La formation-action introduit la situation de travail dans la salle de formation. Ce n’est pas pour autant de l’AFEST, mais l’AFEST permet de remettre au goût du jour cette modalité.
Une peu d’histoire…
Le monde de la formation adore les modes. Dans les années 1970, la modalité innovante par excellence était le petit groupe en formation (8 à 12 personnes). C’était le temps de l’espace organisé en « U » autour du rétroprojecteur. Cette taille de groupe était préconisée pour sa capacité à favoriser les échanges entre participants et par conséquent une dynamique de groupe de qualité.
Vers le milieu des années 1980 est apparue la « formation-action ». Guy Leboterf, la définissait alors « comme une modalité de formation permettant de s’approcher le plus possible de la construction des compétences. Par sa finalisation sur le traitement de problèmes ou de projets réels, elle constitue une remarquable opportunité pour entraîner à la combinaison et à la mobilisation de ressources pertinentes (savoirs, savoir-faire, …), pour créer et mettre en œuvre des compétences ». Les expérimentations de cette nouvelle modalité furent nombreuses, mais le contexte réglementaire et technologique ne s’y prêtait guère.
La formation à distance pris le relais à la fin des années 1990 comme attracteur des débats autour de l’innovation en formation pendant quasiment deux décennies. Aujourd’hui, c’est l’AFEST qui joue ce rôle.
Sous les modes se cachent souvent des lames de fonds. La formation-action portait en elle la reconnaissance du travail comme objet de formation. La VAP puis la VAE, sont dans la mouvance de la formation-action. Et l’AFEST en est en quelque sorte un prolongement.
La reconnaissance du travail comme matériau pédagogique premier fut laborieux. La cause majeure en est la loi Delors de 1971. En imposant une obligation fiscale, elle a conduit à exclure progressivement toutes possibilités de formation en lien avec le travail. Le Législateur et les services fiscaux craignaient que les entreprises s’exonèrent de leurs obligations de dépenses en formation par des heures de travail rebaptisées en heures de formation.
Formation-action et AFEST deux approches à ne pas confondre
AFEST et Formation-action ont en commun de faire apprendre à partir du travail. Mais la première se déroule en situation de travail et la deuxième est mise en œuvre en situation de formation. Avec l’AFEST, la formation s’invite dans le travail, avec la formation-action, c’est le travail qui s’invite dans la formation. Dans les deux cas, il y a bien un encadrement pédagogique, un parcours pédagogique à finalité d’acquisition de compétences professionnelles, une évaluation et une traçabilité de la réalisation de la formation. Mais le lieu diffère et par conséquent le contexte pédagogique n’offre pas les mêmes avantages et limites.
Dans la formation-action, le contexte de travail est reconstruit (cas de formation sur simulateurs ou VR ou de travaux pratiques sur plateaux techniques) ou convoqué en vue de préparer une mise en œuvre future ou de faire le retour d’expérience sur des expériences passées (cas de projet fil rouge réel ou de groupes d’analyse de pratiques).
L’avantage de la formation-action est évident. Elle est directement opérationnelle tout en permettant un développement des compétences en toute sécurité. Par ailleurs, elle favorise les échanges entre participants (travail sur des cas de façon collaborative) et renforce par conséquent le conflit socio-cognitif.
Ses limites sont l’aspect parfois peu structuré de l’apprentissage. Les apports de connaissances sont liés aux besoins des cas traités ou des expériences vécues. Les savoirs sont mobilisés à la demande et ne sont donc pas présentés comme les disciplines les ont architecturé. Ce qui peut perturber certains apprenants ayant besoin de cadres.
Par rapport à l’AFEST, elle ne travaille qu’à partir de situation de travail reconstituées. Son côté formation “in vitro” et non pas “in vivo”, peut conduire à une “déréalisation” de l’acte d’apprentissage. Dans certains cas, comme l’apprentissage d’un geste professionnel à risque, cette perte de sens du danger peut être contre-productive. Elle conduit l’apprenant fraîchement formé à s’engager dans la vraie vie (“In Real Life” comme disent les gamers) sans prise en compte des risques. Ce qui peut entraîner un excès de confiance et de sentiment de compétences.
Pourquoi la formation-action peut devenir aujourd’hui une modalité majeure en formation ?
Nous entrevoyons trois raisons principales au retour en grâce de la formation-action.
Attrait pour l’opérationnalité immédiate
Trente ans après les premiers développements de la formation-action, les entreprises et les apprenants sont plus que jamais attirés par l’acquisition de savoir-faire directement opérationnels. Apprendre à partir de cas réels ou de son expérience est plus que jamais valorisé. Les cours, exposés, les échanges et débats, voire même les exercices et jeux sont très souvent considérés comme perte de temps. Les apprenants souhaitent des réponses immédiates à leurs problèmes quotidiens de travail.
L’engouement pour l’AFEST témoigne de l’importance de ces attentes pour l’opérationnalité. Mais l’AFEST n’est pas toujours possible, ni facile à déployer. Pour des parcours de courte durée (mois de 20 ou 30 heures par exemple), la formation-action paraît plus simple à organiser et mettre en œuvre. Formation-action et AFEST sont ainsi plus complémentaires que concurrentes.
Profusion des ressources de digital learning
Les premiers déploiements de formation-action ont eu lieu à l’époque de l’E.A.O (enseignement assisté par ordinateur), c’est-à-dire à l’époque paléolithique du digital learning. Trente ans plus tard les bibliothèques de digital learning regorgent de ressources. Or, la formation-action sollicite énormément les bibliothèques de micro contenus pédagogiques. L’apprentissage dans le cadre d’une formation-action est orienté projet (sur des projets réels à l’inverse de l’approche pédagogique classique par projet). L’apprenant a des travaux à conduire qui correspondent aux savoir-faire à acquérir. Et pour réussir son projet, il doit mobiliser des connaissances qu’il ne maîtrise pas encore. Le digital learning, et plus particulièrement le micro learning, est une réponse pédagogique parfaitement adaptée pour faire acquérir ces savoirs manquants de façon différenciée.
La formation-action sans digital learning perd une grande partie de son attrait, car elle doit être alors entrecoupée de séquences de transmissions de connaissances indifférenciées. Le formateur dans ce cas est mobilisé pour transmettre et non plus pour accompagner ou évaluer. Quand les ressources pédagogiques sont digitalisées, l’apprenant peut y avoir accès librement, sans solliciter son formateur qui est donc libéré pour des tâches à plus fortes valeurs pédagogiques.
Nouveaux espaces pédagogiques
La formation-action nécessite des espaces pédagogiques plus spacieux, plus ouverts (possibilité de solliciter des ressources extérieures à tout moment via visio), plus créatifs (outils collaboratifs). On est plus proche du learning lab que de la traditionnelle salle de cours. Or, aujourd’hui ces learning lab se multiplient dans les grandes entreprises, dans les organismes de formation ou peuvent se louer facilement. Les contraintes matérielles semblent levées grâce aux évolutions architecturales des espaces de formation.