Mobiliser sur des changements importants n’est pas chose facile. Le réflexe des directions générales est de définir un message et de le diffuser à travers a minima un plan de communication (site intranet, journaux internes, convention des cadres…) et au mieux un dispositif de formation (module E-Learning ou séminaire). Mais cela ne peut aboutir qu’en mettant un peu de pédagogie dans la démarche.
La pédagogie du changement repose sur trois grands principes pédagogiques :
- On apprend d’autant mieux qu’on est motivé pour apprendre
- On apprend parce qu’on échange et produit des réflexions en groupe
- On apprend en agissant et en mettant en oeuvre les connaissances acquises
Voyons comment ces principes se traduisent dans un projet d’accompagnement du changement.
Amener les participants à s’impliquer dans le processus d’apprentissage
L’objectif est de transformer une formation obligatoire en un apprentissage attendu de tous. L’essentiel de la formation ou du plan de communication ne doit pas porter sur la présentation du projet et ses raisons vues de la direction mais sur les nouvelles compétences à valeur ajoutée que les collaborateurs vont pouvoir acquérir grâce au projet de changement. D’une formation subie, on passe ainsi à une formation choisie.
La langue de bois du changement n’a que peu d’intérêt pour les salariés, ce qui compte pour eux c’est leur façon d’exercer au quotidien leur activité et leur employabilité. Par conséquent, la formation est à focaliser sur les nouveaux gestes professionnels qu’ils devront mettre en oeuvre. On ne forme pas au “quoi“ et au “pourquoi“ du projet. Si nécessaire, on informe sur ces questions. L’essentiel est de former au “comment faire“, c’est-à-dire aux nouvelles façons de faire.
Pour amener chacun à s’investir dans sa formation, il est impératif de clarifier en amont les nouvelles missions et les nouvelles compétences à acquérir et de montrer combien chacun a intérêt à les développer. La formation n’est plus alors seulement une sensibilisation mais redevient un apprentissage indispensable aux yeux des salariés.
Produire ensemble les savoirs et savoir-faire
Les communiquant présentent généralement le changement comme “hier, on faisait mal, demain on fera bien“. Et les formations se résument le plus souvent à la fois à une critique implicite du passé et à une présentation par le formateur de ce qu’il faudrait faire mieux dans le futur. Ce discours “Y qu’à, faut qu’on“, n’est plus accepté aujourd’hui. Il est rejeté, car les salariés ne sont pas dupes et les communicants oublient trop souvent que les acteurs sur le terrain ont des solutions souvent bien meilleures que les leurs. Mais pour les mettre en oeuvre, encore faut-il leur donner le temps de les exprimer, de les formaliser et de les planifier.
Le savoir est dans le groupe, plus que dans la tête du formateur. Les formations à la conduite du changement ne peuvent être que des ateliers de co-production. Elles doivent être concentrées sur l’émergence d’un savoir commun plutôt que sur l’imposition d’un discours descendant.
Les formations à la conduite du changement ne peuvent être réglées comme du papier à musique. Elles utilisent des pédagogies très actives (ateliers de co-développement, résolution de problèmes en commun, co-coaching, retour d’expérience, diagnostic d’entité…). Le savoir ainsi produit est à capitaliser et à rediffuser via tous moyens de communication (intranet, réseau social d’entreprise, convention…).
Mettre en oeuvre des plans d’action au sein des équipes
Le discours incantatoire “Il faut changer, changeons !“ retombe généralement comme un soufflet. L’objectif d’une formation au changement, n’est pas seulement de faire adhérer, mais davantage d’enclencher des actions concrètes à mettre en oeuvre dans son quotidien. Lorsque les acteurs ont produit eux-mêmes leur vision du changement opérationnel et les conditions de son succès, ils sont plus enclins à mettre en oeuvre des actions dans leur quotidien.
Une formation au changement doit aboutir systématiquement à l’élaboration d’un plan d’action. Celui-ci n’a d’intérêt que s’il est collectif. Chaque salarié doit avoir le sentiment de vivre une aventure collective et non pas de se débrouiller seul face au changement. L’espace le plus naturel pour la réalisation de ces plans d’action est l’équipe. Dans certains cas, cela peut être des groupes transverses, mais il y a un risque de chevauchement des structures hiérarchiques et projets.
En guise de conclusion : faire un effort d’ingénierie pédagogique
La réussite du changement passe par la mise en oeuvre, le suivi et l’évaluation de ces plans d’action d’équipe. Pour mettre toutes les chances de son côté, les équipes sont à accompagner par les formateurs qui les ont amené à produire leurs plans d’actions, à travers des réunions de suivi ou un coaching personnalisé des porteurs des plans d’actions.
Le changement via un module E-Learning est illusoire, tout comme le séminaire d’une à deux journées co-animé partiellement par des membres du comité de direction. Ces outils ne sont pas sans intérêt mais ils passent à côté de l’essentiel : le changement est avant tout une aventure collective où chacun apporte sa pierre à l’édifice.
En mettant de la pédagogie dans le changement, c’est-à-dire en se mettant à la place des apprenants et en les amenant à le “co-produire“, on augmente sensiblement les chances de succès. Mais cela nécessite de mettre en place des dispositifs autrement plus sophistiqués que des déploiements de formation par groupe de 12 !
L’ingénierie de ces dispositifs d’accompagnement du changement passent inévitablement par :
- Un diagnostic préalable approfondi sur la perception du changement et les ressources à disposition
- Une architecture pédagogique multimodale : teaser avant lancement, séminaire kick-off, formation par équipe constituée, mise en place de référents accompagnant la mise en oeuvre des plans d’actions…
- La sélection d’intervenants à la double compétence “pédagogie“ et “accompagnement du changement“
- Un système de suivi et d’évaluation permettant de mesurer les changements dans le temps et d’engager des actions d’amélioration années après années
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