La formation est un thème de campagne incontournable pour les candidats à l’élection Présidentielle. A écouter et lire les principales prises de position, ils semblent poser à peu près tous le même raisonnement :
- La formation brasse un volume d’argent bien trop élevé (32 Milliards environ, mais ce chiffre additionne tout : de la formation des fonctionnaires à celui des prisonniers en passant par les demandeurs d’emploi).
- Le paritarisme de gestion ne serait plus à la hauteur des enjeux.
- La solution serait simple : transférons l’argent de la formation des salariés vers les demandeurs d’emploi qui en auraient le plus besoin. Et cela pourrait se faire très facilement en transférant la dernière obligation restante (le “1% formation”) en une taxe au profit des demandeurs d’emploi.
Ce raisonnement simple cache une argumentation simpliste voire erronée. Amputer une nouvelle fois, l’effort de formation des entreprises pour leurs salariés risque de remettre en cause le subtil équilibre actuel sans pour autant résoudre le problème de fond du chômage de masse.
Sur les prises de position approximatives voir l’éclairant article de Leila de Comarmond… cliquez ici.
La formation des salariés : un enjeu plus que jamais crucial !
Les besoins en formation qualifiante sont en train d’exploser. Le digital et plus largement les innovations technologiques (BioTech, NanoTechnologie, FinTech, Industrie 4.0…) et managériales en cours (ubérisation, management collaboratif…) transforment en profondeur nos métiers et nos représentations du travail. Des pans entiers d’emploi sont à reconvertir. Jamais on n’avait connu une telle urgence de reconversion des compétences. La révolution informatique des années 1980 n’est rien comparée à ce que vivent aujourd’hui les entreprises, et ce qu’elles vont vivre dans un futur proche.
La loi du 5 mars 2014, imparfaite comme toute loi, proposait cependant un équilibre non dénué de sens pour faire face à cet accroissement subit de la demande en formation. Elle rappelle aux entreprises qu’elles ont une double obligation. Une obligation d’adaptation de leurs salariés à leur poste de travail et à l’évolution de leur emploi, d’une part, et une obligation de formation au moins tous les 6 ans en lien avec l’entretien professionnel, d’autre part.
En contre-partie de cette double contrainte, les entreprises ont obtenu que la contribution formation soit réduite à 1% de la masse salariale et, surtout, que cet effort financier peut être récupéré à condition de réaliser pour leurs salariés des formations certifiantes.
Pour faire simple, la formation courte est prise en charge directement par l’entreprise (du fait de la double obligation d’adaptation et de formation) et la formation longue et certifiante (celle dont les salariés ont le plus besoin aujourd’hui compte tenu des mutations économiques) est co-financée par les fonds mutualisés des OPCA.
Cet équilibre vole en éclat si demain le 1% est tout ou partie transféré aux demandeurs d’emploi. Comment les salariés pourront-ils financer leurs formations certifiantes ? Les entreprises rétorqueront qu’elles n’ont plus de fonds et qu’elles n’ont ni besoin, ni obligation de certifier leurs collaborateurs, mais seulement de les adapter à travers des formations courtes et ciblées sur les talents.
Les OPCA/OPACIF n’y pourront rien non plus. Existeront-ils encore ? Leur raison d’être est de financer la formation qualifiante des salariés pas celle des demandeurs d’emploi, même si depuis 2009, elles ont fortement contribué, via le FPSPP, à créer des passerelles entre les deux mondes.
Bref, une chose est sûre, on déshabillera Pierre, mais ce n’est pas pour cela qu’on rhabillera Paul !
Formation des demandeurs d’emploi : une solution parmi d’autres au problème du chômage de masse
Les causes du chômage de masse sont multi factorielles. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que le chômage de masse dépend tout à la fois d’un problème de demande, de fluidité du marché de l’emploi et notamment de mobilité géographique, de coût de la main d’oeuvre, de montée en gamme des produits, etc. Tout le reste n’est que politique et idéologie. C’est en agissant sur tous les leviers simultanément (qu’ils soient marqueurs de gauche (relance Keynésienne), comme marqueurs de droite (politique de l’offre) que l’on arrivera à endiguer ce fléau qu’est le chômage de masse.
Certes des études ont montré que des demandeurs d’emploi requalifiés avaient plus de chance de retrouver un emploi que s’ils ne l’étaient pas. Mais est-ce une raison pour réduire à peau de chagrin la formation des salariés ?
La formation des demandeurs d’emploi autrefois gérée par l’Etat, puis par l’Assurance chômage, doit rester dans le giron de ceux qui ont pour mission et les moyens de s’en occuper. Le FPSPP créé en 2009 a fait sauter la digue qui retenait les flux financiers de la formation des salariés dans le champ de la formation continue en entreprise. Le CPF, en 2014, a ouvert le canal permettant d’orienter les flux financiers des entreprises vers les demandeurs d’emploi (environ 80% des demandes de CPF en 2015/2016 étaient financées pour des D.E). Le CPA, qui vient d’être introduit, va creuser et élargir encore ce canal. Et si une réforme des fonds de la formation, telle que souhaitait par les prétendants à la Magistrature Suprême venait à s’imposer, elle emporterait tout sur son passage : OPCA, OPACIF, marché de la formation régulé paritairement, politiques de branche…