A la suite du document d’orientation du gouvernement, la réforme est aujourd’hui entrée dans le temps de la négociation interprofessionnelle. La loi viendra au printemps. L’automne sera consacré aux négociations de Branche. C’est peut-être là que tout se jouera. 5 défis majeurs seront à relever dans les accords de Branche.
(Re)définir les priorités de formation ou plutôt de professionnalisation
La formation recouvre trois finalités souvent confondues. L’adaptation au poste de travail, le perfectionnement et la professionnalisation. Ce sont ces dernières, les formations longues et favorisant la mobilité et les évolutions professionnelles qui doivent bénéficier de toutes les attentions de la Branche.
Les formations d’adaptation sont le plus souvent des formations obligatoires. Les différentes normes qualité, hygiène, sécurité et sureté permettent de fixer les priorités. Ce n’est pas l’enjeu d’une Branche.
Les formations de perfectionnement sont déployées de plus en plus par des formations de type FEST ou du digital Learning. Là aussi, les entreprises n’ont pas besoin de co-financement de leur Branche pour les organiser.
A l’inverse, les actions de professionnalisation ne perdureront que si les Branches jouent pleinement leur rôle d’orientation. Le gouvernement souhaite supprimer la période de professionnalisation et rapprocher le CPF du CIF. L’enjeu majeur de la réforme est donc bien de préserver, au niveau des Branches, des priorités de formation à visée de mobilité et de promotion professionnelle. Et cela ne pourra se faire que sur la base d’une généralisation de contributions conventionnelles de Branches.
Repenser son offre de certification et créer son organisme de certification
Les Branches ont à leur main les CQP. Elles peuvent également contribuer à la création de formations à l’inventaire. Indirectement, elles peuvent intervenir sur les titres professionnels et les diplômes. La refonte des certifications est un enjeu majeur de la réforme 2018. Il revient de relever le défi de la simplification de l’offre, de la clarification des articulations entre blocs de compétences. Et pour le dire franchement, de remettre de l’ordre dans ce magma informe qu’est devenu l’inventaire.
Il y a la place aujourd’hui pour une offre de certification pilotée par les branches. Car les besoins sont de plus pointus et la demande de certification de plus en plus modulaires. Les titres et diplômes perdent de leur valeur dans une société où 50% de la classe d’âge des 25 à 29 ans aura bientôt une licence. L’espace a horreur du vide. Les Branches pourront facilement occuper le terrain laissé vacant par l’Education Nationale et le Ministère du Travail.
Accompagner la digitalisation de l’offre de formation
Les besoins en contenu digitalisé sont immenses. Les expérimentations des Branches autour de la création de MOOCs ou de serious games restent anecdotiques au regard des enjeux. Qui mieux que les Branches appuyées par leurs OPCA peuvent relever le défi de l’industrialisation de la digitalisation des contenus de formation ?
Cela imposera de se doter d’outils de diffusion. Il faudra également repenser les modes de collaboration avec les fournisseurs de contenu. Le business model d’achats de ressources à l’unité va rapidement décroître pour laisser la place à la location. A l’instar de la musique, on va passer au modèle du streaming. Et il y aura aussi plus globalement de nouveaux modèles économiques à inventer autour de la chaine de valeur de la formation (diffusion des contenus digitaux, formation présentielle, accompagnement pédagogique individualisé, certification). Les branches avec l’appui de leur OPCA peuvent orienter le marché. Elles sont en position de force quand on compare leur “puissance d’achat” au regard du niveau d’émiettement du marché de la formation (+ de 64.000 organismes pour environ 7 Milliards d’euros de CA).
Renforcer l’accompagnement des personnes en formation
Il y a aujourd’hui un paradoxe. En haut lieu, la mode est la désintermédiation, tandis que les acteurs de terrain constatent chaque jour qu’une médiation toujours plus grande est nécessaire.
Le digital learning conduit à individualiser les apprentissages. Et les apprenants de plus en plus seuls face à leur apprentissage ont plus que jamais besoin d’accompagnement pédagogique et social :
- En amont : positionnement, aide au choix, montage de dossiers qui seront encore plus complexes après la réforme qu’avant
- Pendant : planification et organisation personnelle, guidante, réassurance, entretien de la motivation…
- En aval : préparation de la certification, transfert pédagogique, accompagnement dans l’emploi…
Il existe un outil récent pour cela. Le CEP ou Conseil en Evolution Professionnelle. Pour l’instant, cet outil est aux mains des Fongecifs, de l’APEC, de Pôle Emploi… Les branches ne l’ont pas encore investi. Il y a pourtant beaucoup de choses à imaginer autour de nouvelles formes de conseils personnalisés à la frontière de la formation, de la mobilité et de l’insertion. Tout ou presque reste à faire dans ce domaine.
Soutenir l’appareil de formation
Chaque Branche a ses organismes de formation. Les plus anciennes les ont créé de toute pièce (Métallurgie, par exemple). Les plus récentes ont accompagné leur développement (Propreté, Hôtellerie, Restauration… Certains organismes sont privés, d’autres associatifs. Quel que soit leur modèle d’activité, ils manquent le plus souvent de ressources en propre. Or ils doivent faire face à des transformations sans précédents : digitalisation des contenus, individualisation de la formation, renforcement des exigences qualité, mise à niveau des compétences des formateurs, etc. Bref, il faudra les soutenir sous peine de les voir périr.
Il ne revient pas aux Branches de les financer directement. Mais par les orientations claires d’investissement qu’elle fixe la Branche peut indirectement contribuer à leur donner de la visibilité. Et comme nous l’avons vu plus haut, en leur proposant de nouveaux modèles économiques, elle peut les aider passer plus sereinement les 3 années à venir qui risquent d’être très mouvementées.
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