Le projet de loi “Pour choisir son avenir professionnel” dans son article 5 renforce les exigences en matière de qualité de la formation. Pour faire simple, là où les organismes de formation devaient faire face au Datadock, demain, ils devront être “labellisés”.
Pour l’instant, le texte laisse une belle marge d’interprétation :
« Art. L. 6316-2 : La certification mentionnée à l’article L. 6316-1 est délivrée par un organisme dûment accrédité ou par une instance de labellisation reconnue par France Compétences sur la base du référentiel mentionné à l’article L. 6316-3. ».
Autrement dit, l’organisme de formation devra être labellisé par un organisme certificateur, lui-même accrédité par le COFRAC, ou par une instance de labellisation reconnue par la nouvelle agence France Compétences. Si la liste de ces instances déterminée par France Compétences est restreinte (ce qui semble être la volonté du gouvernement), le nombre de label sera limité. Ce qui mettra de l’ordre dans le système de reconnaissance des organismes de formation. On ne s’en plaindra pas !
Pour autant, est-ce que le problème de la qualité en formation sera réellement résolu. Nous en doutons fortement. Car le système qualité ainsi conçu repose sur trois erreurs de cible fondamentales qu’il conviendrait de corriger :
Se focaliser sur les donneurs d’ordre autant que sur les fournisseurs
Première erreur fondamentale le système qualité imaginé contrôle le fournisseur mais ne dit rien sur le donneur d’ordre. Or, comme sur tous marchés, le marché de la formation est piloté par des donneurs d’ordre privés (entreprises) ou publics (OPCA/OPCOM, Pôle Emploi, Régions…). C’est eux qui à travers leurs appels d’offre et leurs procédures d’achats mettent tout en oeuvre pour sélectionner les meilleurs fournisseurs, autrement dit organismes de formation. Or la loi ne dit toujours rien sur le contrôle de ces donneurs d’ordre. Ils doivent respecter les règles classiques d’achats en fonction de leur statut, mais rien n’est fait pour les amener eux-mêmes à améliorer leur démarche de sélection des fournisseurs.
Pour certains d’entre eux, c’est souvent le moins disant pédagogique pour le prix le plus bas qui fait office de critère de sélection. France Compétences pourrait peut-être s’intéresser à la qualité des cahier des charges de la demande de formation et pas seulement à la qualité des organismes de formation ? A l’ère de la digitalisation et de la transformation des usages de la formation, il est grand temps que les donneurs d’ordre pensent différemment la formation et demandent autre chose que du stage présentiel mixé avec un peu de Digital Learning pour faire dans l’air du temps. Et tout cela pour des tarifs qui, dans certains secteurs, conduisent à embaucher des formateurs au SMIC ou guère plus.
S’orienter sur les formateurs plutôt que sur les organismes de formation
Former est essentiellement un métier relationnel qui met en contact un formateur avec des apprenants. Comme le psychologue, le médecin ou le moniteur sportif, le formateur est souvent beaucoup plus déterminant dans la qualité finale de la prestation que l’organisation qui l’emploie. Or, tous les métiers que nous venons de citer ont en commun d’exiger des certifications, habilitations, diplômes et, pour les métiers de la médecine, une adhésion à un conseil de l’ordre. Pour les formateurs, il n’en est rien. N’importe qui peut du jour au lendemain devenir formateur.
Le quatrième critère du décret Qualité du 30 juin 2015 traite de “La qualification professionnelle et la formation continue des personnels chargés des formations” mais les exigences retenues, notamment par le datadock, sont bien faibles pour l’instant.
Or, à quoi cela sert-il d’avoir un organisme de formation aux processus de gestion parfaitement huilés si au contact de l’apprenant (dans la salle de formation ou à distance) on a le premier formateur venu. Serions-nous rassuré de savoir qu’une compagnie aérienne ayant son autorisation de voler a des pilotes non qualifiés ? Ou un hôpital des chirurgiens non diplômés ?
Prendre en compte la logique de “servuction”
La formation est l’affaire du formateur, mais également de l’apprenant lui-même. Les théories du marketing nous rappellent que la prestation de formation est bâtie selon une logique de servuction. Celui qui bénéficie du service est aussi celui qui le produit en partie.
La motivation, l’engagement, la maîtrise des pré-requis, les capacités d’apprenance sont le plus souvent bien plus déterminants dans la réussite de sa formation que la qualité des processus de l’organisme de formation, et même que des capacités du formateur que nous venons de mettre en avant.
Penser la qualité de la formation comme un simple service que l’on pourrait évaluer et noter est une hérésie. C’est pourtant ce qu’on nous annonce pour vanter les mérites de la prochaine application CPF. Que vaudra la note d’un apprenant en fin de parcours sur le futur TripAdvisor de la formation ? Laissons ce type d’approche pour les hôtels, les restaurants, les sites de e-commerce en ligne, voire les spectacles.
L’apprenant ne doit pas être mis dans une posture passive de jugement d’un produit ou service. Il doit se sentir impliqué dans sa production. Ceux qui rêvent du TripAdvisor de la formation ont encore en tête les vieux schémas de la formation qu’ils ont “subi” dans leurs jeunes années. Ils écoutaient leurs profs “faire cours” et se moquaient d’eux à la récré ! Mais dans une formation réellement active et collaborative, l’intervention de l’apprenant lui-même est aussi importante que tout ce qui l’entoure (le formateur et l’organisation qui l’emploie).
Alors comment faire ? Il ne s’agit pas de contrôler les apprenants et de leur faire passer un examen de “bon élève” à l’entrée du parcours ! Mais plutôt que d’exiger que les organismes certificateurs soient “Cofraqués”, on ferait mieux de muscler les exigences sur les critères de l’aide au choix de la formation et de l’accompagnement. Mais cela va à l’encontre de la désintermédiation voulue par cette réforme qui considère malheureusement la formation comme un simple produit marchand…