Nouvelle réforme en vue, lame de fond du digital Learning, reflux sensible de l’appétence des salariés pour la formation classique. Et toujours émiettement de l’offre et capacités d’auto financement limitées. Les organismes de formation sont de bien faibles embarcations face à des vents contraires de plus en plus violents. Il est grand temps pour eux de réagir et de s’adapter aux nouvelles exigences du marché de la formation.
Bien choisir son marché alors que le transfert des co-financements est en marche
Le marché de la formation a toujours été dual. D’un côté la formation des salariés et par extension des fonctionnaires, de l’autre la formation des demandeurs d’emploi et des personnes éloignées de l’emploi. Jusqu’en 2009, les fonds de la formation des salariés allaient aux salariés, ceux de l’Europe, de l’Etat, des Régions, de Pôle Emploi aux demandeurs d’emploi et personnes en difficultés. Avec la création du FPSPP, puis la mise en place du CPF, la digue s’est rompue. Les fonds destinés aux salariés irriguent ceux des demandeurs d’emploi. La réforme à venir d’Emmanuel Macron va accélérer le mouvement. Le PIC (Programme d’Investissement dans les Compétences) dont le budget est de 14,7 milliards n’est pas aujourd’hui financé. C’est la prochaine loi sur la formation qui devrait s’en charger. D’aucuns font déjà les calculs. Le PIC, c’est 3 milliards par an sur 5 ans, c’est-à-dire l’équivalent d’environ 50% des financements obligatoires. Soit, les contributions du FPSPP et une bonne partie de la professionnalisation. Il ne resterait plus alors pour les salariés que les fonds du CIF et CPF fusionnés. Les organismes de formation vont devoir choisir leur camp. Rester sur la formation des entreprises dont la demande risque de se raréfier à moyen terme, soit aller dans le sens des orientations politiques et investir le champ de la formation des demandeurs d’emploi et personnes éloignées de l’emploi. La question n’est pas simple. D’un côté des co-financements importants avec des montants moyens très faibles de prise en charge. Les Régions financent la formation à hauteur de 5 à 6 euros/heure/stagiaire. De l’autre, un “marché libre”, dont les volumes risquent de chuter, faute de co-financement, avec corrélativement, une baisse des prix.
Digitaliser son offre évidemment…
La pression sur les prix se conjuguant à une désaffection des entreprises et des usagers pour le tout présentiel va entraîner une accélération du développement des offres “blended Learning” (présentiel + auto formation distance et/ou classe virtuelle). C’est déjà une réalité dans les grandes entreprises. Le Groupe Orange, par exemple, s’est engagé à ce que 50% de ses formations soient “blended” d’ici 2020. Les organismes de formation qui n’ont pas encore digitalisé leur offre, n’ont plus beaucoup de temps pour le faire. La question n’est pas tant de savoir s’il faut y aller, mais comment y aller. Louer, faire son propre contenu en interne, en externe, en partenariat… toutes les solutions sont bonnes à condition qu’elles soient adaptées à son contexte. Investir dans le digital Learning, c’est d’ores et déjà un investissement défensif. Cela ne créera pas forcément un nouveau business rentable et récurrent, mais cela permettra de continuer à être dans la course. Le digital Learning sera déstructeur de valeur, même s’il générera de nouveaux services : personnalisation des parcours, accompagnement pédagogique à distance, évaluation et certification des compétences quasi systématique…
… mais également toute son entreprise
Le digital learning n’est qu’une facette de l’irruption du digital dans le monde des organismes de formation. A l’instar des autres entreprises, les organismes de formation doivent digitaliser tous leurs processus d’activité : promotion, vente, gestion administrative, gestion de la production… Cette digitalisation des processus d’activité est d’autant plus nécessaires que la gestion de la formation va être profondément bouleversée. Un marché désintermédié où le client ne sera plus l’entreprise ou l’OPCA mais l’apprenant lui-même va transformer les processus marketing (d’un marché BtoB on passera à un marché BtoC), de gestion (de la formation intra on passera à l’inter), de production (de prestations de journée de formation, on passera à des prestations d’accompagnement individualisé totalement émietté – réponses à des mails, échanges téléphoniques, corrections de travaux…). A l’inverse de ce que certains pensent, la désintermédiation conjuguée à la digitalisation sera probablement source de complexité et de coûts de gestion supplémentaires.
Adapter sa taille à son marché
Le double investissement dans le digital Learning et dans la digitalisation de ses processus de gestion risque d’être difficile à absorber pour les organismes de formation. Pour mémoire, il existe aujourd’hui près de 90.000 organismes de formation, dont 47.000 sont référencés sur le datadock. La moitié réalise moins de 75.000 € de CA. 2% seulement font plus de 1,5 Millions d’euros. Leurs fonds propres sont faibles. La concentration est quasi inévitable. Pour être précis, le choix va dépendre du type de marché sur lequel va opérer l’organisme de formation. Sur le marché de la formation des demandeurs d’emploi, à fort volume et faible marge, la question ne se pose pas. La course à la taille devient inéluctable. Le temps du navire amiral AFPA, croisant avec sa flottille de petits organismes au statut d’association est certainement révolu. Les exigences en matière de lisibilité et de qualité de l’offre auront raison de ce modèle. Et les opérateurs ayant pris un temps d’avance sur la digitalisation de leur offre tels que Openclassrooms risquent d’être aux manettes. A l’inverse, les organismes de formation s’adressant exclusivement aux entreprises auront peut-être à fonder leur développement sur leur expertise et leur agilité. Loin d’une formation industrialisée et individualisée, leur taille réduite leur permettra de s’adapter aux exigences de réactivité toujours plus fortes de leurs clients, à condition évidemment d’avoir pu toutefois digitaliser leur offre.
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