Il est courant de rapprocher tutorat et AFEST. Dans les deux cas, il s’agit d’une formation au poste de travail. Nombreux sont ceux qui finissent par les confondre. C’est à la fois facile et utile.
Pour certains projets de formation faire passer une action de formation de tutorat en AFEST, cela ouvre les portes de prises en charge qui peuvent s’avérer intéressantes. A y regarder de plus près, tutorat et AFEST ne procèdent pas de la même approche pédagogique. On peut même dire qu’il s’agit de logiques diamétralement opposées, et en même temps complémentaires. Si bien qu’un même parcours de formation peut à la fois combiner les avantages du tutorat et de l’AFEST sans leurs limites.
Le tutorat, avant tout un processus d’imitation
Le tutorat, c’est la formation d’un novice par un expert. Dans le modèle le plus classique, le sachant montre, le novice observe, reproduit et bénéficie de la correction du sachant. L’approche pédagogique sous-jacente est l’imitation. En fait, il y a une multitude de variantes au tutorat qu’il est possible de caractériser selon le niveau de “guidance” ou “d’étayage” pour reprendre le terme consacré par J.S.Brunner.
On peut de façon empirique identifier 7 niveaux d’étayage majeurs en tutorat :
1) Observe faire le référent,
2) Le tuteur fait devant lui et invite l’apprenant à participer (« 3ème main »),
3) Fait devant le tuteur qui le corrige,
4) Fait à côté du tuteur ou de collègues qui peuvent l’aider / le corriger en cas de besoin,
5) Fait seul après avoir préparé avec le tuteur,
6) Fait seul et rend compte à son tuteur,
7) Fait seul sans rendre compte à son tuteur.
Avec le tutorat, on est donc bien dans une reproduction du geste. Dans un premier temps, il observe et fait avec, puis dans un second temps, il prend son autonomie mais le tuteur reste une référence. Il y a bien une transmission du geste, un modelage de l’expert vers le novice.
L’AFEST, un processus de conceptualisation dans l’action
Le décret du n°1341 du 28 décembre 2018, précise dans son troisième alinéa le cadre pédagogique de l’AFEST qui doit reposer sur « la mise en place de phases réflexives, distinctes des mises en situation de travail et destinées à utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail, qui permettent d’observer et d’analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation afin de consolider et d’expliciter les apprentissages ».
Ce texte réglementaire est fortement inspiré des travaux de la didactique professionnelle. Depuis plus de trente ans, les chercheurs en didactique professionnelle ont mis en évidence que l’on apprend d’autant mieux que l’on est capable de porter un regard réflexif sur son action. Ils sont arrivés à la conclusion selon laquelle ce n’est pas en regardant faire l’expert que le novice apprend, ni même en suivant ses conseils, mais en se confrontant à des situations de travail qu’il est capable de gérer et en analysant ce qu’il va faire, ce qu’il fait et ce qu’il a fait qu’il apprend le plus efficacement.
Car tout apprenant, confronté à une situation de travail, va produire ou adapter lui-même les modèles opératifs, les structures de connaissances qui lui sont nécessaires pour s’en sortir. « Au fond de l’action, la conceptualisation » disait Gérard Vergnaud. Toute personne a cette capacité à conceptualiser son action, c’est-à-dire à imaginer par lui-même comment il doit s’y prendre pour réussir, à condition que la situation ne soit pas insurmontable (d’où la nécessité de bien choisir les situations de travail en AFEST) et de donner du temps et de favoriser par un questionnement pertinent la prise de recul ou si l’on préfère la réflexivité.
Dans l’action, on construit nos propres concepts pragmatiques, nos propres connaissances en actes. Non seulement on résout les problèmes qui nous sont posés, mais on construit également nos savoirs faire qui nous permettront d’agir efficacement si l’on rencontre à nouveau cette classe de problèmes. Dans tout travail, il y a à la fois une dimension productive (résolution de problème) et une dimension constructive (élaboration de compétences, voire développement d’aptitudes).
L’AFEST est une pédagogie très moderne qui favorise cette conceptualisation dans l’action. Le référent AFEST est là pour créer les conditions d’un apprentissage réussi, mais pas pour transmettre un geste. L’AFEST procède d’une approche constructiviste et non pas transmissive et encore moins behavioriste. C’est pour cela que l’AFEST est à utiliser dans des contextes particuliers, le plus souvent elle est un temps particulier dans un parcours plus global qui peut débuter par du tutorat.
Avec le tutorat, l’apprentissage est sécurisé. L’apprenant intervient dans un cadre clairement défini. Avec l’AFEST, l’apprenant est davantage autonome. Il sort de sa zone de confort, il entre dans une dynamique d’autoformation accompagnée. Ceci n’est possible le plus souvent qu’après avoir acquis via du tutorat les pré-requis indispensables.