La volonté manifeste du gouvernement est de simplifier l’accès de la formation aux salariés, notamment des TPE-PME. C’est compréhensible, c’est même louable. Mais un système bi-polaire où d’un côté l’entreprise adapte ses salariés à leur emploi et, de l’autre, les salariés développent leurs compétences grâce à un CPF désintermédié ne peut être la solution.
La co-construction employeur / salarié est la pierre angulaire d’un système de formation professionnelle efficace. Or, en l’état des textes à notre disposition, cela semble renvoyé à d’éventuelles négociations de branche et aux fonctionnalités d’une “appli CPF” que des “techniciens” auront la charge de préciser.
Pourquoi la co-construction est-elle indispensable ?
Le principe de co-construction repose sur un dialogue renforcé entre le salarié et son employeur autour de son projet de formation. C’est-à-dire :
- Sa finalité : Que fera-t-il de retour de sa formation ? Quelle reconnaissance peut-il en attendre ?
- Ses modalités de mise en oeuvre : formation sur ou hors temps de travail ? Quels aménagements de son travail en fonction des contraintes de la formation ?
- Son financement : Quel dispositif de formation choisir ? Qui abondera ? Que restera-t-il à charge ?
Quand ce dialogue n’existe pas, trois difficultés apparaissent :
- Moindre implication dans sa formation : le salarié a du mal à s’impliquer dans une formation qui lui est “imposée” (cas d’une formation dite d’adaptation). Il peut s’interroger sur une formation qui ne serait pas valorisée par son employeur (cas d’une formation réalisée à la seule initiative du salarié comme pourraient l’être les formations réalisées via l’appli CPF)
- Gestion du parcours de formation plus délicate : le salarié-apprenant a souvent du mal à organiser son apprentissage tout au long du parcours sans l’appui de son management (planification des temps d’auto-formation, préparation des examens, etc.)
- Moindre qualité du transfert pédagogique : de retour de formation, le salarié-apprenant peut difficilement appliquer dans son environnement de travail quand le projet de formation n’est pas partagé avec son employeur. Il ne peut pas non plus en faire profiter ses collègues.
Peut-on encore améliorer le dispositif existant ?
Heureusement, tout n’est pas encore joué. Les débats parlementaires sont à venir et il est encore temps par des dispositions techniques de ré-introduire de la co-construction dans notre futur système de formation professionnelle. Voici trois mesures cumulatives qui pourraient être prises.
Renforcer le dialogue autour de la formation
Donner un droit à tout salarié à bénéficier d’un entretien professionnel dès lors qu’il engage dans une démarche d’inscription sur l’appli CPF. La loi de 2014 avait créé un droit à un entretien professionnel obligatoire tous les deux ans. Cette périodicité n’a pas beaucoup de sens, elle est d’ailleurs remise en cause par la future loi. Plus pertinent, serait d’obliger les entreprises à dialoguer dès lors que le salarié entre dans un processus de réflexion sur un projet de formation. L’entretien professionnel deviendrait ainsi un conseil en évolution professionnelle interne. Les employeurs pourraient mieux accompagner leurs salariés dans leur formation externe et éventuellement leur faire bénéficier de compléments de formation en interne.
Inciter les entreprises à co-investir
Le CPF-Caisse des Dépôts tel qu’il est imaginé aujourd’hui n’est qu’un droit à se faire financer les frais pédagogiques de sa formation. Or, les coûts d’une formation comprennent également la rémunération de la formation et les frais de déplacements et d’hébergement. Ce New CPF peut être considéré comme une régression pour les salariés au regard du CIF de 1984, du CTF de 1995, du DIF de 2004 ou du CPF de 2014.
Il est encore possible aujourd’hui d’amener, par un amendement, les entreprises à prendre en charge la rémunération de leurs salariés en contrepartie d’une amélioration du niveau de prise en charge des frais pédagogiques. Il suffirait d’introduire dans le texte de loi l’alinéa suivant :
“Tout salarié ayant bénéficié d’un entretien professionnel et d’une garantie de prise en charge totale de sa rémunération par son employeur pourrait bénéficier d’un abondement de la Caisse des dépôts à hauteur d’un doublement des ses droits de CPF acquis pour la prise en charge des frais pédagogiques”
Les entreprises y gagneraient (la formation de leur salarié serait davantage prise en charge), les salariés également. Et même la collectivité car bon nombre de CPF dits de transition professionnelle pourraient être transférés dans ce CPF co-construit.
Inciter les branches à abonder par un versement conventionnel obligatoire
Dans la même logique et pour encore améliorer le dispositif, on pourrait imaginer une troisième condition cumulative : l’abondement partiel de la branche professionnelle. L’alinéa précédent serait complété par le suivant :
“Dans le cas où le salarié est employé dans une branche professionnelle ayant mis en oeuvre un versement conventionnel obligatoire d’au minimum X%, il bénéficie d’une prise en charge totale des frais pédagogiques de sa formation.”
Les branches vertueuses finançant mieux la formation de leurs salariés que les autres branches pourraient davantage attirer et fidéliser les talents. Et le CPF-Caisse des dépôts trouverait ainsi des ressources financières crédibles. On serait au final assez proche d’un CPF version 2014, sans la complexité des listes, tout en ayant gagné un CPF minimaliste sans co-construction pour les formations courtes de type “certifications” TOIC, TOEFL ou TOSA.
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