Les soft skills sont plus que jamais d’actualité ! Selon les enquêtes régulières Future of Jobs du Forum Économique Mondial, une importance croissante leur serait accordée par les employeurs, recruteurs et responsables hiérarchiques. Ces soft skills correspondraient à des compétences “non techniques”, telles que : capacité d’analyse, pensée créative, empathie et écoute active…
Ceci étant dit, quelle définition peut-on donner à ces fameux soft skills, terme un peu ambigu ? Comment identifier les savoir-être évaluables ? Comment les “observer” en situation de travail ? Plusieurs questions sur lesquelles nous nous efforçons d’apporter de modestes réponses et un angle qui se veut surtout pratique !
Soft skills : un concept marketing valise ?
Dans une interview en 2020, le Professeur Michel Barabel, Maître de conférences à Paris Est et co-auteur d’un ouvrage de référence en la matière (le défi des soft skills – éditions DUNOD) estimait que dans ce concept assez à la mode, règne un certain fourre-tout, mélangeant :
- des traits de personnalité (stables),
- un état émotionnel (à un instant T),
- des capacités, qu’on peut acquérir, consolider et actionner à tout moment.
Michel Barabel rappelle aussi que selon la définition de Guy Le Boterf : « La compétence est l’activation de plusieurs savoirs, théoriques, techniques, comportementaux, dans un contexte donné, permettant à un individu d’atteindre des résultats ou une performance. ».
Par ailleurs, au concept de soft skills, les professionnels de la formation préfèrent souvent celui de “savoir-être”.
Or ce concept de “savoir-être” recouvre lui-même des notions variées. Dans son essai de Doctorat en éducation en 2020 à l’Université de Sherbrooke au Canada, Marie Beauchamp note avec justesse que la définition de “savoir-être” est polysémique, selon les différents auteurs qui se sont penchés sur le sujet : compétence transversale ? compétence comportementale ? “état” favorable aux apprentissages ? compétence sociale ? etc. (Rassurons-nous : même sur la définition du concept de “compétence”, personne n’est d’accord, chez les “experts”).
Bref, le sujet est large ! Pour ne pas s’y perdre lorsqu’il s’agit d’évaluer en situation de travail des “savoir-être”, une approche souple et opérationnelle est indispensable.
Identifier des savoir-être à évaluer sur le terrain
L’évaluation de savoir-être est moins évidente que celle des savoir-faire techniques ou hard skills.
Deux démarches complémentaires peuvent êtres opérées par les ingénieurs de formation ou référents AFEST, pour identifier des savoir-être “évaluables” en situation de travail. Quelle que soit la démarche, un travail de précision et de clarification est incontournable ! Sinon, chacun continuera allègrement à interpréter à son aise son savoir-être, en fonction de son expérience ou ressenti personnel…Quand c’est flou, il y a un loup !
Solution 1 : Partir d’un référentiel existant et le “contextualiser”
De nombreux référentiels (de compétences, de certification, etc.) intègrent des “savoir-être”.
Le hic est que leurs définitions sont fréquemment trop génériques. On y évoque par exemple le “sens de la communication”… Déjà il faudrait le traduire en quelque chose de plus repérable : “capacité d’écoute” ou “écoute active”.
Ensuite, pour rendre ces “compétences” ou capacités évaluables (et concrètes pour les apprenants), il faut les spécifier. Et pour cela, tenir compte des contextes singuliers dans lesquels s’exerce l’activité professionnelle.
Puis il s’agit d’identifier des critères de maîtrise, observables ou mesurables, de ces savoir-être.
Dernier conseil : certains savoir-être sont plus prioritaires ou déterminants dans la réussite du collaborateur. Il faut donc choisir ceux dont la “mesure” a du sens, toujours dans le contexte et l’activité !
Exemples :
- Pour un(e) chargé(e) de clientèle, la capacité d’écoute (d’un client ou prospect) est déterminante ! Elle peut être mesurée au travers des critères suivants, que l’apprenant(e) lui-même peut essayer de trouver : le/la chargé(e) de clientèle pose des questions variées au client. Il/elle s’intéresse à ses besoins et attentes, qu’il/elle est capable de reformuler ou synthétiser fidèlement. »
- Pour un(e) accompagnateur/ accompagnatrice AFEST, la même capacité d’écoute (écouter son apprenant) est également déterminante. Mais elle va se traduire par d’autres critères : l’accompagnateur – accompagnatrice AFEST pose un questionnement réflexif FAST ou RIEC à l’apprenant. Il/elle est dans une attitude de compréhension. Il/elle n’est ni dans une attitude de jugement ou d’évaluation, ni dans l’interprétation, l’investigation ou le soutien des propos de l’apprenant.
Solution 2 : Partir des “valeurs professionnelles”
Valeurs professionnelles (de l’entreprise, de ses membres) et savoir-être sont en effet intimement liés. Au travers de ses valeurs, l’organisation (ou une profession) qualifie ce qu’il lui semble important de véhiculer, pour être reconnue comme “utile, performante, intéressante”, etc. On peut donc en déduire des compétences comportementales ou attitudes professionnelles, à posséder ou à renforcer chez les salariés de ces organisations.
- Dans les métiers du conseil (avocats, notaires, consultants, etc.), l’éthique et l’intégrité professionnelle sont des valeurs fréquemment prônées et mises en avant. Les attitudes correspondantes peuvent être par exemple : le respect de la confidentialité des échanges, la communication assertive et transparente, l’honnêteté, etc.
- Dans les métiers des travaux publics ou du bâtiment ainsi que dans la restauration, le secteur hospitalier, etc., le soutien et l’entraide sont de mises. Les attitudes professionnelles constatées en ce cas seront, par exemple : donner un coup de main au collègue, modifier son plan de travail en cas d’urgence, etc.
L’intérêt de cette approche du savoir-être par les valeurs est quadruple :
- Les comportements ou attitudes professionnels (de savoir-être) traduisent concrètement les valeurs. Les salariés n’en restent pas à la “profession de foi”, cela favorise l’atteinte des objectifs,
- C’est aussi l’occasion de s’assurer de la bonne compréhension (ou interprétation) des valeurs par les personnes… Les valeurs professionnelles “parlent” davantage aux opérationnels et gens de terrain que le concept de “compétences” (souvent confondues avec les “activités”),
- C’est ensuite un excellent prétexte pour rappeler l’indispensable “exemplarité” comportementale du côté des managers et globalement de celles et ceux qui portent “l’autorité”,
- Enfin, on peut vérifier la “symétrie des attentions” : entre ce que l’on accorde aux personnes externes (clients, usagers, partenaires, etc.) et ce que l’on s’applique en interne, entre collègues ou collaborateurs ! Ecouter les clients, c’est bien, s’écouter entre co-équipiers, c’est tout aussi bien…
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Observer et évaluer ces savoir-être au travail ?
Avant d’aller sur le sujet, parfois sensible, de l’évaluation des savoir-être de tel ou tel collaborateur ou apprenant, il faut parfois vérifier la “congruence” : y-a-t-il une correspondance entre ce que la personne pense et ressent d’une part et ce qu’elle dit et démontre par son attitude, d’autre part !
Une personne peut avoir des valeurs personnelles contradictoires avec les valeurs professionnelles qu’on attend d’elle dans le job. Il va lui être difficile d’être “congruente” dans son savoir-être. Elle agira peut-être en adoptant, vaille que vaille, les attitudes au travail demandées par la hiérarchie ou l’équipe, mais sans conviction ou réelle adhésion. Ce n’est pas tenable à la longue…
3 méthodes pour évaluer les savoir-être des apprenants sur le terrain ?
Mettons de côté les simulations et jeux de rôles, qui s’ils sont utiles en formation aux savoir-être, ne permettent pas d’évaluer “pour de vrai” ! Concentrons-nous plutôt sur trois méthodes complémentaires pour évaluer le plus objectivement et finement possible, les compétences comportementales :
- l’observation directe : observer, écouter les savoir-être en situation réelle de travail nécessite comme dit précédemment d’avoir défini au préalable les critères de la dite compétence comportementale. Selon les circonstances, l’évaluateur prend des notes ou renseigne des grilles d’observation critérisées. Il prend soin d’observer à la fois le comportement et les attitudes professionnelles de l’apprenant ainsi que ses interactions avec d’autres personnes (collègues, tiers, clients, etc.à et bien sûr la qualité du travail accompli (créer le “relationnel client” par ex. pour un commercial).
- l’auto-évaluation continue et progressive : l’apprenant, par le cumul des situations professionnelles vécues comme des petits challenges, combinées à un processus auto-réflexif, apprend à s’auto-évaluer. S’il est vrai que la réflexivité est d’abord une méthode pédagogique et d’introspection (et pas d’évaluation, stricto sensu), elle peut également contribuer à l’auto évaluation. En ce cas, le formateur (accompagnateur) proposera d’alterner des entretiens de feed-back (dont le but est d’aider l’apprenant à trouver ses points de progrès de type “quick wins” dans son savoir-être, après son auto-évaluation) et des entretiens réflexifs, où l’apprenant s’auto-analyse puis trouve lui-même ses axes de progrès en terme de comportements.
- le feed-back 360° : collègues, confrères, formateur, manager, clients, partenaires, etc. de l’apprenant, sont sollicités pour lui donner un feed-back (via des questionnaires par ex.). Il ne s’agit pas forcément de demander leur appréciation directe du savoir-être de l’apprenant : leur avis peut tout simplement être recueilli sur le “service” rendu ou les attitudes de service de la personne.
Un peu de publicité en passant : si vous voulez vous former à la méthode F.A.S.T. et déployer en tant qu’accompagnateur AFEST la méthode réflexive, nous proposons une formation C-Campus à distance, avec deux heures d’accompagnement personnalisé. Entrée possible en formation à tout moment. Pour tout renseignement : formation@c-campus.fr
Quelques biais d’évaluation à éviter, notamment en AFEST…
Pour conclure cet article, toute personne en charge de l’évaluation de savoir-être, particulièrement dans les formations en situation de travail, évitera notamment les pièges suivants :
- Biais de la première impression (être influencé par sa première impression en évaluation sur le terrain),
- Biais d’attribution (attribuer le comportement à des causes externes par ex., tomber dans le jugement, au lieu de se concentrer sur des comportements factuels et observables chez l’apprenant),
- Biais de contraste (comparer le comportement de l’apprenant à celui d’un autre apprenant),
- Biais de récence (évaluer en fonction de la récence du comportement et non de sa récurrence).