Dans son plan pour le monde des arts et spectacles, le Président de la République Emmanuel Macron a appelé de ses vœux « un été apprenant » pour ce secteur frappé de plein fouet par la crise sanitaire.
Pour le monde de la formation nous l’imaginons studieux et innovant. La crise économique qui se profile touchera sans nul doute également le monde de la formation, mais elle pourrait avoir des effets plus qualitatifs que quantitatifs sur la demande.
Des effets qualitatifs sur la demande de formation
Quel que soit le scénario sanitaire de l’automne / hiver à venir ou de la sortie de crise, en U en W, ou tout autre lettre que nos économistes peuvent imaginer, la demande de formation sera très impactée par les crises actuelles (sanitaire, économique et sociale).
- Premièrement, les priorités de formation vont évoluer. Hier nous formions pour intégrer puis perfectionner les salariés en poste. Demain, dès la rentrée même, nous formerons pour reconvertir en interne. Des pans entiers des entreprises vont être amenés à repenser leur promesse de création de valeur : dans le commerce, les équipes en magasin, accélèreront probablement la migration vers le e-commerce, dans l’industrie, les productions « se verdiront »… Conséquence, des plans de formation très importants seront nécessaires. Il en sera de même pour les reconversions externes où la puissance publique prendre le relais de l’entreprise.
- Deuxièmement, les modalités de mise en œuvre de la formation devront évoluer. Sans même parler de l’automne 2020 et d’une éventuelle deuxième vague de confinement, les entreprises ne pourront plus organiser la formation quasi exclusivement en présentiel. Tout simplement pour des questions de disponibilité des apprenants et de coûts. La formation à distance et l’AFEST prendront le relais du présentiel. La question n’est donc plus de savoir si la transformation va se faire, mais à quelle vitesse elle se fera.
Les effets de la crise seront donc davantage qualitatifs que quantitatifs. Le scénario d’une réduction drastique de la demande de formation paraît peu probable. D’abord parce que les besoins seront plus importants que jamais. Ensuite, parce que la crise sera probablement contrastée (certains secteurs risquent d’être laminés tandis que d’autres sortiront renforcés) et, à l’inverse de 2008, beaucoup d’entreprises n’arrêteront pas du jour au lendemain leur investissement en formation. Enfin, le gouvernement solvabilisera cette demande. Il l’a fait urgemment avec le FNE-Formation, il prévoit de le faire à la rentrée avec le grand plan de relance économique. Et cette fois-ci, c’est Bercy qui sera à la manœuvre et non plus seulement le Ministère du Travail. Les moyens pourraient être plus ambitieux.
Il est peut-être temps pour les organismes de formation d’appréhender la sortie de crise comme une étape de développement et non pas seulement de régression. Les audacieux pourraient sortir gagnants d’un été qui sera nécessairement studieux et innovant, car il faudra rénover en profondeur son offre de formation.
Les incontournables d’une transformation de son offre de formation
A partir de notre expérience (nous avons développé notre offre en 100% blended learning dès la création de C-Campus en 2007) et de nos accompagnements clients (voir notre offre dédiée ici), la transformation d’une offre de formation semble passer par 6 invariants.
1) Penser multimodalité et personnalisation avant de penser digitalisation
La digitalisation est le moyen, la personnalisation est la finalité d’une offre de formation adaptée aux besoins de l’après crise sanitaire. L’enjeu n’est pas seulement de digitaliser ses contenus, même s’il est indispensable de le faire, ni même de distancialiser ses formations via des solutions de classes de virtuelles, ce qu’attend le marché, ce sont des parcours de formation personnalisés.
L’apprenant doit être remis au cœur de tout dispositif. Il est urgent de passer d’une formation-transmission à une formation-accompagnement. Dans le modèle classique de formation, l’image véhiculée est un “Formateur qui Forme un Formé”. Dans la formation de demain, c’est un “Apprenant qui Apprend en étant Accompagné”. On passe d’une formation « 3 F » à un développement « 3A ». Nous le constatons tous les jours, les apprenants de C-Campus ne viennent plus en formation pour être enseigné à telle ou telle matière, mais pour trouver les solutions à leurs problèmes propres à leur contexte de travail. Et c’est en trouvant les bonnes solutions qu’ils apprennent parce qu’ils seront capables de les utiliser dans des environnements variés. Avec les réseaux sociaux et les sites professionnels, le contenu en formation est devenu secondaire au regard des questions de l’apprenant.
2) Constituer une « task force » pour la transformation de l’offre
Une fois la vision partagée de la formation, vient le temps de la constitution d’une équipe pluridisciplinaire pour l’élaboration de l’offre.
Il s’agit de constituer un groupe pilote, commando pourrions-nous dire, qui va s’atteler à transformer quelques premiers parcours dans une logique d’expérimentation.
Le ou les concepteurs pédagogiques jouent le rôle de pivot dans cette équipe, mais ils ne peuvent travailler seul. Ils doivent être épaulés par les futurs formateurs qui auront la charge du déploiement des programmes, mais également de représentants des équipes administratives, informatiques et commerciales. Car l’élaboration d’une offre touche tous les métiers de l’organisme de formation.
Pour autant, cette équipe ne doit pas être trop importante (moins de 10 personnes) car elle doit rester agile. Il faut « délivrer » le plus rapidement possible pour tester et apprendre de ses expériences. La crise sanitaire a été dans ce sens bien utile, elle a permis de travailler dans l’urgence sans le complexe de la perfection et d’apprendre en testant. A la rentrée, cette logique de « Test and Learn » sera encore d’actualité.
3) Digitaliser rapidement et simplement ses contenus
Nous venons de le voir le digital n’est pas tout, mais il faut reconnaître qu’il est partout dans une offre personnalisée. Dans la foulée, du re-ingénierie de conception pédagogique de l’offre, il est nécessaire de se lancer dans le déploiement d’une stratégie de digitalisation du contenu.
Ce qui prime alors est de faire simple et utile. Un contenu digital a une durée de vie maximale qui dépasse rarement les 3 ans, sans compter les mises à jour du fait d’évolution réglementaire, normative ou technologique. Et, il n’est réellement utile que pour faire acquérir des connaissances simples. Par conséquent, il est inutile de se lancer dans la production de modules de E-Learning très sophistiqués. Réaliser des tutos, des vidéos learning « face cam’ » ou encore des diaporamas commentés suffit dans 9 cas sur 10 amplement.
L’enjeu dans ce domaine est de constituer un studio de production, faire des choix d’outils simples (PowerPoint, Camtasia, Articulate Presenter…), établir des modèles pour standardiser et former et, surtout accompagner les personnes en charge de les produire.
4) Mobiliser et former les équipes de formateurs internes et externes
Passer d’une formation-Transmission à une Formation-Accompagnement, ne s’improvise pas pour les équipes d’animation. C’est bien plus que d’apprendre à utiliser Zoom, Teams ou encore Webex. C’est repenser totalement l’approche de son métier. C’est remettre en cause son identité professionnelle de formateur-enseignant ou animateur de groupe pour passer à une identité professionnelle de formateur-accompagnateur. Nous ne sommes plus au centre du « U », pour reprendre l’image de l’espace pédagogique, mais à côté de chaque apprenant. Nous l’aidons à faire un bout du chemin vers l’acquisition de nouvelles compétences.
En termes de relation de pouvoir, cela change tout. Du formateur-dominant, nous passons à la posture d’accompagnateur d’égal-égal avec l’apprenant.
Comprendre et s’approprier ce nouveau rôle, nécessite de la formation, mais pas seulement. Ce n’est pas parce qu’on nous le dit, que l’on va le comprendre et mieux transformer nos représentations pour mettre à l’épreuve dans notre quotidien de nouvelles relations de pouvoir, de nouvelles façons de vivre notre engagement dans la relation pédagogique.
C’est un nouveau métier qu’il faut donner à voir. Et ce nouveau métier peut avoir des effets dans tous les domaines : organisation du temps de travail, rémunération, éthique, responsabilité… L’oublier pour le top management d’un organisme de formation, c’est se heurter à des résistances fortes et à une transformation qui peut être des plus chaotiques !
5) Expérimenter et apprendre des premiers retours clients
Dès qu’un, deux ou trois parcours sont prêts, il faut les tester. Et surtout faire des REX ou retour d’expérience pour apprendre de ces premières formations. Ecouter les clients est plus que jamais indispensable. Qualiopi nous y invite dans son critère 7, la transformation de l’offre nous y oblige.
Le choix des premières formations est à réaliser sur des formations à la fois « Main Stream », c’est-à-dire majeures pour son organisme de formation (car les investissements sont importants et il faut les rentabiliser à travers des produits à fort volume) et se prêtant à une approche pédagogique de type digitalisé, distancialisé et personnalisé. Il faut mettre toutes les chances de son côté pour réussir et ensuite démontrer à tous ceux qui en doute encore qu’il est possible de le faire !
6) Faire évoluer son discours client et se repositionner sur le marché de l’accompagnement au développement des compétences
L’offre transformée, encore faut-il la « marketer » et la vendre. Et dans ce domaine tout change. Quand on vend de la formation, on vend du temps formateur que l’on fait prendre en charge par un OPCO ou une Région ou Pôle Emploi en justifiant du temps passé par des feuilles d’émargements. Tout l’art est de remplir au mieux son groupe pour recueillir le maximum de financement pour le même temps passé de formateur.
Quand on vend des parcours de formation accompagnée, on vend de l’ingénierie pédagogique, de l’usage de la propriété intellectuelle de contenu et du temps relativement restreint mais à forte valeur ajoutée d’accompagnement. Le modèle de la prise en charge OPCO n’est pas toujours adaptée, surtout dans le premier temps où des investissements importants sont à faire dans le domaine pédagogique et digital.
Pour dépasser cette difficulté autour du business model de la prestation de formation, deux voies sont possibles :
1) Rester dans une logique de faible prix de l’heure apprenant. Dans ce cas, il faut dégager des investissements financiers importants pour répondre au besoin de cash inhérent au temps de la transformation des premiers parcours. Ceci peut se faire par de l’auto-financement, de l’emprunt (le PGE – Prêt Garanti d’Etat, par exemple) ou encore par l’ouverture de son capital à des investisseurs à travers une levée de fonds.
2) Monter en gamme en facturant au vrai prix ses clients pour ses prestations d’accompagnement et de digitalisation de l’offre. Cela conduit à demander aux entreprises de contribuer à votre effort de transformation.
Et dans ce dernier cas, encore plus que dans le premier, il est indispensable de pouvoir motiver les changements opérés. Il s’agit d’expliquer par un nouveau discours auprès de ses clients les avantages et bénéfices d’une formation-accompagnement sur une formation-transmission. Justifier ses tarifs en expliquant que le contenu digitalisé ne peut être gratuit, que ce n’est pas parce que votre formateur n’est pas en salle face à un groupe de 10 ou 12 personnes, qu’il ne travaille pas et ne crée pas de la valeur ajoutée (il reste à disposition de chaque apprenant, l’écoute, le conseille, va même parfois jusqu’à corriger ses travaux) devient obligatoire.
La prestation ne peut plus être valorisée comme de la transmission de connaissance. On est en fait plus proche d’une prestation d’accompagnement VAE, de recrutement ou de coaching en terme marketing que d’une prestation d’éducation et de formation.