Dans notre post de la semaine dernière, nous analysions l’inéluctable concentration du marché de la formation à moyen terme. Nous revenons cette semaine sur le court terme, à savoir 2015 / 2016. Les organismes de formation vont devoir faire preuve d’une capacité d’adaptation exemplaire…
Un changement d’une rare violence
En moins d’un an, les règles sur lesquelles le marché de la formation est établi depuis plus de 40 ans vont être balayées. Jusqu’à présent pour exercer sur ce marché, il suffisait d’une part d’être déclaré comme organisme de formation (simple formalité adminsitrative) et d’autre part de réaliser des formations de qualité selon les critères fixés par les acheteurs de formation en entreprise (compréhension de la demande, expertise technique et pédagogique, rapport qualité/prix, fiabilité du suivi administratif…).
Demain, c’est-à-dire avant le 1er janvier 2016, deux nouvelles contraintes vont s’ajouter à ces deux règles. Pour pouvoir être pris en charge par les OPCA et FONGECIF, qui représentent environ la moitié des budgets de formation en entreprise*, les opérateurs de formation devront réaliser des formations certifiantes et être eux-mêmes certifiés ou référencés.
1) Les formations réalisées devront être certifiantes
Que ce soit le CPF et ses listes, les contrats et périodes de professionnalisation et leurs nouveaux critères ou les appels à projets du FPSPP et les critères de priorités des FONGECIF, tous les dispositifs de formation représentant au total 1% de la masse salariale sont orientés vers des formations certifiantes.
Or, nous l’avons vu dans un article antérieur, il est difficile pour un organisme n’intervenant pas dans le champ des formations diplomantes ou qualifiantes du jour au lendemain de pouvoir réaliser des formations certifiantes. Il doit bâtir des partenariats, repenser son ingénierie pédagogique, faire évoluer les missions de ses formateurs (d’animateur à certificateur), etc. Tout cela ne peut pas se faire raisonnablement en un an.
2) L’organisme de formation devra être certifié ou référencé
Le décret à venir sur la qualité de la formation va alourdir considérablement l’exercice du métier de formation. Si sa rédaction reste en l’état, dès le début de l’année prochaine, plus aucune formation ne pourra être financée par un OPCA ou un OPACIF si l’organisme n’est pas lui-même certifié ou référencé.
Pour être certifié, l’organisme devra se faire auditer par un certificateur qui évaluera ses compétences à produire de la formation de qualité. La liste des organismes certificateurs devrait être arrêtée par le CNEFOP d’ici la fin de l’année. Les organismes vont devoir mettre les bouchées doubles pour se faire certifié OPQF, ISO 9000 ou encore NF Formation.
S’ils n’y arrivent pas, ils auront une deuxième chance. Il leur faudra se faire référencer auprès de chacun des OPCA et OPACIF qui financent leurs formations. Il n’y a pas moins de 20 OPCA et 26 FONGECIF, cela risque donc de faire potentiellement 46 dossiers de référencement à monter. Le temps administratif va être d’être conséquent. Sans compter que beaucoup n’arriveront pas à satisfaire les exigences fixées par les OPCA et OPACIF, surtout si ces derniers souhaitent se concentrer sur des structures de formation établies.
L’urgence de donner du temps d’adaptation
Que va t-il se passer au 1er janvier 2016 ? On sait déjà ce qui se passe depuis le 1er janvier 2015, on n’ose pas imaginer ce qui va se passer début 2016. Depuis le début de l’année, environ 300 demandes de formation de CPF ont été financées par les OPCA. Au cours de la même période 2014 (1er trimestre), pas moins de 180 000 dossiers DIF ont été financés. La perte sèche n’est pas négligeable. Et on attend maintenant les chiffres des périodes de professionnalisation et surtout ceux du plan de formation (car la baisse de l’obligation fiscale ne sera pas sans conséquence).
Au 1er janvier 2016, les organismes non certifiés ou référencés ne pourront plus être financés. Autrement dit, ils ne pourront plus exercer que sur environ la moitié du marché de formation. Certains organismes vont perdre une grande partie de leur chiffre d’affaires. Le savent-ils ? Peuvent-ils s’y préparer ? Le décret n’est pas encore paru. Les OPCA commencent à peine à réfléchir à leurs critères de référencement.
Si le changement a lieu comme prévu début 2016, rares seront les organismes qui pourront s’adapter. D’autant plus qu’ils n’ont pas de fonds propres.
La formation représente 150 000 emploi, c’est-à-dire trois fois plus que les chauffeurs de taxi et quasiment autant que la construction automobile (145 000 emplois en 2011). Peut-on laisser un aussi grand nombre d’emplois disparaître sans broncher ?
Il est urgent de donner du temps aux entreprises et aux organismes de formation pour s’adapter. A vouloir obstinément des résultats tangibles le plus rapidement possible, on finit par confondre vitesse et précipitation. Résultat des courses, on aura peut-être des formations financées certifiantes et “de qualité”, mais on aura aussi de nombreux PSE dans les organismes de formation et des consultants indépendants chez Pôle Emploi. Il est encore temps de décider une période de transition. Ne ratons pas cette chance ! D’autant plus que l’enjeu de la qualité en formation est primordiale.