Réalisé en janvier 2021 auprès de 1600 actifs français en partenariat avec le CSA (institut d’études), le 2e baromètre de la formation et de l’emploi de Centre-Inffo montre que la formation professionnelle est toujours très bien perçue en France. Même si l’auto satisfaction n’est pas de circonstance pour les professionnels de la formation (il reste quelques zones d’ombre), il n’en reste pas moins vrai que le constat d’un décalage de perception entre d’un côté les professionnels et les décideurs de la formation et, d’un autre côté, les bénéficiaires eux-mêmes de la formation peut interroger. Nous en profitons pour en tirer une conclusion à un an de la prochaine élection présidentielle…
La formation professionnelle, un moyen pour répondre aux enjeux d’évolution professionnelle
Dans une France en profonde transformation, il ressort du baromètre du Centre Inffo que la formation professionnelle est un excellent moyen pour accompagner les mutations.
Dans un contexte où 42% des personnes sondées considèrent que leur métier évolue très vite (+9 % par rapport à 2020) et 49% estiment qu’ils changeront d’emploi à plus ou moins long terme (33% à moins de deux ans), les français ont pris conscience des évolutions en cours et ne sont pas dupes sur l’obligation de développer leurs compétences. Ils estiment que la formation professionnelle est :
- une nécessité pour conserver son employabilité sur le marché du travail (88% d’entre eux),
- une chance pour progresser (89%)
- une opportunité de s’améliorer dans sa pratique professionnelle (89%).
Bref, le constat est univoque : la formation professionnelle a du sens pour les français en cette période de changement sans précédent. Evidemment, tout n’est pas parfait…
- 59% estiment que la formation est quelque chose de contraignant
- 52% ne pensent pas se former cette année.
- Et parmi cette majorité qui ne profitera pas de la formation 25% estiment qu’ils ne trouvent pas de formation correspondant à leur besoin (tandis que 33% estiment qu’ils manqueront de temps).
Mais faut-il s’étonner que les français ne se forment pas tous les ans ? Si on peut/doit apprendre tous les jours, partir en formation dans un cadre formel n’est pas nécessaire tous les ans. Faut-il aussi s’inquiéter que la formation soit perçue comme contraignante ? Les « marketeurs de la formation » voudraient nous laissaient croire que la formation est un jeu et qu’on peut apprendre sans effort et sans contrainte. La réalité est bien différente. Que les répondant à l’enquête en soient convaincus n’est pas une surprise. Plus pertinent serait de leur donner davantage de moyen pour mieux vivre leur formation (du temps et non pas seulement de l’argent, à l’inverse de ce qui a été fait dans le cadre de l’évolution récente du CPF).
Autres chiffres encourageants :
- 78% des répondants à l’enquête estiment que c’est de leur responsabilité personnelle et individuelle de se former,
- 67% ont le sentiment d’être suffisamment acteurs de leur formation
- 61% ont déjà ou sont susceptibles de financer prochainement leur formation.
Certes, cela reste au stade du discours, mais à travers ces chiffres ont peu considérer que les français se pensent ou se disent être des acteurs de la formation et qu’ils sont prêts à prendre en main leur avenir grâce à la formation.
Et si on arrêtait de réformer la formation professionnelle ?
Comme une hirondelle ne fait pas forcément le printemps, une enquête ne décrit pas non plus la complexité d’une réalité socio-économique. Il n’en reste pas moins que ce 2e baromètre du Centre-Inffo est non seulement encourageant mais également peut interroger nos gouvernants sur leur manie à réformer la formation professionnelle.
Depuis le changement de siècle, le monde de la formation a été impacté par quatre grandes réformes : 2004, 2009, 2014 et 2018. A cela on peut ajouter la loi de Modernisation sociale, instituant le 31 janvier 2001 le dispositif de VAE, et les différentes évolutions du cadre réglementaires nés de la crise sanitaire en cours : évolution profonde du FNE-Formation et création du dispositif TransCo. Bref, en 20 ans, des changements profonds tous les trois à cinq ans ont vu le jour.
A chaque fois (excepté les évolutions récentes provoquées par la crise sanitaire) des rapports détaillés et les motifs des lois nous ont expliqués que ces réformes étaient nécessaires car les français manquaient d’appétence à l’égard de la formation, que le système était mal géré et ne répondait pas aux attentes des français ou que les organismes de formation n’étaient pas suffisamment de qualité. Ou encore que les organismes paritaires étaient trop nombreux et mal gérés. La réalité est probablement moins dramatique et la perception qu’ont les principaux bénéficiaires de la formation professionnelle semble être bien différente si on en croît le baromètre du Centre-Inffo.
Certes, le monde de la formation est loin d’être parfait. Et comme tout secteur socio-économique, des politiques publiques pourraient l’améliorer. Mais on peut se demander quand les orientations des politiques changent aussi souvent et aussi radicalement (voir par exemple l’évolution du DIF en CPF 2014 puis 2018) si elles ont un réel intérêt.
A chaque fois les offreurs et les financeurs (d’une quarantaine d’OPCA avant 2009 on est passé à 11 OPCO dix ans plus tard, transformation du rôle des Régions et création de Pôle Emploi parallèlement) sont sommés de s’adapter. Mais le temps qu’ils passent à s’adapter dans un sens puis trois ans ou quatre plus tard dans un autre, ils ne le passent pas à optimiser leurs pratiques.
On est aujourd’hui à un an des prochaines élections présidentielles. Et la coutume d’au moins une loi par quinquennat ne prend pas le chemin d’être abandonnée. C’est vrai que la dernière réforme de 2018 est loin d’être exempt de problème. Et même ceux qui l’ont promu se disent déjà prêts à l’amender. Mais pourrait-on être raisonnable pour une fois ! Et laisser les acteurs faire leur travail, prendre le temps d’appliquer la réforme en cours. Puis se limiter à adopter seulement des dispositions mineures pour éviter quelques dérives (il y en a notamment sur le CPF et l’apprentissage) sans se lancer dans une énième réforme chamboule-tout de la formation.