L’engouement pour le métier ou la mission de formateur en entreprise ne faiblit pas. Les besoins sont exponentiels et l’attractivité de la fonction de formateur ou formatrice reste très élevée. Les “apprentis-formateurs” sont de plus en plus nombreux à nous interroger sur le meilleur parcours à réaliser pour devenir formateur ou formatrice, puis pour développer ses compétences afin de parvenir à la maîtrise du métier.
Il n’existe pas malheureusement d’études sérieuses sur la question. Quand le sujet est traité, il est ciblé généralement sur les organismes de formation et non pas sur les pratiques des formateurs et formatrices en entreprise. Alors, en attendant qu’une enquête sérieuse paraisse, nous vous proposons quelques pistes de réflexion, à partir des échanges que nous avons au travers des retours des 2000 formateurs, tuteurs, référents AFEST que nous formons chaque année (2199 en 2023, chiffre de notre BPF !). Et aussi via les constats que nous pouvons faire à travers nos audits de “fonction formation”.
Formateur en entreprise : de qui parle t-on ?
Avant de savoir comment on devient formateur en entreprise, il nous faut définir qui sont les formateurs et formatrices en entreprise. Cette notion aux contours large regroupe :
- Les experts ou managers qui exercent des missions de formation occasionnellement en entreprises ou dans les administrations. Dans une étude que nous avons réalisée auprès de 15 grands groupes l’an dernier, leur nombre représenterait un peu plus de 1% des effectifs de salariés (de 250 à 300.000 salariés au cumul dans les 15 groupes en question, soit de 2.500 à 3.000 formateurs environ)
- Les formateurs professionnels/permanents en entreprises ou dans les administrations. Ils ne doivent représenter que quelques milliers de formateurs car la tendance globale est (dans toutes ces organisations) de réduire sensiblement ce type d’effectif. La fonction formation, à l’instar d’autres fonctions supports, est en effet de plus en plus externalisée.
- Les formateurs professionnels en organismes de formation qui exercent leur fonction principalement auprès des entreprises et des administrations. Nous ne prenons pas en compte ici les formateurs d’adultes ou les enseignants en écoles ou CFA. Leurs missions et leurs compétences sont bien différentes de celles des formateurs en entreprise. Les seconds (formation initiale), pour le dire vite, forment à un métier, alors que les premiers (formation continue) accompagnent des professionnels pour les aider à maîtriser au mieux leurs environnements professionnels. On cite souvent le chiffre de 150.000 professionnels de la formation. Mais ce chiffre s’appuie sur une étude DARES du milieu des années 2010. Difficile d’en évaluer sa validité aujourd’hui, d’autant plus que le périmètre restait assez flou : formateurs d’adultes ? formateurs en CFA ? Formateurs en entreprises ou formateurs en administrations ? Mais si on osait, on pourrait prendre le risque d’évaluer leur nombre (en baisse) à une centaine de milliers de personnes.
- Les consultants exerçant une fonction de formation. Là aussi, très difficile d’avoir des chiffres précis, faute d’enquête sérieuse. Mais cette population est loin d’être négligeable. En 2022, on recensait 37.000 consultants – formateurs indépendants déclarés et ayant réalisé un Bilan Pédagogique et Financier (BPF). A n’en pas douter, ils intègrent cette catégorie de consultants, car il ne font pas exclusivement de la formation (le Chiffre d’Affaires moyen de ces OF d’indépendants = 49.000 € par an). Il faudrait aussi prendre en compte tous les consultants qui exercent une mission de formation, sans forcément la déclarer (ils sont souvent en statut de portage salarial ou ils facturent les entreprises au titre de prestation de “conseil”, mais concrètement ils font de la formation).
En résumé, on pourrait, sans trop se tromper, évaluer la fourchette du nombre de formateurs et formatrices en France, entre 400 et 500.000 personnes. Avec un grand écart-type sur le taux d’activité. Certains exerçant moins de 5 jours par an leur mission de formation et d’autres la pratiquant à temps plein.
Formateur en entreprise : que font-ils concrètement ?
Partant du constat que “formateur ou formatrice en entreprise”, c’est rarement un métier à temps plein, il paraît évident qu’ils ne pratiquent pas tous les mêmes activités. Dans la pratique, ils peuvent mettre en oeuvre 4 grandes activités ou missions complémentaires :
- Animer : c’est l’activité première, hier quasi exclusive qui tend aujourd’hui à devenir pour certains formateurs ou formatrices, quasi secondaire. Animer, c’est “former” ou plutôt faciliter les apprentissages en groupe de 6 à 12, voire 24 ou 36 participants, que ce soit en présentiel ou distanciel.
- Concevoir : c’est l’activité complémentaire à l’animation. Mais tous les formateurs ne l’exercent pas : certains ne font qu’animer des formations qui sont conçues par d’autres. Concevoir, c’est pour certains bâtir des scénarios pédagogiques (présentiel, distanciel ou expérienciel – cas de l’AFEST) et pour d’autres créer des cours ou modules de digital learning. La palette du concepteur est donc large.
- Piloter : c’est une activité plus rare, classiquement dévolue aux chefs de projet de formation, appelés aussi ingénieurs en formation. Elle consiste à évaluer le besoin, réaliser le cahier des charges de formation, évaluer la faisabilité de la formation et définir l’architecture globale du parcours. Cette mission est meta par rapport à l’acte pédagogique. Elle devient à l’ère digitale et multimodale, une mission essentielle. Mais tous les formateurs et formatrices ne sont pas capables de l’exercer, car elle exige des qualités de chefs de projet et une connaissance fine des usages des techno-pédagogies.
- Accompagner : c’est l’activité en devenir de la formation. Avec le développement de l’individualisation des parcours, l’accompagnement des apprenants devient une mission majeure pour les formateurs et formatrices. C’est notamment le cas pour les formateurs réalisant des FEST ou AFEST et évidemment pour les mentors des parcours pédagogiques 100% à distance.
Formateur en entreprise : comment accède-t-on au métier ?
S’agissant le plus souvent d’une mission complémentaire, plutôt que d’un emploi à temps plein, l’accès à la fonction de formateur ou formatrice en entreprise s’effectue principalement de façon progressive.
La voie d’accès la plus courante est de commencer par l’animation de formations ou l’accompagnement au poste de travail dans son domaine d’expertise puis d’élargir son champ d’intervention par la conception de parcours de formation ou d’accompagnement plus sophistiqués (AFEST, mentorat à distance). Et ce n’est qu’une fois cette maîtrise avérée de la conception, de l’animation et de l’accompagnement, que l’on développe en tant que formateur, ses compétences (plus sophistiquées), de pilotage de projets de formation.
La voie d’accès beaucoup plus rare est de devenir directement formateur après une formation diplomante. Il y a à cela une raison simple, c’est que former en entreprise est extrêmement exigeant. Les participants ne voient pas d’un bon oeil, un jeune débutant qui vient leur apprendre leur métier (excepté lorsque les compétences à acquérir sont nouvelles, comme le digital, l’IA ou la transition écologique). Les diplômés en formation (titre RNCP de formateur professionnel d’adulte ou DU ou Master en formation délivrés par les Universités), sont le plus souvent des personnes en reconversion et qui ont généralement déjà pratiqué la formation, à l’occasion de missions occasionnelles.
A noter : les formations diplomantes de formateur ou formatrice sont au final assez peu nombreuses en France. La plupart des Master en formation sont orientés sur l’ingénierie de formation et l’ingénierie pédagogique. Ils permettent d’accéder aux métiers de responsable de formation ou de responsable pédagogique, davantage qu’à la fonction de formateur ou formatrice. Seul le titre du ministère du travail de Formateur Professionnel d’Adultes, qui représente bon an mal an 2.500 certifiés, peut être considéré comme le titre vraiment ciblé pour la fonction de formateur ou formatrice en entreprise. Malheureusement, sa révision en 2023, l’a orienté davantage vers la formation des demandeurs d’emploi.
Formateur en entreprise : quand et comment se former ?
Idéalement, les formateurs et formatrices devraient se former avant leur première formation ou accompagnement. Car on ne s’improvise pas formateur ou formatrice. Et ce n’est pas parce que cette fonction s’exerce le plus souvent occasionnellement, qu’il ne s’agit pas d’un véritable métier, avec ses savoirs, savoir-être et savoir-être bien particuliers.
Dans la réalité du monde de l’entreprise et des administrations, nous constatons tous les jours que la pratique la plus courante, reste le “saut dans le grand bain”. On invite le formateur ou la formatrice à réaliser une ou deux sessions de formation puis on lui propose de se former. Cette façon de faire est loin d’être la meilleure car on fait prendre des risques à la fois au formateur et aux apprenants.
Nous préconisons à nos clients de sécuriser les premiers pas de leurs formateurs ou formatrices par l’acquisition des fondamentaux. Et pour surmonter la difficulté d’organisation (constitution de groupes en intra entreprise ou trouver une date en inter-entreprises), nous avons conçu une offre accessible à 100% en autoformation. Plus aucun problème de planification, et le “bagage de base” proposé pour démarrer, est largement suffisant.
Après quelques animations ou accompagnements, il est important en tant que formateur, de se poser et de prendre le temps de réfléchir sur ses pratiques. Dans ce cas, l’idéal est de suivre un parcours de formation multimodale à bonne dose de présentiel ou distanciel synchrone. Il n’est pas nécessaire de suivre de très longues formations pour se former. Des parcours intégrant un à deux jours synchrones pour chacune des activités (piloter, concevoir, animer, accompagner) peuvent suffire.
Ce temps de formation peuvent être complétés par des temps d’analyse de pratiques ou de perfectionnement sur des thématiques ciblées. C’était le cas hier pour le digital learning et c’est le cas par exemple aujourd’hui pour l’IA en formation. Mais il existe aussi d’autres sujets intéressants pour les formateurs, à aborder sous la forme, soit de formation de courte durée (moins d’une journée), soit “de Café formateur” très ciblés. Les thèmes les plus courants que nous demandent nos clients sont par exemple actuellement :
- Comment capter et maintenir l’attention en formation ?
- Comment concevoir et rédiger des objectifs d’apprentissages réellement opérationnels ?
- Comment animer des séquences réflexives individuelles et/ou collectives ?
- Comment scénariser des progressions pédagogiques réellement actives et interactives ?
- Comment intégrer l’IA lors de nos conceptions de programmes ?
A noter : on ne devient pas un bon formateur ou une bonne formatrice en suivant seulement des formations. Former suppose un apprentissage assez long, qui demande un travail sur soi, notamment sur sa posture. En même temps, les fondamentaux (acquérir des techniques pédagogiques, savoir animer les moments clés, savoir mener des séquences réflexives ou de régulation et de remédiation, savoir scénariser un parcours et maitriser des techniques pédagogiques interactives, etc.) peuvent s’acquérir assez vite. C’est pourquoi nous préconisons des parcours initiaux plutôt légers complétés par un perfectionnement permanent pendant plusieurs mois voire années, donc assez conséquent.