Le texte ci-dessous est une tribune parue dans le numéro spécial du magazine du Centre-Inffo à l’occasion des 1ères UHFP Entreprises à Biarritz qui ont eu lieu les 1er et 2 février derniers. Nous y animions un atelier sur ce thème et profitions de l’occasion pour présenter également l’enquête C-Campus sur les 10 tendances de la formation en entreprise.
Disons-le franchement, la fonction formation en entreprise est profondément chahutée actuellement. Nous avons voulu en savoir plus chez C-Campus. Nous avons mené l’enquête auprès de nos clients, prospects et partenaires[1]. Nous avons recueilli des informations sur plus d’une trentaine d’entreprises. Le constat que nous tirons est que la fonction formation n’est pas en train de disparaître. Elle est à ré-inventer, à refonder. Bref, elle doit elle-même se transformer en profondeur sous l’effet de 3 évolutions majeures des pratiques de formation.
Des besoins de formation toujours plus importants
Alors que tous les experts s’attendaient à une baisse sensible des budgets « formation », les entreprises que nous avons rencontrées nous ont affirmé l’inverse. Les investissements, au pire stagnent, et le plus souvent sont en légère progression. Surtout, le nombre d’heures augmente sensiblement. La raison : les transformations vécues par les entreprises créent de nouveaux besoins de formation :
- Nouveaux enjeux pour le management avec l’introduction des « méthodes agiles », « l’entreprise libérée », le « design thinking », etc.
- Nouvelles façons de vendre. Le principe de « crosscanalité » nécessite des vendeurs ayant une meilleure connaissance produit.
- Nouveaux outils et processus hautement digitalisés génèrent une multitude de formations aux applicatifs informatiques et, pas seulement, une simple sensibilisation au digital.
Bref, la fonction formation a encore du grain à moudre. Plus que jamais, l’entreprise a besoin d’elle pour fournir les formations toujours plus nombreuses qui sont attendues.
La digitalisation est partout, mais n’est pas tout !
Pour faire face à ces besoins accrus de formation, la fonction formation privilégie la digitalisation. La digitalisation semble être au cœur de toutes les tendances. Ses effets sur la formation en entreprise sont bien plus importants que le simple remplacement de la formation présentielle par de l’autoformation à distance en e-learning. Ce digital learning-là est déjà dépassé autant que le présentiel classique.
Le digital est global : digitalisation des contenus, de la relation pédagogique, de la gestion administrative… Il est à l’origine des transformations des usages et pratiques de formation.
Une formation en flux où l’apprenant fait l’objet de plus en plus d’attention
La fonction formation doit apprivoiser cette digitalisation et incarner ces nouveaux usages de la formation. Sans quoi, les directions opérationnelles s’en empareront. Elle ne peut plus se cacher derrière la gestion administrative du plan de formation. La gestion planifiée et collective de la formation laisse la place à une gestion individualisée et permanente des apprentissages.
L’apprenant est au cœur de tous les nouveaux dispositifs. L’expérience apprenante se transforme. Le schéma classique du « je suis inscrit par mon manager, je pars deux jours en stage et j’essaie d’appliquer en revenant » s’efface au profit d’un nouveau modèle où la formation est pensée comme un flux : « j’ai un besoin, je cherche autour de moi la meilleure réponse formation et je la mets en œuvre immédiatement sans passer par un processus d’autorisation et d’inscription ». Les offres de formation sur des plateformes en libre accès et le développement de la formation en situation de travail sont à l’origine de ce nouveau modèle.
Des fonctions formation à la fois plus centralisée et plus proche du terrain
Conséquence des trois évolutions précédentes, la fonction formation est réorganisée à travers un double mouvement à la fois centripète et centrifuge.
Mouvement centripète : des équipes centrales resserrées et agiles
L’orientation prise par les grandes entreprises est de ne garder en central que quelques missions prioritaires :
- Le pilotage et les évolutions du SIRH/LMS de plus en plus souvent uniques
- Le « pilotage » du centre de service partagé pour la gestion administrative des formations (car il est de plus en plus externalisé.
- Le pilotage du studio de production de digital learning qui peut être soit interne, soit externe, soit les deux. Les entreprises se cherchent encore dans ce domaine.
- Les écoles de formations internes (généralement une école de management et, pour les plus grandes entreprises, une école par grande fonction : vente et relation client, école des métiers techniques, achat, finance…)
Mouvement centrifuge… une fonction formation plus proche du terrain
Parallèlement, il revient à la fonction formation de créer et d’animer des réseaux d’acteurs locaux de formation. La formation est le plus souvent une mission supplémentaire dans le cadre de la mission principale des managers et experts. On les nomme tuteurs, formateurs terrains, formateurs techniques occasionnels, coachs internes, facilitateurs… A l’origine, il s’agit d’experts d’un domaine sensible. Dans certaines grandes entreprises, cette mission peut être reconnue comme un emploi particulier.
Ces acteurs de terrain (re)créent le lien absolument indispensable entre le collaborateur-apprenant et les ressources pédagogiques digitales à sa disposition. Ils adoucissent les effets parfois violents d’une individualisation de la formation mal maîtrisée. Ils sont la cheville ouvrière d’une formation à la fois « digitale ET humaine ».
Dans ce contexte, la fonction formation devient plus experte, plus agile, davantage orientée apprenant. Elle est organisée en réseau et non plus en « fonction support ». C’est à cette condition qu’elle continuera à créer de la valeur et par conséquent résistera.
[1] C-CAMPUS – Cahier des tendances 2018 : « Enquête au cœur des nouvelles pratiques de formation en entreprise » Contactez-nous pour vous procurer l’enquête : info@c-campus.fr