Dans une “démocratie spectacle”, une loi chasse l’autre. La loi du 5 mars 2014 peine à devenir réalité que déjà, le Premier Ministre Manuel Valls nous annonce la création d’un nouveau compte, intégrant le CPF. Cette annonce a été confirmée par le Président de la République, lui-même, lors de son émission sur Canal+, dimanche 19 avril 2015.
Qu’est-ce que le CPA ?
On n’en sait trop rien aujourd’hui ! Le gouvernement a invité les partenaires sociaux à se saisir du dossier pour créer un “compte personnel d’activité” qui intègrerait tous les droits portables des salariés et notamment les droits à formation via le CPF. Le CPA devra être mis en oeuvre avant le 1er janvier 2017.
Que peut-on en attendre ?
Pas grand chose en tant que nouveau dispositif. Le CPA ne viendra pas remplacer le CPF qui vient juste de démarrer. Mais l’initiative du gouvernement ouvre la porte à une adaptation de ce dernier. En fin d’année l’échec du CPF sera probablement patent. Car ce dispositif, tel qu’il a été conçu et compris aujourd’hui, ne peut réussir : concurrence avec le CIF, trop grande souplesse qui aboutit à une trop grande complexité, système de liste totalement inopportun… Les partenaires sociaux ne pourront que se rendre à l’évidence et s’engager dans un processus d’amélioration du dispositif. Ils auront alors une occasion de négociation et peut-être même un “véhicule législatif” pour le réviser.
Révision à la marge…
Que pourront-ils faire ? Ils ne pourront tout de suite casser ce qu’ils viennent de concevoir. Il ne faut donc pas s’attendre à une révision en profondeur. Peut-être aurons-nous quelques avancées sur certains problèmes techniques :
- Elargissement des listes (notamment ouverture de la catégorie C de l’inventaire),
- Clarification sur le circuit de décision FONGECIF / OPCA pour le CPF hors temps de travail,
- Précisions sur les missions des OPCA dans le cadre du CPF en accord avec l’entreprise et lien avec les demandes faites sur “moncompteformation.gouv.fr”,
- Clarification des règles d’abondement par l’OPCA au titre du 0,2% CPF,
- Ouverture du CPF au bilan de compétences modularisé
- Précisions sur l’accompagnement CPF vs congé pour VAE,
- Etc.
… avant une refonte en profondeur à l’occasion de la prochaine réforme
Mais ces ajustements techniques ne résoudront pas les problèmes de fond, ceux de la complexité et du financement notamment. Et pour les résoudre, il faudra bien revoir de fond en comble la tuyauterie du dispositif. A commencer par la fusion CPF/CIF. A quoi cela sert-il de conserver deux dispositifs poursuivants les mêmes finalités (promotion, reconversion, certification…), ayant les mêmes montants d’enveloppe budgétaires (0,2% pour le CPF, 0,2% pour les congés CIF/BC/VAE), étant combinables (CIF-CPF hors temps de travail) mais ayant des opérateurs différents (OPCA d’un côté, FONGECIF/OPACIF de l’autre).
Si les dispositifs sont fusionnés, une question se posera inévitablement : quid des FONGECIF et des OPCA ? Pourquoi garder 26 FONGECIF et 20 OPCA ? Au nom de l’efficacité administrative et financière une décision devra être prise. Et il y a urgence car dès aujourd’hui le CEP n’est pas financé et les OPCA n’ont pas les moyens (ni la mission d’ailleurs) d’accompagner les salariés dans le montage financier de leurs projets de formation.
Enfin la question de l’offre de formation ne sera toujours pas réglée. On se rendra compte, dans 3 ou 4 ans, que le choix du tout certifiant, non seulement n’est pas la bonne solution (les entreprises n’embauchent pas des salariés certifiés, mais des salariés compétents !), mais pose des questions déontologiques évidentes. Peut-on être à la fois opérateur de formation et certificateur ? Juge et partie ? Les conflits d’intérêt seront trop nombreux pour laisser perdurer une telle situation. Les organismes de formation détenant des certifications vont inévitablement faciliter l’accès à leurs certifications pour accroître leurs parts de marché (cf. les pratiques récentes des écoles avec la multiplication de diplômes “périphériques” : Mastère, Badges, MOOC certifiants…). Ils risquent de brader leurs titres. Tous certifiés, tous diplômés… ça sent la médaille en chocolat pour l’apprenant ! Ce n’est pas ainsi qu’on développera son appétence pour la formation.