Khomri propose, dans son article 34, des modifications substantielles (réduction de 3 ans à un an d’expérience, logique de bloc de compétences… cf. texte du projet de loi article 34 page 110). Au moment où les grandes manoeuvres se préparent autour de la VAE, voici un bilan rapide et deux pistes d’amélioration.
Un bilan plutôt mitigé
Après 14 ans de bons et loyaux services, la VAE s’est bien installée dans le paysage de la formation. Cependant, elle reste un dispositif assez peu prisé par les salariés et les DRH. Les chiffres ne parlent pas pour elle : 250.000 personnes ont été certifiés via la VAE depuis sa création en janvier 2002, soit 16.000 par an en moyenne contre un objectif de 60.000 au démarrage.
Pour les salariés, la VAE est perçue comme souvent trop longue (6 à 9 mois généralement), trop difficile (le dossier de preuve s’apparente souvent à des travaux d’Hercule), trop incertaine (le taux d’abandon en cours de VAE est important et l’échec à la VAE n’est pas rare), trop peu reconnue par les employeurs (rarement l’obtention d’une VAE entraine une augmentation salariale à son issue).
Pour les employeurs, elle donne une impression de complexité (choix de la certification, choix de l’accompagnateur…). Elle est de surcroît peu financée (le congé pour VAE ne prend pas les frais d’un accompagnement de qualité). Enfin, elle n’a pas la valeur d’une formation en terme d’acquisition de connaissances et de compétences alors qu’elle nécessite une reconnaissance encore plus grande des efforts consentis).
Bref, tous ces griefs font que la VAE a besoin d’évoluer grandement pour répondre aux attentes des bénéficiaires. Le contexte de la formation évoluant, des opportunités sont à saisir.
La VAE à l’heure de la formation certifiée
Historiquement la VAE a succédé à la VAP. La VAP dite “décret 85” (1) permettait et permet toujours de valider ses pré-requis en vue de bénéficier d’une dispense partielle de formation.
La VAE est allée plus loin et permet d’obtenir l’intégralité ou une partie de certification sans recourir à un parcours de formation. Dans l’univers du développement des compétences, la VAE est devenue “l’autre voie d’accès” à la certification.
Tandis que la VAP s’inscrivait dans une dynamique de formation, la VAE s’est construite finalement en marge de l’objectif de formation. Certes, toutes les études le montrent, elle permet à tous ceux qui s’engagent dans ce dispositif de développer de réelles compétences de formalisation et d’expression écrite comme orale. Elle favorise la prise de recul, l’analyse de pratique, et par conséquent, elle est à l’origine de processus apprenants non négligeables. Mais elle n’est que trop rarement pensée comme une étape dans un parcours d’apprentissage.
A l’heure où la formation doit devenir certifiante, il serait bon d’envisager formation et VAE non plus comme deux voies distinctes d’accès à la certification, mais comme deux étapes d’un même parcours de développement. Cela aurait le double avantage de raccourcir les durées de formation et de renforcer la valeur formative de la VAE.
Deux pistes pour rénover la VAE
Sans prétendre à l’exhaustivité, voici deux pistes qu’il faudrait selon nous explorer pour démultiplier l’intérêt de la VAE aux yeux des salariés et des employeurs.
- Simplifier le processus de VAE (en s’inspirant de la VAP).
Le raccourcissement de la durée minimale d’expérience de 3 ans à 1 an du projet de loi El Khomri est une bonne chose. Mais il faut aller plus loin et repenser le processus de VAE en faisant de l’étape de recevabilité, le premier jalon d’un parcours mixte formation/VAE. Concrètement, à l’issue de la recevabilité, le candidat à la VAE pourrait avoir à préparer un dossier de preuve pour les compétences pour lesquelles son expérience est déjà significative, et un parcours de formation pour les autres compétences. Il n’aurait plus à attendre l’examen final pour réaliser ses compléments de formation. - Mettre en place un forfait parcours “Formation-VAE”
Aujourd’hui deux dispositifs existent : le congé pour VAE dans le cadre du CIF et l’accompagnement VAE dans le cadre du CPF. Ce dernier reste encore flou et fonction des décisions prises par les conseils d’administration des OPCA. Un forfait parcours intégrant à la fois les frais de certification (recevabliité, jury VAE), d’accompagnement méthodologique (cf. article 2 du décret n°2014-1354) et de formations complémentaires permettrait de simplifier la tuyauterie financière de la VAE et rendrait éligible au CPF des formations qui n’ont pas directement vocation à être certifiante.
La VAE ainsi repensée permettrait aux organismes de formation non certifiant de bâtir des partenariats avec des organismes certificateurs. Ils pourraient ainsi promouvoir la VAE en devenant à la fois accompagnateur et formateur. Cela permettrait de résoudre en partie les équations impossibles à la fois du CPF (réaliser des formations certifiantes avec un crédit de 150 heures) et du “plan 500.000” de François Hollande (quasi doublement du nombre de demandeurs d’emploi avec seulement 1 milliards de plus). Mais cela nécessite de changer nos cadres de pensée : une formation certifiante n’est pas forcément longue. Et ce n’est pas forcément les formations les plus longues qui sont les plus efficaces !
Pour aller plus loin, quelques sources…
- Les recommandations du COPANEF – cliquez ici.
- La lettre de mission fixée par Manuel Valls – cliquez ici.
- Le décret sur l’accompagnement VAE – Cliquez ici.