L’ordonnance “coquilles” publié au JO le 22 août dernier, corrige ou adapte certains points de la loi “Avenir professionnel”. Outre des dispositions sur la Pro-A et la capitalisation des heures de DIF,ce sont les nouvelles dispositions concernant l’entretien professionnel qui ont retenu notre attention. Que les entreprises ne se réjouissent pas trop vite. C’est tout simplement reculer pour mieux sauter !
Ce que dit l’ordonnance…
L’ordonnance ne précise que deux points en clair :
- La date butoir de mise en oeuvre des “6 ans” n’est plus la date de promulgation de la loi du 5 mars 2014, mais devient le 31 décembre 2020. Les entreprises ont bel et bien gagné presque 10 mois pour se mettre en conformité. Mais en même temps, le gouvernement précise bien que la loi sera appliquée. Et par conséquent, les entreprises qui espéraient encore récemment à un report sine die ou à une mise en oeuvre du calcul des 6 ans à partir de la loi du 5 septembre 2018 vont devoir se rendre à l’évidence : elle ne pourront pas bénéficier d’un nouveau report.
- Le libre choix donné aux entreprises de se conformer au texte de la loi du 5 septembre 2018 d’une formation non obligatoire au cours des 6 ans ou à celui de la loi du 5 mars 2014, c’est-à-dire deux parmi les trois critères : “suivi d’une formation, obtention d’une certification, ou réalisation d’une évolution salariale ou professionnelle”. Bref, la différence se jouera essentiellement sur le fait pour l’entreprise d’avoir ou non suffisamment de formations non obligatoire réalisées. Attention ! ce choix n’est valable que pour la période transitoire, ensuite c’est le principe de la loi du 5 septembre 2018 qui sera appliqué.
En creux, l’ordonnance renforce un troisième point, celui qui reste le plus délicat pour les entreprises : la mise en oeuvre des entretiens professionnels tous les deux ans. Il n’y a pas d’assouplissement dans ce domaine et celles qui ne les ont pas fait, ne pourront plus les faire. L’ordonnance aurait pu prévoir par exemple qu’un dispositif renforcé d’entretien professionnel pouvait venir en substitution d’entretiens professionnels non réalisées pendant la période entre le 5 mars 2014 et le 5 septembre 2018. Il n’en est rien. Et le couperet devrait donc tomber en janvier 2021 : 3.000 € par salarié à l’effectif ayant 6 ans d’ancienneté et n’ayant pas eu au moins un entretien professionnel tous les deux ans.
Alors quoi faire ?
Certaines entreprises pensent sérieusement à provisionner les 3.000 euros par salarié, car cela semble être une dette sociale certaine. Tous les salariés n’ayant pas eu d’entretien professionnel dûment formalisé et enregistré donneront lieu à pénalité s’ils restent au sein de l’entreprise jusqu’au 31/12/2020. La question se posera pour les personnes en âge de partir à la retraite et les potentiels démissionnaires.
Mais provisionner, ne réduira pas l’ardoise. Elle ne fera que lisser la charge. Et l’échéance du 31/12/2020 se répètera tous les ans avec les nouveaux salariés pour lesquels les 6 ans viennent à échéance. Sans faire donneur de leçon, il apparaît clairement que ce que nous préconisions le 31 mars 2014 dans ce même blog, reste parfaitement d’actualité.
A l’époque, nous n’étions pas les seuls à le dire et l’écrire, mais peu nous ont cru. C’était trop gros ! une pénalité si importante pour une si petite faute. Mais ce que les optimistes n’ont pas vu, c’est le sens de cet entretien professionnel et des exigences de formation qui y sont associées.
En clair, le législateur a voulu envoyer un signal fort aux employeurs en France. Vous êtes relativement libre d’embaucher et de débaucher (la rupture conventionnelle date de la loi du 25 juin 2008, le barème forfaitaire des ordonnances, d’août 2017, deuxième tentative après les loi El Khomry), en contrepartie vous vous engagez à créer les conditions de l’employabilité de vos collaborateurs. Avant et après leur emploi dans votre entreprise, l’assurance chômage et les dispositifs de formation sont là pour prendre le relais (PIC, CPF, CPF transition pro, Contrats en alternance…). Et si vous ne le faites pas, vous serez sanctionné doublement : par la juridiction prud’homale, d’une part, et par la pénalité des 3.000 euros, d’autre part. Et cette pénalité, ne sera pas un impôt de plus, mais bien un moyen de financer les formations que vous n’aurez pas faites. Car, pour la petite histoire, la pénalité finira à la Caisse des Dépôts et des Consignations pour financer le CPF.
Aujourd’hui, c’est cette logique qui va s’appliquer. Reste donc le choix entre payer ou se libérer intelligemment en prenant soin du développement des compétences de ses salariés qui se traduit par un entretien professionnel tous les deux ans et une formation réelle et sérieuse a minima tous les 6 ans. Ce n’est pas beaucoup par rapport à ce que nous préconisent tous les bons ouvrages de management RH. A ce titre, nous vous conseillons cet ouvrage au titre évocateur qui nous vient d’outre atlantique : Ed Hess – Learn or die.