La formation en situation de travail (FEST) et sa déclinaison en actions (AFEST) font l’actualité de la formation professionnelle (voir notre guide pratique à ce sujet). Enfin cette modalité d’apprentissage est reconnue par la loi ! Et cette reconnaissance juridique comporte bien des avantages, comme le fait d’avoir une valeur libératoire au vu des obligations de formation des employés en lien avec l’échéance de 2020, si tant est qu’elles respectent un certain formalisme (et si certains de vos employés n’ont pas suivi une formation réelle et sérieuse depuis 2014, il est grand temps de vous en inquiéter…). Mais les AFEST n’ont pas qu’une valeur juridique : elles sont aussi une excellente occasion de penser la formation en termes d’efficacité. Et qui dit efficacité dit, a minima, transfert des acquis…
En complément, inscrivez-vous au webinar que C-Campus anime sur l’AFEST le 29 mars 2019 en cliquant ici.
Quand la formation ne sert à rien…
Tel est le titre, un brin provocateur, d’un article du journal Les Échos qui, en 2016, évoquait les résultats d’une étude parue dans la Harvard Business Review montrant l’inefficacité de nombre de formations de managers, notamment du fait de la faible prise en compte du contexte organisationnel des apprenants (et aussi du peu d’exemplarité du top management…). Pour illustrer la problématique, utilisons la métaphore du puzzle. Le départ en formation d’un apprenant consiste à prendre une pièce d’un puzzle, à faire changer cette pièce de forme (du fait de l’apprentissage), pour que… celle-ci n’arrive plus à retrouver sa place dans le puzzle à son retour. En effet, lui, n’aura pas changé de forme ou, tout du moins, ne s’est pas adapté au retour de la “pièce modifiée”. Autrement dit, une formation a été dispensée sans penser aux conditions du transfert des acquis…
Ce qui est en cause ici est l’erreur fondamentale du modèle “séparatiste” de la formation, pour reprendre l’expression de Jean-Marie Luttringer. En éloignant la formation de la situation de travail réelle, les acteurs de la formation doivent faire preuve d’ingéniosité pour “recoller les morceaux”. Que permet l’AFEST dans ce cadre ?
Petite revue des atouts et bénéfices que nous avons pu constater dans le cadre du déploiement d’AFEST mises en œuvre par des référents FEST certifiés par C-Campus.
1. L’AFEST part de besoins opérationnels concrets
C’est souvent la grande faiblesse des dispositifs de formation : l’absence d’objectifs d’apprentissage clairs, concrets, formulés de façon à décrire des comportements observables et mesurables en situation de travail.
Avec les AFEST, normalement, le risque est limité car il s’agit de partir d’un référentiel de compétences clair, prérequis indispensable pour en déduire des objectifs d’apprentissage concrets et pour définir un parcours pédagogique clair et structuré, constitué de situations de travail apprenantes.
Tout commence donc… par la fin ! Ici, on évite l’erreur de se jeter sur le contenu de la formation, sur les méthodes pédagogiques… sans qu’un diagnostic partagé par les différentes parties prenantes ne soit établi quant aux compétences prioritaires à développer.
On parle donc le langage des opérationnels et on évite, autant que faire se peut, tout jargon pédagogique qui contribuerait à renforcer l’idée, fausse, qu’apprendre se fait forcément hors du travail et que la formation et l’entreprise sont deux univers séparés.
2. L’AFEST rapproche, voire “fusionne”, apprentissage et transfert de ce même apprentissage
Dans le modèle de Kirkpatrick (et en particulier sa nouvelle version), le niveau 2 (apprentissage) et le niveau 3 (comportement ou transfert des acquis) sont distincts, ce qui est logique dès lors où les temps d’apprentissage et d’utilisation de ces apprentissages sont distincts.
Dans le cadre d’une AFEST, étant donné qu’il s’agit de “pédagogiser” les situations de travail pour les rendre apprenantes, le collaborateur apprend en même temps qu’il met en pratique. Niveau 2 et niveau 3 sont donc, à peu de choses près, “fusionnés” et forment une boucle d’apprentissage : j’apprends, je teste, je réfléchis à mon action et en tire de nouvelles hypothèses d’action (ah la réflexivité si chère à l’AFEST…), je renforce mon apprentissage, je teste à nouveau mes acquis, etc. Ce cercle vertueux n’est possible que parce que l’apprentissage se fait directement en lien avec la situation de travail.
L’AFEST réduit ainsi considérablement la “distance du transfert” en mettant simultanément l’apprenant en situation d’apprendre ET d’utiliser ses acquis, en lien direct avec ses missions réelles.
Et c’est ainsi que l’on répond, au moins en partie, à la problématique des conditions de transfert précédemment évoquée… Fin des échanges interminables en fin de session de formation “classique” où le formateur tente de répondre aux objections des apprenants qui imaginent déjà toutes les difficultés auxquelles ils auront à faire face pour transférer leurs acquis… Le transfert se fait ici et maintenant, de manière synchrone, en situation de travail.
3. L’AFEST a dans son ADN la mobilisation des différents acteurs
Les acteurs intervenant dans le cadre d’une AFEST sont potentiellement nombreux : apprenants, formateurs internes, formateurs externes/organismes de formation (qui ont toute leur place dans ce cadre en tant qu’experts de la pédagogie), OPCO (comme accompagnateurs et potentiellement “architectes” de ces démarches), tuteurs, experts métiers, accompagnateurs et référents FEST… et bien évidemment les managers.
Le manque d’implication des managers est l’une des plaintes les plus souvent exprimées par les responsables formation. Or, par définition, une AFEST nécessite un travail en commun entre l’apprenant et différents intervenants, dont idéalement le manager. A minima, il sera attendu de ce dernier qu’il s’engage formellement, par exemple par écrit, dans le cadre d’un protocole individuel de formation (PIF). Idéalement, il interviendra aussi dans tout ou partie des phases de l’AFEST, notamment lors :
- de l’analyse du travail afin de définir le référentiel de compétences ;
- du positionnement de l’apprenant en amont ;
- des évaluations intermédiaires ;
- de l’évaluation finale ;
- etc.
Enfin, dans le cadre des droits et devoirs de l’apprenant et du manager, ce dernier doit logiquement aménager la charge de travail de son collaborateur afin d’y intégrer des temps d’apprentissage et de réflexivité.
Le PIF ainsi établi devient un “contrat de performance” au moins tripartite (référent FEST, apprenant, manager) formalisant l’engagement du manager dans la formation.
Vous savez ce que l’on dit : les paroles s’envolent, les écrits restent… Alors plutôt que de constater, impuissant, le manque d’implication du manager, mieux vaut prendre “le taureau par les cornes” et écrire les rôles et responsabilités de chacun. Et quand le manager verra les résultats de l’AFEST, il aura d’autant plus envie de s’impliquer la prochaine fois…
4. L’évaluation fait partie intégrante de l’AFEST
La question des résultats est donc centrale et cela tombe bien : l’AFEST est “truffée” de temps d’évaluation !
D’abord en amont pour positionner le collaborateur sur les compétences requises, puis à intervalles réguliers pour constater une évolution, à l’occasion des différents temps de réflexivité (véritable autoévaluation ayant des vertus formatives) et, enfin, à la fin du parcours pédagogique pour faire le bilan.
Évidemment, ceci est le minimum attendu et il est possible d’aller plus loin en impliquant toujours davantage d’acteurs dans l’évaluation et pour aller évaluer l’impact de l’AFEST sur l’organisation (le niveau 4 de Kirkpatrick). Ainsi, l’évaluation de l’AFEST est complètement intégrée à celle-ci. Là aussi, pas de “modèle séparatiste” de l’évaluation : on ne donne pas une formation pour ensuite l’évaluer, car formation et évaluation sont les deux faces d’une même médaille !
De plus, des recherches ont démontré que la simple présence d’un dispositif d’évaluation avait un impact sur l’efficacité de la formation. Pourquoi ? Parce que l’apprenant sait qu’il aura des “comptes à rendre” et, donc, qu’il doit s’engager pleinement dans son apprentissage et éviter toute attitude de “touriste”. Et comme l’évaluation fait partie intégrante de l’AFEST, l’efficacité de celle-ci en est décuplée.
Avec l’AFEST, nous sommes très loin des formations dont l’évaluation se limite à un rapide questionnaire de satisfaction qui fait plaisir (ou pas) au formateur. Ici, il est question d’efficacité, donc de réelle montée en compétences et d’impact sur l’organisation. Et comme potentiellement l’AFEST peut coûter moins cher qu’une formation en salle, cela signifie que si l’efficacité est au rendez-vous, alors l’efficience l’est également…
Conclusion : l’AFEST devrait inspirer toutes nos pratiques de formation
L’AFEST, au moins telle qu’opérationnalisée par C-Campus, est une réponse pertinente aux impératifs d’efficacité des formations. Bien loin de la formation “événement” parfois un peu déconnectée de l’entreprise (le fameux modèle “séparatiste”…), l’AFEST est une formation “processus” en trois temps, avec une véritable préparation en amont, un parcours de formation au plus près des préoccupations opérationnelles et un accompagnement tout au long de celui-ci.
Un vœu pour 2019 : que ce condensé de bonnes pratiques nous amène à revisiter nos pratiques de formation et les autres modalités. Si cela permettait d’en finir avec la formation en présentiel sans préparation ni accompagnement (donc avec une très faible probabilité de transfert) ou avec la formation en ligne seule (qui, sans être couplée à des temps de mise en pratique, ne mènera jamais à la compétence)… Si tel est le cas, l’AFEST aura fait “tâche d’huile” et mérité son statut de “meilleure nouveauté” de cette dernière réforme de la formation.