La réflexivité de l’apprenant est au cœur de la formation en situation de travail comme l’indique le projet de décret sur l’organisation des AFEST.
« Les phases réflexives ont pour objet d’utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail. Elles doivent permettre d’observer et d’analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation dans l’objectif de consolider et d’expliciter les apprentissages. Ces phases sont distinctes des mises en situation de travail* ».
Les conclusions du séminaire du 2 octobre 2018 sur les AFEST (Actions de Formation En Situation de Travail) sont d’ailleurs très claires : dans le cadre d’une formation en situation de travail, il ne peut y avoir de réels apprentissages sans mise à distance du travail.
Ce qu’est la réflexivité !
Il est très explicitement rappelé par l’ensemble des experts et intervenants présents au séminaire que les situations professionnelles ne sont pas « apprenantes » en elles-mêmes : une séquence réflexive doit permettre à l’apprenant de comprendre ce qui sous-tend son action :
- Comment il s’y prend pour réaliser son travail, sa production, sa prestation… ?
- Quels sont les choix, arbitrages, décisions qu’il prend dans son travail ?
- Pourquoi prend-t-il ces choix, arbitrages et décisions ?
En définitive le principe de la réflexivité pose la question de la capacité d’un apprenant à apprendre à développer un point de vue objectif et analytique sur son propre travail, et ce en vue de progresser ou de maîtriser de nouveaux savoirs dans son emploi.
Disons-le tout de suite : rares sont les apprenants en AFEST, même très qualifiés, en mesure de produire seuls et spontanément cette analyse réflexive. L’intensification des rythmes de travail et la surcharge cognitive en sont généralement la cause première.
D’ailleurs, parmi nous-mêmes, acteurs de la formation et du développement des compétences, combien réalisent seuls, spontanément et honnêtement une véritable réflexivité à l’issue de situations professionnelles nouvelles, complexes, délicates ou tendues rencontrées ?
Conclusion : tout apprenant en AFEST doit bénéficier d’un accompagnement dans sa réflexivité par un tiers de confiance (tuteur, formateur, référent, expert, manager de proximité…)
Ce que n’est pas la réflexivité…
L’accompagnement à l’analyse réflexive ne doit pas être confondu avec l’évaluation de la performance :
- la réflexivité ne consiste pas à évaluer le travail qu’a réalisé le salarié (atteinte d’objectifs quantitatifs ou qualitatifs).
- l’analyse réflexive ne se résume pas non plus à des séances de consignes, briefing ou débriefing de l’apprenant : il faut mettre en œuvre des techniques ou activités pédagogiques de nature à favoriser une réelle réflexivité chez l’apprenant, comme nous le décrivons juste après.
- enfin la réflexivité ne se limite pas non plus à décrire le travail réalisé : l’apprenant doit être capable d’analyser comment il a agi et pourquoi il a agi de telle ou telle manière. Raconter une expérience ne constitue pas à proprement parler une séquence réflexive.
Il faut savoir passer du récit sur le travail à l’analyse de la situation de travail.
Concrètement comment la mettre en œuvre ?
Les trois temps d’une analyse réflexive
Une analyse réflexive peut être réalisée par un apprenant à 3 moments différents :
- En amont du travail : l’apprenant réfléchit avec l’aide de son tiers de confiance et produit ce que Célestin Freinet appelle dans son concept de tâtonnement expérimental, des « scénarios ou hypothèse d’action ».
Pour aller plus loin, lire “Concept pédagogique 4 – Le tâtonnement expérimental”
- Pendant le travail ou la situation de production : l’apprenant « s’observe en train de faire ».
- En aval du travail : l’apprenant bénéficie d’un accompagnement pédagogique qui va l’aider au transfert.
Les phases amont et aval doivent être clairement distinctes des situations de production pour permettre une réelle analyse réflexive.
Analyse réflexive individuelle ou collective ?
La loi et le futur décret laissent entendre que l’analyse réflexive est mise en oeuvre de façon plutôt individuelle. L’apprenant peut (doit ?) réaliser dans le cadre de chacune de ses actions de formation en situation de travail (AFEST) une ou plusieurs analyses réflexives.
Pour aller plus loin quelques techniques et activités pédagogiques facilitant ou accompagnant la réflexivité d’un apprenant :
- Analyse de Pratique Professionnelle : utiliser la méthode FAST (Faits – Analyse – Solutions – Transfert) lors d’un entretien avec l’apprenant après une situation professionnelle
- Feed Back : observer à l’aide d’une grille d’observation un apprenant en train de réaliser une tâche puis l’amener par des questions à prendre conscience de ce qui est plutôt bien maîtrisé et plutôt moins bien maîtrisé. Débouche sur un plan de progrès co-construit
- Résolution de problème en commun : traiter un problème avec l’apprenant lors d’un entretien de courte durée faisant appel aux méthodes de résolution de problèmes
- Journal d’apprentissages : solliciter l’apprenant pour qu’il trace ses apprentissages informels au travers d’un journal, carnet de bord mais aussi via un dictaphone ou des vidéos enregistrées à l’aide de son Smartphone. Utiliser ce matériau pour une séquence de réflexivité à posteriori.
Pour autant, comme le rappelle Guy Le Boterf dans son dernier ouvrage « Une organisation ou une entreprise ne peut être performante sans la mise en œuvre de compétences collectives”. Se pose donc la question de la réflexivité collective, soit entre apprenants, soit entre apprenants et sachants. Et ceci dans une perspective de coopération. Guy Le Boterf, nous rappelle d’ailleurs : « Apprendre à agir en situation de travail, c’est de plus en plus nécessairement apprendre à agir en coopérant dans ces situations ». Une approche collective de la réflexivité est donc non seulement possible mais souvent indispensable.
Pour aller plus loin, lire l’interview de Guy Le Boterf sur notre blog ici et voir ci-dessous quelques techniques et activités pédagogiques pouvant être utilisées dans un cadre collectif.
- Causerie pédagogique : réunir des pairs et les amener à établir des diagnostics communs et à décider collégialement des compétences à renforcer
- Binôme de compétences : réunir deux apprenants aux compétences complémentaires sur un travail commun. Les amener à apprendre l’un de l’autre et l’un avec l’autre
- Groupe d’échange de pratiques : échanger entre pairs sur ses meilleures pratiques et les formaliser en fiches pratiques, vidéos, tutoriels etc. en vue de constituer des bases de connaissances
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(*) Extrait de l’article D. 6313-3-2. du projet de décret « Organisation des Afest et FOAD, convention de formation » présenté au Cnefop le 24/10/2018