Isabelle Fourreau est consultante-formatrice. Elle intervient sur toute la chaine de valeur de la formation : depuis la conception de parcours de formation, la création de contenus et la production jusqu’à l’animation des formations. Isabelle est spécialisée dans le secteur du Retail : ses clients sont des enseignes de distribution, spécialisées ou généralistes. Elle a répondu à notre enquête sur nos référents AFEST certifiés durant l’été 2023. Référente AFEST et elle met en œuvre cette modalité pour différentes entreprises. Nous l’avons interviewé pour qu’elle nous livre sa vision de l’évolution progressive du marché de la formation et qu’elle témoigne en quoi elle est amenée à innover avec l’AFEST pour ses clients !
Une modalité adaptée aux publics opérationnels !
Henri Occre : Isabelle, pourquoi cet intérêt pour l’AFEST et pourquoi vous professionnaliser comme référente AFEST ?
Isabelle Fourreau : Pour moi l’AFEST a un intérêt évident au regard des enjeux des entreprises et des salariés de la distribution, des besoins de montée en compétences sur le management, la vente, la relation clients. Et également sur des sujets spécifiques ou « métier », auquel cas je collabore bien entendu avec des spécialistes ou experts internes.
HO : Pourquoi une évidence ?
IF : Pour plusieurs raisons : les collaborateurs sont peu disponibles pour se former en salle et pas toujours appétents à apprendre seuls devant un e-learning. Il est également difficile pour les employeurs de « sortir les salariés » de leur environnement de travail. Enfin la formation sur le tas, à l’ancienne, est peu efficace. Elle mérite d’être nettement améliorée. Moi-même j’ai travaillé dans le retail et j’ai observé dans mon ancien parcours de salariée ce type d’intégration où l’on vous dit ; en gros : « vas-y, fait et si tu as besoin je suis à côté ».
HO : Qu’est ce qui est intéressant dans l’AFEST pour former ?
IF : Plusieurs caractéristiques de l’AFEST sont intéressantes dans les formations, notamment techniques : l’appropriation par action, la réflexion par soi-même et sur soi-même. On peut procéder par boucles d’amélioration continue, sur des temps courts et itératifs, permettant à la compétence de se construire petit à petit, de « maturer ». En outre l’animation et l’accompagnement par les formateurs – experts internes sont privilégiés. Donc le suivi durable des apprenants est possible, moyennant il est vrai, un peu de préparation et de formalisation. Je suis aussi là pour accompagner mes clients dans la mise en place des process et dans leur formalisation. C’est d’autant plus important que nombre de retailers ont la culture de l’oral et peu de l’écrit.
La fonction de référent AFEST rassure les clients !
HO : Quelles attentes aviez-vous en entrant dans la formation « référent AFEST » de C-Campus ?
IF : J’ai souhaité me professionnaliser car j’en avais une approche empirique, grâce à mon bon sens de la formation terrain. Quand j’ai lu les nombreuses publications de C-Campus sur l’AFEST, j’y ai perçu des méthodes. Ma montée en compétences m’a sécurisé.
Isabelle Fourreau : Je n’aurais pas pu proposer l’AFEST à un de mes clients sans cette formation, en tous cas pas de manière aussi structurée et approfondie.
HO : Où avez-vous particulièrement progressé grâce à la formation de référente ?
En ingénierie, notamment la phase de préparation, l’analyse des compétences et des situations de travail d’une part et sur l’accompagnement et le questionnement réflexif, qui est bien structuré grâce aux méthodes proposées par C-Campus, d’autre part.
HO : Quelle motivation vous a poussé à aller jusqu’à la certification ?
IF : En fait je suis partie d’une incompréhension (rires). Je pensais que pour proposer l’AFEST à mes clients, je devais obligatoirement avoir la certification de référente ! En fait non… Cela dit, avec le recul, c’est vrai que la certification rassure des clients. C’est une reconnaissance qui prouve que je suis allée au bout de la méthode et que j’ai ce niveau de compétences réelles et attestées !
Henri Occre : les certifications de formateurs ne sont pas encore obligatoires. Sans présager de l’avenir, notons que de plus en plus de professions supposent des qualifications « à l’entrée ». Cela sera peut-être un jour le cas pour les formateurs professionnels.
IF : Oui, de mon côté si en tant que « cliente », je suis allée vers C-Campus c’est parce que c’est un organisme capable de délivrer une certification, donc qui est passé par un processus exigeant d’enregistrement par France Compétences. Je trouve que c’est quelque chose de « solide ». Cela a participé à mon choix de suivre votre formation.
Une publicité en passant pour le cycle certifiant “référent AFEST” : nous organisons au moins une session en inter entreprises chaque mois. Pour toute information : formation@c-campus.fr
Une solution pour former des publics “volatiles” en formation ?
HO : Quelles opportunités et contraintes vos clients voient-t-ils ?
IF : L’opportunité que mes clients citent immédiatement est : « Ah oui, nous pouvons former nos salariés sans départ en formation et en situation de travail, c’est très intéressant ! » Sous-entendu : « Nous ne sommes pas obligés de les mettre 7 heures dans une salle de formation ! ». La contrainte c’est le formalisme de la méthode, le temps que cela demande. Mais finalement ils sont gagnants car cela permet à tous de progresser.
HO : Serait-ce pour certains clients l’occasion de se libérer à bon compte de leurs obligations de formation ?
IF : Pas du tout ! Mes clients sont conscients que leurs salariés doivent développer des compétences pour bien travailler. Pour le dire simplement, avec l’AFEST ils ont enfin une solution pour former une population qu’on pourrait qualifier de « volatile » par rapport à la formation traditionnelle. La seconde opportunité que voient mes clients, c’est le fait de pouvoir nommer des tuteurs et tutrices AFEST issus de leurs équipes pour leurs salariés apprenants. Ils apprécient de ne pas devenir dépendant d’un prestataire extérieur. Ils peuvent aussi capitaliser leurs savoirs internes. Évidemment la contrepartie est la nécessité de d’abord former ses tuteurs et tutrices. La préparation en amont de l’AFEST, les clients la découvrent avec moi lors de nos ateliers de travail. C’est normal car ils peuvent penser que l’AFEST est une formation informelle et improvisée, ce qui n’est pas du tout le cas.
HO : Comment les rassurez-vous sur l’ingénierie AFEST ?
IF : Je leur propose une méthodologie simple, avec un planning assez court pour l’ingénierie. Ensuite je les accompagne en réalisant les étapes de recherche, de formalisation et de mesure de l’acquisition des compétences. Je suis là pour apporter du « confort » à mes clients. Notamment lorsqu’ils n’ont pas beaucoup de temps ni à fortiori les compétences en la matière ! J’ajoute que je propose toujours l’AFEST comme une « partie d’un tout », une modalité dans un parcours multimodal. Par exemple en ce moment, une AFEST à la suite d’une formation présentielle.
La formation en situation de travail… à distance !
HO : Et cette expérience que vous appelez le « Canada Dry » de l’AFEST ?
Pour les plus jeunes qui n’ont pas la référence, quelque chose qui ressemble à l’AFEST mais qui n’est pas vraiment de l’AFEST…
IF : Ah oui, cela ressemble fortement à de l’AFEST, si ce n’est que je l’ai conçue… à distance ! J’ai la chance d’avoir des clients qui aiment innover… Cette expérience concerne un public de techniciens qui suivent d’abord une formation en salle. Ensuite sur le terrain ils expérimentent sur leurs machines. Enfin, après un certain temps, ils réalisent des mises en situation à distance, en mode reconstitué, avec l’appui d’un formateur (que j’ai moi-même formé et préparé). Durant 1h30, ils travaillent sur un cas (panne d’une machine). Premièrement ils expliquent au formateur ce qu’ils vont faire…
HO : Appelons ça de la réflexivité amont !
IF : Tout à fait. Deuxièmement, ils réalisent l’activité de travail. Troisièmement ils analysent leur pratique à l’aide de fiches qui les aident à poser leur réflexion. Enfin ils en échangent avec leur formateur. Cela suppose du matériel, deux caméras, etc. et cela fonctionne !
HO : La démarche est très intéressante. Que donne-t ’elle ?
IF : Déjà cela a séduit mon client : ses apprenants sont partout en France et le formateur ne peut pas se délocaliser sur tout le territoire ! Ensuite nous avons fait un pilote qui a bien fonctionné. Nous allons en faire deux autres. Je suis très enthousiaste, ce projet va impliquer un deuxième formateur et pourrait embarquer entre 50 et 100 apprenants concernés, dont des débutants !
HO: 1h30 d’AFEST c’est court !
IF : C’est vrai mais ce public a bénéficié en amont d’une formation théorique présentielle. Là il va pouvoir sur une heure et demie, se projeter, expérimenter, s’auto analyser, verbaliser avec un expert et bénéficier de ses conseils ! Contrairement aux apparences, certes on économise du temps, y compris de déplacement des participants et formateurs mais il s’agit d’un accompagnement VIP personnalisé !
HO : Cette AFEST vise certainement à faciliter ce qu’on appelle le « transfert » !
IF : Absolument : les apprenants intègrent des méthodes de résolution de pannes. En plus grâce à l’accompagnement réflexif, ils sont capables de se projeter dans différents contextes et situations de travail. Le transfert est assuré !
D’apprenant à tuteur AFEST…
HO : Ces apprenants formés sont-ils capables demain de tutorer ?
IF : Certainement : ils ont appris à conscientiser leurs compétences donc ils devraient être capables à leur tour d’accompagner des apprenants, en complément des 2 formateurs experts. Une fois qu’on a appris une méthode pour se former, on peut en faire profiter un collègue !
HO : Ce chantier est-il « rentable », en plus d’être intéressant pour vous ?
IF : Il suppose que je sois innovante et il me demande beaucoup de travail, également pour faire monter en compétences pédagogiques AFEST les deux formateurs. Cette modalité est nouvelle pour eux. Mais je suis convaincue de ce modèle d’AFEST à distance. Et puis le nombre d’apprenants potentiels chez mon client est conséquent, c’est un beau projet pour moi !
HO : Les formateurs internes vivent-ils une sorte de “mise en abyme” ?
IF : La marche à franchir pour eux est d’arrêter de démontrer et de parler aux apprenants. Au contraire, il leur faut poser des questions aux apprenants et leur faire faire les gestes et activités, pas les faire à leur place ! Cette posture différente, ce questionnement de l’autre, ce n’est pas naturel. En tous cas, pas au départ. Je suis là pour les former à la méthode et nous avons prévu du temps pour cela. J’ai aussi formalisé un guide complet d’animation.
Henri Occre : Les formateurs habitués à « délivrer » des savoirs sont souvent centrés sur la connaissance, le geste et l’activité et pas naturellement centrés sur les personnes. Ils vont avec l’AFEST apprendre à se décentrer de l’exécution et de la transmission, pour aller vers chacune des personnes, leur faire faire et faire dire ce qu’elles font, pourquoi elles le font, etc.
IF : Tout à fait. Pour aider mes deux formateurs, j’ai conçu un guide « pas à pas » pour animer tout le parcours, en salle et en AFEST. Et je vais moi-même les coacher avec des mises en situation de formateur et dans leur réflexivité de formateur.
Un positionnement renforcé sur le marché de la formation “sur mesure” !
HO : Que pourriez-vous développer avec l’AFEST ?
IF : Dans le Retail, on assiste à un double phénomène : des métiers de plus en plus en tension et encore sous valorisés, tout en étant souvent assez paradoxalement de plus en plus « techniques ». L’AFEST semble une opportunité pour améliorer les parcours d’intégration, surtout quand les candidats sont rares. L’argument clé pour mes clients est que l’AFEST permet de ne pas réinventer l’eau chaude à chaque intégration, en se demandant ce qu’on va faire faire au nouveau. L’AFEST valorise et responsabilise l’apprenant, qui apprend comme un adulte et pas comme un élève. Elle valorise également la personne désignée par l’employeur pour former (tuteur, tutrice), par la reconnaissance explicite de son professionnalisme.
Henri Occre : Un tuteur ou une tutrice peut être tenté de demander une reconnaissance financière à son employeur. J’ai cependant tendance à répondre de trois manières : Primo, on ne peut pas compter sur le fait que l’apprenant se débrouille seul pour apprendre. Les profils autodidactes ne sont pas si nombreux… Secundo, le manque de compétences ou les lacunes en apprentissages pénalisent durablement, non seulement l’apprenant mais aussi son équipe et donc son employeur. Tertio, la rupture d’une période d’essai, à l’initiative d’un salarié se sentant peu ou pas intégré, désorganise le travail et a donc aussi un coût !
Selon la formule consacrée, Henri Occre rappelle : « il y en a qui ont essayé l’incompétence et ils ont eu des problèmes ! »
IF : Une valorisation des tuteurs et tutrices peut certes avoir un coût pour les employeurs, par exemple sous la forme d’une prime, à la fin du tutorat. Mais finalement l’investissement dans le tutorat et l’accompagnement sont souvent très bénéfiques. Un autre angle intéressant et non financier de reconnaissance, ce peut-être d’enrichir la fiche de mission d’un expert interne. Par exemple en lui proposant de consacrer un pourcentage de son temps à la formation ou au tutorat.
HO : Inutile d’ailleurs de procéder à un avenant au contrat de travail, en AFEST, une lettre de mission suffit largement !
IF : Cela rassure les personnes de savoir qu’elles ne devront pas assumer une responsabilité tutorale, en plus de leur charge de travail et qu’au contraire l’employeur soulagera un peu cette dernière, durant le temps de la mission pédagogique.
HO : Avec le recul, qu’est-ce que cette nouvelle corde à votre arc a changé dans votre métier de consultante-formatrice ?
IF : Cette posture et cette méthodologie de référente AFEST que je propose à mes clients est différenciante. Tout le monde ne propose pas ou n’est pas en mesure d’accompagner les entreprises dans cette modalité. Dans mes deux récentes réponses à appel d’offres par exemple, j’ai vu que cela suscitait l’attention et l’intérêt.
Des clients assez exigeants sur les résultats de la formation !
HO : En quoi selon vous, l’AFEST est un atout pour vos offres ?
IF : Avec l’AFEST on part de l’analyse du travail réel dans son contexte. Pour le référentiel de positionnement et d’évaluation, on s’appuie sur des critères et indicateurs attendus dans le travail. Les apprenants se forment dans le travail et voient eux-mêmes les résultats concrets de la formation sur le travail. En outre depuis la création de mon cabinet PAPIER SUCRÉ en 2016, je préfère « travailler dans la dentelle », avoir peu de clients et travailler durablement avec eux. L’AFEST m’amène des outils méthodologiques qui confortent mon approche de réaliser des prestations sur-mesure pour mes clients du retail.
Isabelle Fourreau : je conseille aux organismes de formations et aux consultants formateurs de s’intéresser à cette modalité, de recueillir des témoignages de formateurs qui l’ont utilisé et de s’inscrire dans le temps long, pour oser proposer l’AFEST à leurs clients.
Crédit Photo : Olivier FRAJMAN