C’est fait ! La « loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a été définitivement adoptée le 1eraoût dernier. Le feuilleton des amendements est maintenant terminé (on en a dénombré 3762 !).
Le Gouvernement va passer à la rentrée au stade de l’explication de texte. De notre côté, notre première analyse est que tout change et en même temps rien ne change vraiment. A deux bémols près, la FEST et l’Apprentissage.
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Tout ça pour ça…
Quand on lit le texte en détail, c’est certainement la première réaction que l’on peut avoir. 142 pages et au final le système de formation repose toujours sur ses deux piliers : l’obligation de formation d’un côté et un système de co-financement toujours aussi complexe. Alors, c’est vrai, il n’y a pas un seul dispositif qui reste à l’identique, pas un opérateur qui ne va pas changer, pas un financement qui ne va pas évoluer… mais parfois cela semble être davantage du changement pour du changement voire de la cosmétique qu’une réelle avancée pour les salariés.
CPF en euros, et après…
Le CPF ne sera plus comptabilisé en heures mais en euros. Il sera géré par la caisse des dépôts et consignations et sera davantage encore à la main du salarié.
A priori, on se dirige vers un CPF orienté vers des formations de courtes durées tout en étant certifiantes. Le nouveau CPF sera avant tout l’affaire des formations d’anglais, de bureautique, du permis de conduire PL/VL et de quelques formations à l’inventaire ou des blocs de compétences de diplômes ou titres.
Il reste encore pas mal de questions autour de ce CPF monétisé.
- Quand et comment l’appli CPF fonctionnera-t-elle ?
- Comment vont réagir les offreurs de formation ?
- Quels organismes de formation vont y aller réellement ?
- Est-ce qu’il s’agira d’une formation “low cost” ?
- Les organismes de formation assujettis à la TVA ne seront-ils pas désavantagés ?
- Comment les branches et les entreprises vont-elles s’approprier le dispositif ?
- Et les salariés ? Livrés à eux-mêmes seront-ils enclin à partir en formation hors temps de travail pour des formations dont le budget devrait tourner autour de 2000 à 3000 euros TTC ?
Les OPCA sont morts vive les OPCO !
Les futurs Opérateurs de Compétences seront moins nombreux (on attend le rapport Marx / Bagorsky dont la sortie devrait être imminente pour en savoir plus), mais ils seront toujours la pierre angulaire du système de co-financement. Certes, ils auront moins d’influence sur la formation des salariés en poste dans les grandes entreprises (à moins que le nouveau contrat Pro-A remplace vraiment la période de professionnalisation, mais on peut en douter au vu du texte de loi). On retiendra surtout qu’ils vont avoir une nouvelle mission dans le domaine de l’Apprentissage et davantage de moyens pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Là aussi, les questions ne manquent pas au-delà de savoir combien il en restera : 15 ? 11 ? 10 ? moins de 10 ?
- Quels seront les moyens des OPCO pour pouvoir mettre en oeuvre la transformation nécessaire de leurs missions et leurs compétences (on ne passe pas de chargé de formation à conseiller en développement des compétences en un claquement des doigts) ?
- Les OPCO Hors champs garderont-ils le CPF de transition ? et surtout le CEP ? Derrière la réponse se cache des emplois et des hommes et des femmes qui les exercent. Il ne faut pas l’oublier !
- Quelle sera leur marge de manoeuvre dans le domaine de l’apprentissage ? Seront-ils seulement des financeurs ou pourront-ils agir sur les orientations en terme de recrutement des apprentis, des pédagogies mises en oeuvre, etc. ?
- Quelle va être leur politique en matière de développement de la formation dans les TPE-PME ? On le sait bien, le problème ne réside pas dans les financements et dans l’offre de stage, mais dans les modalités pédagogiques ? Vont-ils réellement développer la FEST ?
Disparition des FONGECIF et ré-apparition sous la forme des Commissions paritaires interprofessionnelles régionales !
Le congé individuel de formation est bel et bien supprimé, mais il renaît immédiatement sous la forme du CPF Transition professionnelle. Ce qu’il faut retenir, c’est surtout la réduction des moyens disponibles. A priori la moitié des fonds vont disparaître mais on attend le décret pour avoir confirmation. Concomitamment, les FONGECIF vont eux-mêmes disparaître pour laisser la place à une nouvelle commission encore mal définie qui prendra le nom de Commission paritaires interprofessionnelles régionales.
Dans ce domaine tout est encore à imaginer. On sait ce qui va être cassé, on a du mal à voir ce qui va être construit ou re-construit. Et là aussi derrière les décisions, il y a des missions qui étaient exercées par des hommes et des femmes qui le faisaient le plus souvent avec passion.
France Compétences, la grande agence de la formation ?
CNEFOP, FPSPP et CNCP vont être supprimés et leurs missions reprises dans la future agence France Compétences. C’est là que se situera le pouvoir dans le futur système de formation français. Là aussi il faudra attendre les futurs décrets et la mise en place définitive de l’organisation pour en savoir plus. Mais a priori, elle devrait être le point central de la gouvernance du futur système de formation. Elle pourrait jouer un rôle comme aujourd’hui le joue l’AMF dans le secteur financier, l’ASN dans le nucléaire ou l’ARCEP dans les télécoms.
Dans ce domaine, on n’en est également qu’au début. Et faire la liste des questions en suspens pourrait être à lui seul un article. Citons les plus importantes.
- Quelle sera demain l’architecture des certifications ? L’inventaire va-t-il disparaître ? Quel sera le poids des branches dans la définition des futurs référentiels ? Et la place des organismes de formation ? Pourront-ils encore bâtir leurs propres certifications ?
- Quelle forme prendra le “datadock 2” ou le “Super datadock” puisque de nouveaux critères et indicateurs verront le jour sous l’impulsion de France Compétences ?
- Comment se fera demain la péréquation entre branches pour les financements ? Sur quels critères ? Comment feront les branches qui seront moins bénéficiaires de cette péréquation suite à l’évolution du mécanisme ?
… mais aussi deux changements aux effets potentiellement très importants
A côté de tous ces changements qui vont peut-être davantage perturbés les opérateurs et institutions en place que transformer en profondeur les pratiques de formation, on peut noter deux pistes d’innovation intéressantes.
La FEST ou la fin de la “stagification”
Le premier changement réside dans la redéfinition de l’action de formation. Elle s’ouvre à la formation en situation de travail. On attend un décret d’application pour octobre dans ce domaine. Une chose est sûre, la FEST ne sera en rien une formation sur le tas.
Pour être considérée comme une formation et donc enregistrable au titre de l’obligation de formation, il faudra faire la preuve d’une intention, d’un parcours et d’un encadrement pédagogiques, mais également de temps de « réflexivité » autour de situations de travail elles-mêmes pensées dans une optique d’apprentissage au travail, et très probablement d’une évaluation amont et aval.
Bref, la FEST va nécessiter un certain formalisme mais elle pourrait conduire à une évolution forte de l’offre de formation. Elle finira probablement le travail de « déstagification » des réformes précédentes (2004 et 2014 notamment). Affaire à suivre…
Vers la libéralisation de l’Apprentissage
Les entreprises vont pouvoir ouvrir leur CFA beaucoup plus facilement. Les Régions ne seront plus aux manettes dans ce domaine. Le financement au contrat va attiser les convoitises. Les CFA existant pourront également déléguer plus facilement une partie de la réalisation de la formation aux entreprises. Bref, l’Apprentissage va se rapprocher de l’entreprise et c’est une bonne chose. Reste à savoir comment tout cela va se mettre en place concrètement. On constatera probablement des innovations sociales dans ce domaine. Là aussi, affaire à suivre à l’horizon 3 à 5 ans… avant évidemment la prochaine réforme de la formation !