Le modèle ICAP a été conçu par la professeure américaine Michelene Chi, spécialiste des sciences cognitives. Ce modèle est le résultat de ce que l’on nomme une meta-analyse, c’est-à-dire le recensement et l’analyse quasi-exhaustif de ce qui a été publié comme travaux de recherche dans un domaine donné. En l’occurrence pour le modèle ICAP de l’essentiel ce qui a été écrit ces dernières années sur l’apprentissage actif.
Et le résultat de cette meta-analyse est fort intéressant est sans appel : l’efficacité d’un apprentissage dépend de l’engagement réel de l’apprenant. Et pour y parvenir, l’essentiel ne réside pas dans la façon de transmettre le contenu par le formateur ou le produit de digital learning auquel est confronté l’apprenant, mais plutôt dans les types de processus cognitifs que ce dernier met en œuvre au contact du contenu de formation.
4 processus cognitifs à l’œuvre dans un apprentissage
Selon le modèle ICAP, ces processus cognitifs à l’œuvre chez l’apprenant peuvent être classés en 4 niveaux ou stades différents. A chaque niveau représente une lettre de l’acronyme I.C.A.P. Attention ! L’acronyme est à lire à l’envers. Le niveau le plus faible d’engagement est le P (pour « Passif ») et niveau le plus élevé est le I (pour « Interactif »).
Ces niveaux sont résumés dans le tableau ci-dessous :
La preuve de l’intérêt de l’engagement réflexif de l’apprenant
Se fondant sur sa meta-analyse, Michelene Chi précise que les deux premiers niveaux ou stades d’engagement sont peu propices à l’apprentissage. Elle parle de « Shallower learning » ou si l’on préfère d’apprentissage peu profond ou superficiel. A l’inverse, les niveaux C et I sont quant à eux considérés comme des apprentissages réellement actifs et permettent, toujours selon la directrice du « Learning and Cognition Lab » de l’Université d’Etat de l’Arizona, un « deeper learning », c’est-à-dire un apprentissage plus profond qui restera fortement ancré chez l’apprenant.
Découvrez nos nouvelles offres de formation – cliquez ici.
L’observateur averti des questions pédagogiques verra évidemment dans ce modèle quelques similitudes avec des courants bien connus en psychologie de l’apprentissage, comme par exemple le constructivisme piagétien. Aux niveaux P et A, on pourrait dire que l’apprenant ne fait « qu’assimiler » l’information, alors qu’aux niveaux C et I, un processus « d’accommodation » est à l’œuvre. L’apprenant déstructure alors les connaissances préalables qu’il avait emmagasinées pour les restructurer. Il transforme ainsi ce qu’il connaissait déjà en nouvelle connaissance, plus riche, davantage reliée à d’autre connaissances, bref plus fortement ancrée. Ceci a été également confirmé par les travaux plus récents des neurosciences, qui grâce à l’imagerie cérébrale, ont pu constater ces liens à travers l’activité de nos réseaux neuronaux.
Mais l’intérêt du modèle ICAP ne réside pas dans la seule confirmation de ce que l’on connaissait déjà ! Son apport réside dans la preuve concrète, si ce n’est irréfutable, que l’approche transmissive basée sur la seule diffusion de contenus, sans consignes données aux apprenants de travailler ce contenu, reste inefficace. Le meilleur des orateurs, le meilleur des diaporamas et, même, le meilleur des modules de E-Learning ou de réalité virtuelle pourra peu de chose d’un point de vue apprentissage si l’apprenant n’est pas guidé dans l’appropriation de ce contenu.
Ce qui est décisif dans un apprentissage, c’est la mise en oeuvre de processus réflexifs par l’apprenant, notamment les liens qu’il peut faire avec les contenus qu’on lui propose. C’est sa capacité de traitement cognitif de l’information qui conditionne la réussite de son apprentissage. C’est ce que l’on constate clairement à travers les stades Constructif et Interactif du modèle. C’est parce que l’apprenant réfléchit sur ce qu’il reçoit au regard de ce qu’il sait déjà et qu’il peut le verbaliser (stade C), voire mieux le confronter à ses pairs (stade I) qu’il apprend réellement.
En ce sens, l’AFEST, probablement totalement méconnue par notre chercheuse américaine ayant créé ce beau modèle pédagogique, trouve-là sa légitimité scientifique. Car l’AFEST, c’est ni plus ni moins, conduire l’apprenant à verbaliser son activité et rechercher par lui-même ou avec l’appui de ses pairs et de son accompagnateur les meilleures façons de faire pour traiter les problèmes qui se posent à lui dans son parcours d’apprentissage au contact de la réalité du travail. Ce n’est pas transmettre du contenu, c’est amener l’apprenant à réfléchir sur ses situations de travail qui deviennent le matériau premier ou si l’on préfère le contenu de son apprentissage.
Des formateurs et concepteurs pédagogiques invités à revisiter leurs représentations pédagogiques
Le modèle ICAP peut donner l’impression à quelques experts en pédagogie d’enfoncer des portes ouvertes, mais pour le plus grand nombre, il représente plutôt un renversement pédagogique significatif.
Le modèle ICAP remet en cause tout ce que l’on entend sur la transmission, trop focalisée sur les processus d’attention et de mémorisation.
A ce titre, il est amusant de voir que les argumentaires marketing des nouvelles plateformes ou applications de digital learning ou d’adaptative learning, d’immersive learning ou d’on ne sait quelle nouvelle « rime en learning », dont les thuriféraires de la Edtech nous abreuvent quasi quotidiennement, ne passent que très rarement le cap du niveau 2 du modèle ICAP ! Attention ! ce n’est pas parce qu’on « like » un contenu pédagogique ou qu’on le commente que l’on atteint le niveau de « l’interactivité » du modèle ICAP. Encore faut-il être capable de construire un discours structuré pour le partager aux autres. On est plus proche du concept de « subjectivation », cher à Etienne Bourgeois que de l’approche communautaire de la plupart des outils de « collaborative learning » actuels.
Découvrez nos nouvelles offres de formation – cliquez ici.
Fort de ce constat les formateurs et concepteurs de solutions de digital learning sont invités à changer de focale. Il ne s’agit plus de regarder du côté de la qualité de ce qui est transmis mais de se concentrer sur ce que fait l’apprenant pour s’approprier ce qu’on lui propose. Et pour ce faire, il faut le guider par des consignes d’apprentissage qui vont l’amener à être réellement co-auteur de sa formation. C’est la qualité de la guidance qui détermine l’efficacité de la formation, et non pas l’effet Waouh ! de ce qui lui est présenté. Et ces consignes à lui proposer sont diverses et le plus souvent peu couteuses. En voici quelques-unes que l’on propose dans nos formations de formateurs et d’accompagnateurs et référents AFEST (pour consulter notre catalogue – cliquez ici) :
- Proposer aux apprenants de faire des résumés ou des notes de synthèse plutôt que de répondre à des quiz,
- Inviter les apprenants à instruire des études de cas complexes plutôt qu’en tant que formateur témoigner de son expérience,
- Inviter les apprenants à expliquer ou montrer ou démontrer à leurs pairs ce qu’il faut faire plutôt que le formateur le fasse lui-même.
- Inviter les apprenants à relever un défi en situation de travail (une mission apprenant, si vous préférez) et analyser sa prestation plutôt que de se limiter à consulter des tutos.
- Amener les apprenants à conduire un projet sur le long terme pour lequel ils seront amenés à mettre en œuvre des stratégies de recherche d’information plutôt que de découper leur parcours en séquences brèves sans qu’ils n’en connaissent les liens et la cohérence pédagogique.
- Proposer de renseigner un journal d’apprentissage, si possible papier, tout au long de sa formation sur lequel il consignera ce qu’il retient d’essentiel de ses consultations et surtout de ses expériences et de ses questionnements plutôt que de lui adresser après la formation le diaporama du formateur.