L’accord formation aura mis 4 mois et 40 heures d’un marathon final pour voir le jour. Conclu, mais pas encore signé, voici ce qu’il faut en retenir d’essentiel en 4 questions.
Quelle est la portée de cet accord ?
Cet accord n’est qu’une étape dans le processus de réforme. Processus, qui a débuté en janvier dernier avec l’ANI sur la sécurisation de l’emploi. Il s’est poursuivi par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin dernier. Parallèlement, la concertation quadripartite (patronat, syndicats, Etat et Régions) définit les modalités de mise en oeuvre de certains dispositifs (CEP/CPF) au delà du champ de l’entreprise.
La portée de cet accord va dépendre des signataires. A priori Medef et UPA, CFDT, CFTC et CFE-CGC devraient le signer. FO et CGPME semblent hésiter (la CGPME donnera sa position mercredi). La CGT ne devrait pas le signer, mais on n’est pas à l’abri d’une surprise.
De toute façon, l’accord n’est qu’un texte qui devra être repris par loi. Le projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 22 janvier prochain. Le Président de la république, le Premier ministre et le ministre du travail se sont félicités de cet accord. A priori, cela laisse à penser que la loi ne fera que retranscrire l’accord dans le code du travail. Mais si la CGPME ne signe pas, ni FO, ni la CGT, il y a un risque de détournement de l’équilibre de l’accord.
Quoi qu’il en soit, l’accord ne dit pas tout. De nombreuses questions restent en suspens (défnition de l’action de formation, modalités de mise en oeuvre du CEP et évolution du Bilan de compétences, montant des forfaits horaires et “parcours“ des actions CPF…. Et il faudra attendre les accords de branche et d’entreprise pour avoir une vision précise du nouveau système de formation professionnelle.
Quels en sont les points clés ?
L’accord comprend 7 titres sur 38 pages et touche à quasiment tout le système de formation professionnelle. Pour faire simple, on retiendra trois évolutions majeures :
- La mise en oeuvre du CPF en remplacement du DIF
- La refonte totale de la tuyauterie financière avec la fin de l’obligation fiscale, la modernisation de la définition de l’action de formation, l’augmentation des montants d’obligation conventionnelles et surtout l’orientation encore plus marquée des fonds vers les demandeurs d’emploi et les TPE / PME
- La refonte des outils d’orientation et d’accompagnement avec la création du CEP et surtout de l’entretien professionnel qui devient formel et tracé. La suppression de toute une série d’anciens entretiens et un projet d’évolution du bilan de compétences.
L’accord apporte aussi des améliorations à la marge ou des précisions concernant :
- Le dialogue social : politique de branche CPF, négociation GPEC intégrant le CPF, Présentation du plan de formation avec de nouveaux indicateurs, incitation à signer un accord CPF…
- La gouvernance avec la création de nouvelles instances aux intitulés des plus complexes : OPMQC, CPNFPE, CPRFPE…*
- L’évolution de quasiment tous les dispositifs existants avec notamment suppression du DIF, évolution du financement du CIF qui devient combinable avec le CPF, orientation des périodes de professionnalisation vers les critères du CPF et combinaison possible également avec ce dispositif, projet de simplification de la VAE et d’évolution du bilan de compétences…
L’accord annonce t-il une “grosse réforme“ ou une “réformette“ ?
Compte tenu de ce que l’on vient de voir précédemment, l’accord sera davantage à l’origine d’une “grosse réforme“, pour reprendre l’expression de Pierre Gattaz, que d’une réformette. Ce n’est pas 2009, mais ce ne sera pas non plus un 1971 à l’envers.
On est peut-être à l’aube d’une transformation profonde de notre système de formation, mais pas d’une véritable révolution. On conserve la logique paritaire. Les OPCA sortiront peut être renforcés de cette réforme avec un rôle davantage de conseil et de régulation que de simple financeur. Certes, on supprime l’obligation fiscale (il faudra attendra la loi car les paritaires n’ont aucun pouvoir dans ce domaine), mais on augmente la mutualisation.
On s’inscrit également dans la logique de 2004 avec le prolongement du DIF via le CPF, l’entretien professionnel qui se concrétise, la définition de l’action de formation qui devrait une nouvelle fois s’élargir.
On renforce enfin les principes de 2009 qui, faute de temps, n’avaient pas pu réellement se traduire en dispositions concrètes. Le FPSPP devient l’opérateur de transfert des fonds de la formation des salariés des grandes entreprises vers les demandeurs d’emploi et les salariés des TPE / PME. Le CPF en sera le dispositif emblématique.
Mais cet accord n’est pas qu’un simple prolongement de l’histoire de la FPC. Il propose sa part d’innovation. Elle se situe dans l’introduction d’une logique de responsabilisation de l’employeur à l’égard de la formation. En fait, les entreprises et notamment les grandes vont se retrouver face à 3 stratégies possibles :
- Soit payer leur 1% formation et faire le minimum : les formations d’adaptation réellement indispensables et les entretiens professionnels. Et elles prieront pour que leurs branches ne leur mettent pas trop de contraintes.
- Soit payer leur 1% formation et tout faire pour récupérer les fonds des organismes paritaires. Et la manne risque d’être importante, surtout les premières années. Mais pour en bénéficier, il faudra cette fois-ci respecter des critères de prise en charge très stricts. Rien à voir avec 2005/2009.
- Soit investir et piloter par soi-même ou co-piloter avec son OPCA. On peut raisonnablement envisager que la subrogation du plan sera remplacée par, en quelque sorte, une subrogation du CPF. Mais pour cela il faudra attendre les offres de service des OPCA et les attitudes des entreprises sur la question du 0,2% CPF ou ce que l’on devrait appeler “le dilemme de l’Article 36“ !
A terme, en fonction des stratégies qu’adopteront les entreprises, l’impact sur les pratiques de formation de cet accord pourrait êre plus ou moins fort. Dans tous les cas, on devrait aller vers…
- Plus de formation d’investissement (compétitivité pour l’entreprise et employabilité pour le salarié et le demandeur d’emploi) et moins de formation de maintenance ou de confort.
- Un réinvestissement de la réduction du temps administratif des servcices formation (grâce à la suppression de l’obligation fiscale) dans des activités d’accompagnement inviduel (entretien pro / conseil en montage d’actions qualifiantes) et d’ingénierie de formation et d’évaluation.
- Une réorientation du rôle et missions des OPCA qui vont davantage réguler le marché de la formation comme on l’a vu précédemment.
Par rapport aux objectifs fixés, l’accord est-il la bonne réponse ?
Toutes les parties prenantes appelaient de leurs voeux un système de formation plus juste, moins opaque financièrement, plus accessible pour le salarié et le demandeur d’emploi.
Plus juste ? Oui, en tous les cas, il y aura plus de fonds pour les TPE/PME, les demandeurs d’emploi et les formations qualifiantes. Mais attention ! il faut prendre avec des pincettes les chiffres annoncés en nuit de négociation !
Moins opaque financièrement ? Il faudra attendre les politiques de branche, l’évolution concrète du rôle et missions des OPCA. Quand l’accord stipule que les branches professionnelles devront “conduire une politique d’amélioration et de suivi de la qualité de la formation…et garantir, par les OPCA, l’optimisation et la maîtrise des coûts de formation“, on peut s’interroger. Car cela pourrait être la réforme de 1995 à l’envers !
Plus simple et davantage au service des bénéficiaires ? Probablement pas. Les salariés auront besoin plus que jamais d’être des stratèges en formation pour s’en sortir. D’abord une partie de la formation risque d’être transférée vers l’autodidaxie. Ensuite, préparer un départ en formation à travers le CPF sera des plus délicats. Le DIF, cloué au pilori, n’était peut être pas si mal que cela ?
Mais au dela de ces objectifs très ambitieux qui ne seront peut être pas atteints, l’accord pourrait présenter de belles opportunités pour faire évoluer dans le bon sens les pratiques de formation. Il y a des opportunités à saisir, les entreprises sauront-elles mieux le faire qu’en 2003/2004 ? Réponse dans 10 ans et la prochaine réforme.
NOTE : (*) On ne résiste pas à vous communiquer un morceau choisi de cette langue paritaire, page 9 de l’accord : “Le résultat des travaux des OPMQC est transmis au CPNFPE (qui les transmettra aux CPRFPE) et automatiquement mis à disposition… des CARIF-OREF qui contribuent à en faire une déclinaison régionale en lien avec le CPRFPE, voire les commissions de branches paritaires régionales quand elles existent“ On nous l’avait dit que cette fois-ci on allait simplifier !!!
Add comment