Une nouvelle tendance venant des Etats-Unis semble débarquer dans le petit monde de la formation en France : l’adaptative learning. Littéralement on peut le traduire par apprentissage adapté. Grâce au big data, et plus exactement aux learning analytics, votre ordinateur peut tout savoir sur vos questionnements, vos recherches, vos doutes et vous apporter en retour les “learning nuggets” ou “grains de savoir” qui vous sont nécessaires pour progresser.
L’adaptative learning ou le télécran pédagogique ?
L’adaptative learning est le rêve de tout pédagogque et même des leaders de la nouvelle économie.
Voir les investissements récents de Mark Zuckerberg : “Pourquoi Mark Zuckerberg investit des milliards dans “l’enseignement personnalisé” ?
A la recherche de la focalisation la plus précise sur les besoins de l’apprenant, le pédagogue voit dans l’adaptative learning le Graal pédagogique. La formation n’est plus seulement sur-mesure, elle est “collée à la peau” ! A partir de la compilation de mes recherches sur Google, de mon comportement sur Facebook ou Twitter, du temps passé sur les différents posts que j’ai consultés, mon système d’apprentissage personnel me “pousse” de nouveaux contenus, de nouvelles connaissances que je peux acquérir à volonté.
Et ce n’est que le début. Les neurosciences nous prédisent la suite. Imaginez-vous un casque sur la tête, branché directement sur votre cerveau. Il est capable de détecter vos désirs, vos émotions, vos sentiments, vos connaissances… Ne bougez plus ! Ne demandez plus rien, votre formation est servie !
Reconnaissons que cela ressemble étrangement au télécran de “1984”, célèbre roman de Georges Orwell. Plus besoin de désir d’apprendre, la machine vous dit ce vous devez savoir.
Méfions-nous de l’hyper individualisation
Ce que nous venons de décrire précédemment est, avouons-le, à la fois un peu futuriste et caricatural. Nous sommes encore loin des “progrès” de la science permettant ce type d’apprentissage. Il n’empêche que cela peut avoir le mérite de nous faire réfléchir. Obsédé par l’efficacité pédagogique, les nouvelles technopédagogies peuvent nous conduire à une hyper individualisation de l’apprentissage. La formation juste assez, juste à temps trouve-là ses limites.
Apprendre ce n’est pas acquérir des informations pour seulement avoir la réponse à une question (on a OK Google ! pour ça) ou pour faire un geste professionnel (on a YouTube pour ça). Se former, c’est aussi prendre du recul, appréhender des notions et principes, développer des aptitudes, acquérir de nouveaux comportements ou habiletés. Souvent complexes, ces connaissances et compétences nécessitent de prendre du temps pour traiter, reformuler, intégrer, ré-interpréter, adapter, innover…
Recevoir de l’info ou voir comment faire n’est pas toujours suffisant. On peut trouver une idée ou une solution à un problème simple grâce à quelques minutes de E-Learning, E-Reading ou Vidéo Learning. Mais on a besoin de confronter, d’échanger, d’interroger et s’interroger pour vraiment apprendre. C’est pourquoi le social est aussi important en formation. Et quand on dit social, ce n’est pas seulement les réseaux sociaux mais aussi le groupe en “live” qu’il soit petit (3 à 5 personnes) ou grand (plusieurs dizaines de personnes).
Pour remettre en cause son cadre de référence, sa façon d’appréhender la réalité, sa vision d’un problème complexe ou sa manière de faire un geste professionnel, on a besoin d’autrui, de ses conseils, de ses feed back, de ses encouragements, de son exemple… On a aussi besoin de temps pour faire les détours nécessaires.
Le mieux est souvent l’ennemi du bien en pédagogie. A vouloir être super performant, les thuriféraires d’une pédagogie hyper individualisée grâce aux nouvelles technologies risquent de se priver de toute la richesse à la fois des apprentissages fortuits et des apprentissages collaboratifs.
Pour aller plus loin… un article très intéressant du blog “The Daily Learning News” : Les systèmes pédagogiques adaptatifs.