C-Campus travaille régulièrement sur la question de l’AFESTisation de titres professionnels et autres certifications. Nous avons commencé en 2019 par un chantier avec un OPCO et une branche professionnelle, consistant à AFESTiser un parcours de formation dans le cadre d’un nouveau CQP.
Plus récemment nous avons collaboré avec les ingénieurs pédagogiques d’un grand organisme de formation en vue de l’AFESTisation de près de 120 titres professionnels (nous aurons l’occasion d’y revenir dans de prochains articles).
Cette question du lien entre AFEST et certifications, nous l’abordons également dans le cadre de notre Club des Certifiés C-Campus. Elle va devenir récurrente, ne fut-ce qu’au travers de la réforme de la VAE (Principe de REVA) avec la “VAE inversée”, où la formation en situation de travail est un élément déterminant de la réussite du candidat à la certification !
Voyons donc comment procéder pour rapprocher deux “planètes” assez différentes : celles des pédagogues (AFEST) et celle des certificateurs…
AFESTiser une certification existante
AFESTiser une certification, pour le dire simplement, consiste à partir du REAC ou référentiel (du titre pro, du CQP, etc.) à en déduire un parcours de formation, en tout ou partie en AFEST.
Il s’agit donc clairement d’une stratégie déductive.
Les enjeux justifiant l’AFESTisation sont généralement de trois grandes catégories :
- Permettre ou renforcer l’employabilité du côté des apprenants (n’ayant pas nécessairement envie d’apprendre sur les bancs d’écoles…).
- Développer l’attractivité du job du côté des employeurs. En particulier dans les secteurs en tension de recrutement ou en croissance soutenue. Les entreprises sont souvent contraintes d’aller chercher des candidats “atypiques”…Or l’AFEST permet la formation “sur mesure”, personnalisée.
- Répondre à des contraintes normatives ou réglementaires : accréditations, qualifications obligatoires, etc. (voire titres ou diplômes complets) pour pouvoir exercer certaines activités professionnelles ! Or l’AFEST est par essence, la modalité de formation la plus “opérationnelle” !
Dans l’exemple du CQP de branche AFESTisé (cité plus haut) portant sur un job en tension dans un domaine en forte croissance et face à une pénurie de candidats , il s’est agi concrètement de construire le parcours de formation (à 80% en AFEST) en identifiant au regard de chaque activité dans les entreprises (le A de REAC) des “situations de travail apprenantes”.
Concrètement : procéder en 4 grandes étapes…
- 1ère étape : Un référent AFEST pilote un groupe de travail (constitué d’experts et/ou de meilleurs praticiens du domaine) pour repérer dans le REAC ce qui relève de l’AFEST : classiquement, plutôt des activités supposant la maîtrise de savoir-faire et savoir-être, que relevant de connaissances théoriques !
- 2ème étape : Chaque grande activité est ensuite déclinée par le groupe de travail en “situations de travail emblématiques” (STE). Les STE caractérisent et singularisent l’activité au regard d’autres activités.
Par exemple, le travail élaboré du sucre ou encore la maîtrise pointue des températures de cuisson sont des situations emblématiques du job de Chef Pâtissier. Ce ne sont en revanche pas à proprement parler, des “STE” de Boulanger… - 3ème étape : A partir des situations de travail emblématiques, identifier les “situations de travail apprenantes (STA) proprement dites. Les STA revêtent deux conditions : primo elles sont stimulantes (elles représentent un challenge) pour les apprenants. Elles supposent un effort d’apprentissage : concentration, attention, mémorisation, rigueur dans l’exécution, etc.. Secundo elles sont sécurisantes : les apprenants seront mis en situation en toute sécurité physique et psychique, ils apprendront sereinement.
- 4ème étape : à partir du REAC AFESTisé (transformé en STE et en STA) le référent AFEST pourra alors définir le parcours de formation AFEST et l’outiller : Protocole Individuel de Formation (PIF) – Fiches d’Activités Pédagogiques (FAP-AFEST) – Grille de Positionnement – Carnet ou journal d’apprentissages, etc.
Bien entendu le référent peut combiner l’AFEST avec d’autres modalités. Dans le même exemple que précédemment (CQP), les AFEST étaient ainsi complétées de cours en ligne et de classes virtuelles (regroupement d’apprenants).
Règle importante en synthèse : toujours prioriser le repérage des situations emblématiques dans la conception d’un parcours de formation AFEST déduit d’une certification ! C’est à dire celles qui sont centrales, au coeur de l’activité ou du job.
Les situations non emblématiques (par exemple les bases de la comptabilité pour un artisan pâtissier) peuvent aisément s’apprendre autrement : tutoriel, cours en ligne, stage de courte durée, etc.
Nota bene : on peut partir de référentiels de titres professionnels pour construire un parcours de type AFEST, mais pas seulement. Chez un de nos clients de l’industrie agro-alimentaire par exemple, il nous est arrivé de partir d’un référentiel qualité, donc de “processus” ! (En procédant grosso modo selon les mêmes étapes que précédemment)
Pour devenir la/le futur(e) “spécialiste de l’AFESTisation de certifications”, vous pouvez commencer par vous former solidement en tant que référent AFEST certifié ! Inscrivez-vous à une de nos sessions inter-entreprises (1 par mois). Informations et inscription ici
Relier un parcours expérientiel à une certification
Que ce soit au travers d’une Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), de la Reconnaissance de l’Expérience et de la Validation des Acquis (REVA) ou plus classiquement à partir d’une combinaison de trajectoires professionnelles et d’apprentissages sur le tas, il s’agit clairement, de valoriser les acquis de l’expériences d’individus en : compétences, blocs de compétences ou même en titres ou diplômes “complets”.
On choisit délibérément en ce cas une stratégie inductive !
Les enjeux de telles démarches sont souvent :
- Le maintien de l’employabilité des bénéficiaires (souvent pas ou peu diplômés ou titrés)
- La soif de reconnaissance des personnes (et du côté des employeurs : la volonté de les fidéliser, récompenser, légitimer, etc.)
- La nécessité de capitaliser/modéliser les apprentissages informels, en vue aussi soit d’en faciliter la transmission, soit de donner une “visibilité” externe à une activité, un “métier”, etc. Courant 2021 nous avons ainsi accompagné chez C-Campus, les premiers pas d’une association professionnelle dans le domaine de l’audio-visuel, dans la construction d’un référentiel de formation AFEST. Concrètement cela a consisté à identifier 5 situations emblématiques du job concerné. Cette association a poursuivi son ambition jusqu’à déposer une nouvelle certification qui vient d’être enregistrée au répertoire spécifique de France Compétences !
Pratiquement comment procéder ?
Pour le référent AFEST, la tâche consiste à utiliser (ou combiner) deux approches pragmatiques :
- 1ère méthode : AFESTiser la formation sur le tas et les apprentissages fortuits !
L’intérêt de transformer des apprentissages informels en vraie AFEST est double :
Primo utiliser avec chaque bénéficiaire la méthode réflexive (par exemple : l’entretien d’explicitation) pour conscientiser et valoriser les compétences acquises ou en cours d’acquisition, au travers de l’expérience de la personne. Bien sûr le recours à une personne formée à (par exemple) conduire l’entretien d’explicitation, est indispensable.
Secundo, utiliser le double principe de mises en situation AFEST et à nouveau de la réflexivité, pour développer chez la personne, les compétences non acquises ou pas totalement ancrées. Il est bien entendu nécessaire en amont et/ou en parallèle, de repérer dans les titres professionnels existants, celui se rapprochant le plus du “capital expérientiel” de l’individu (valorisé, potentialisé, voire développé par l’explicitation et l’AFEST !)
- 2ème méthode : Modéliser les situations de travail en vue de faire évoluer (ou créer comme décrit plus haut) un titre ou une certification
Nous partons de deux constats :
- Historiquement les métiers / professions se sont constitués et exercés sans certification (ni diplôme).
Ce sont bien les répétitions et itérations des activités de travail des tailleurs de pierre sur des centaines d’années, pendant la période de construction des cathédrales, qui ont fini par déboucher sur des “référentiels” (de bonnes pratiques transmises et améliorées au fil des générations) et non l’inverse ! Personne en France n’a inventé le “REAC – tailleur de pierre gothique”, avant d’entamer la construction de la cathédrale de Sens il y a 850 ans ! - Les certifications auront toujours un train de retard sur le “travail réel” : Sans parler des jobs émergeant (qui par nature n’ont pas encore de référentiel…), le métier de formateur professionnel (par exemple) évolue en permanence et encore plus depuis la multi-modalité. Le titre professionnel RNCP- FPA “Formateur Professionnel d’Adultes” en est ainsi à sa deuxième révision en moins de 10 ans !
Dernier exemple : lorsque C-Campus fin 2016 a enregistré la 1ère version de la certification de “Référent AFEST” du marché, le cadre réglementaire AFEST n’existait pas encore (les 1ères expérimentations supervisées par la DGEFP ont démarré en 2017). Pour autant les activités du futur REAC du référent AFEST apparaissaient déjà dans les “prémices” en entreprises ou en OF, de ce qu’on appelait alors “FEST” ! Fin 2021, le référentiel de la certification “référent” a déjà évolué à l’occasion de son renouvellement auprès de France Compétences…
Conclusion : pour “rattraper” le réel, valoriser le “vrai travail des gens” et bien entendu faire évoluer ou créer une certification, les certificateurs, (aidés de référents) peuvent utiliser des outils AFEST, par exemple utiliser les méthodes d’analyse du travail (repérage des STE et identification des STA, etc.) pour faire évoluer leurs certificats.
Sans aller jusque là, il est également possible de développer un nouvel “Open Badge”.
C’est une manière plus simple de rendre visible des apprentissages informels chez les salariés, sans s’astreindre à entrer dans le champ des “certifications officielles”.
Dans le très grand chantier de remise à plat et de modernisation des certifications professionnelles en France, quel que soit l’angle pris, l‘AFEST a sa pertinence ! Pas seulement comme modalité pédagogique au service du développement des compétences. Aussi pour faire “bouger les lignes” en ce qui concerne la reconnaissance et la valorisation des “compétences” !