Le Président Emmanuel Macron a lancé mardi 12 octobre dernier, les consultations avec les partenaires sociaux autour des projets de loi sur la formation, l’apprentissage et l’assurance chômage. Malheureusement, nous n’y étions pas ! Mais nous avons nos indics dans le Landerneau de la formation. Voici résumé, les bruits qui courent et les rumeurs qui enflent concernant plus particulièrement la formation en entreprise.
C’est la fin des OPCA et FONGECIF ?
Les tenants d’une réforme radicale laissent courir le bruit : “Macron va tuer les organismes paritaires collecteurs, car ils opacifient le système de formation”. Les plus véhéments sont pour une fin radicale : “il suffit de supprimer la collecte des fonds et de la centraliser aux URSSAF”. Les plus tactiques prônent la mise en concurrence des OPCA entre eux. Visiblement, cela serait possible à travers une certaine lecture des ordonnances (cf. article de Jean-Pierre Willems dans newstankrh).
Pour notre part, nous pensons que cette suppression des OPCA et FONGECIF, in fine, n’aura pas lieu. Car, elle ne résout rien. S’attaquer aux acteurs, n’est pas la solution, si on ne change pas le système ! Ce qu’il faut, c’est refonder les OPCA et FONGECIF en leur confiant de nouvelles missions et pourquoi pas en leur supprimant des anciennes. Les supprimer va mobiliser une énergie et des tensions qui pourraient faire échouer la réforme. A quoi bon ?
Le CIF et le CPF vont fusionner ?
C’est quasi fait, mais ce n’est pas encore fait : le CIF et le CPF s’articuleront beaucoup mieux a minima ou carrément fusionneront en un seul dispositif. Il est vrai qu’ils sont en un peu en concurrence. Le seul point de vigilance est de conserver dans le futur dispositif né de cette fusion, un outil de financement de formations dédié à la reconversion et la promotion des salariés. Car le CIF a toujours eu une valeur ajoutée sociale indéniable dans ce domaine.
Les contrats d’apprentissage et de professionnalisation ne feront plus qu’un ?
Hop ! Hop ! Hop ! Pas si vite. Cela fait au moins deux ou trois réformes qu’on nous fait le coup de la fusion. Mais ceux qui pensent qu’elle peut se faire d’un coup de baguette magique se trompent. Les fondements de ces deux dispositifs sont bien différents. Le plus ancien, le contrat d’apprentissage est dans le giron de l’Education Nationale et des Régions. Le plus récent, le contrat de professionnalisation est né de la négociation paritaire. Les jeux de pouvoir sont très importants. Qui sera prêt à céder dans ce domaine ? Certainement personne, alors la solution, comme on peut l’entendre aujourd’hui dans “les milieux autorisés”, c’est probablement, le rapprochement des caractéristiques, sans changer les sources de financement. En clair, pour l’entreprise comme pour le bénéficiaire du contrat, il n’y aura plus de différences entre les deux dispositifs (mêmes critères de recrutement, même rémunération ou presque, mêmes formations éligibles…). Rapprochement, mais pas fusion. Ce sera déjà beaucoup mieux.
Les fonds de la formation des salariés vont être amputés ?
C’est malheureusement fort probable ! Et pour s’en persuader, il suffit de reprendre le fil des annonces gouvernementales. Fin septembre, il a été annoncé un grand programme d’investissement dans les compétences. Le PIC (pour Programme d’Investissement dans les Compétences). Après les plans 100.00 formations, puis 500.000 formations de François Hollande, Emmanuel Macron, fait encore mieux, il lance le plan 2 fois 1.000 000 de formation pour les demandeurs d’emplois et les jeunes très éloignés de l’emploi. Et le budget est colossal : 15 milliards (exactement, 14, 7) sur 5 ans, soit 3 milliards par an !
Problème, ce plan n’est pas encore financé et cela sera fait dans le cadre des réformes à venir. Le boulet du plan 2 x 1 million est prêt à tomber sur les budgets de la formation des salariés. 3 milliards par an, c’est un peu moins de la moitié des fonds des OPCA et FONGECIF. On voit aisément ce qui pourrait se passer… Si les partenaires sociaux, ne font rien, on va déshabiller Paul pour habiller Pierre.
Le plan de formation des moins de 300 va disparaître ?
En 2014, la fin du 0,9% a supprimé le plan de formation des grandes entreprises. Mais de haute lutte et à juste titre, la CGPME de l’époque a sanctuarisé le plan des moins de 300. Des bruits courent que la digue pourrait céder si les OPCA venaient à disparaître. Comme pour les fonds de la formation des salariés, là aussi il y a danger. Le principe de redistribution asymétrique est une excellente chose. Il permet à ceux qui n’ont pas de besoins réguliers en formation de pouvoir financer de grosses charges certaines années en formation. C’est un principe simple d’assurance. Si les grandes entreprises peuvent s’assurer elles-mêmes car bon an, mal an, elles procèdent toujours à peu près au mêmes investissements, les moyennes et encore plus les petites (11 à 50 salariés), vivent les besoins de formation par à coup. Elles ont donc terriblement besoin d’une logique assurancielle.
Le CEP sera renforcé ?
Dans les bruits de casse du système de formation, on peut entendre parfois quelques soupirs d’espoir ! Le peu connu CEP ou Conseil en Evolution Professionnelle en fait parti. Quand la formation sera désintermédiée, chaque salarié se retrouvera seul face à son site “moncompteformation.gouv.fr” pour monter et faire financer son projet de formation. On s’apercevra alors rapidement que tout cela ne peut pas fonctionner pour les publics éloignés de la formation. Acheter de la formation, ce n’est pas acheter une nuit d’hôtel sur Booking.com ou faire ses courses sur Amazon. Quand bien même tous les organismes de formation auront leur niveau d’étoile, le plus important restera l’adéquation entre le projet professionnel du salarié, son projet de formation et la capacité à s’engager à le mener à bien. C’est justement la mission du CEP que d’aider les salariés à penser leur projet et à les guider dans leur mise en oeuvre. Alors la raison devrait conduire à développer ce type de dispositif et surtout à lui trouver un vrai financement.
La qualité des organismes de formation sera davantage contrôlée ?
Probablement, et ce n’est pas une simple rumeur, mais une volonté de toutes les forces en présence y compris de la Fédération de la Formation Professionnelle. Cette dernière pousse dans le sens d’une agence indépendante de contrôle de l’activité de formation.
Faire progresser la qualité de l’offre de formation ne résoudra pas tout mais elle contribuera à améliorer le système de formation professionnelle dans son ensemble. La question est dans la mise en oeuvre de cette nouvelle politique d’amélioration de la qualité de l’offre. Car le problème est complexe.
Il y a d’une part le sujet de l’offre de certification. Et on connaît les limites du principe de listes qui devraient, c’est presque fait, sauter. Et on sait également que les moyens confiés à la CNCP pour établir le répertoire et l’inventaire sont beaucoup trop limités. Il y a d’autre part, l’enjeu du contrôle qualité des organismes de formation : légitimité des labels et du datadock. Enfin, il y a le sujet jamais réellement abordé, de l’habilitation des formateurs eux-mêmes. Car aujourd’hui l’attention est porté sur la qualité administrative et pédagogique des organismes beaucoup plus que sur le niveau des formateurs réalisant les prestations. Remettre sur le métier le sujet de la qualité ne pourra pas faire de mal au monde de la formation !