Les services de formation ont toujours géré des données de formation. Mais reconnaissons-le, cela ne représentait qu’un faible enjeu pour eux. Sous l’effet de la digitalisation, les données sont devenues à la fois beaucoup plus nombreuses et variées. Pour les nouvelles directions L&D, les datas deviennent ainsi un enjeu fort. Elles contribuent à leur donner beaucoup plus de « poids stratégiques ».
Les datas classiques des services de formation orientées budget
Dis-moi ce que tu mesures et je te dirais ce que tu fais ! Si on applique cet aphorisme aux services de formation, on peut dire qu’ils ont pendant des années essentiellement produit des heures de formation aux coûts les plus optimisés possibles. Ayant peu de sources de données fiables et étant contraints par le cadre juridique et réglementaire de formation, les responsables de formation se sont focalisés d’abord sur le suivi budgétaire. La loi leur imposait de mesurer leur effort de formation en pourcentage de la masse salariale de l’entreprise. La data reine était donc le ratio des coûts « dépensés » en formation rapportés à la masse salariale totale de l’entreprise.
Quand, vers la fin des années 1990, les services de formation ont dû réduire leurs budgets de formation, ils ont commencé à travailler sur d’autres datas et notamment le nombre d’heures de formation par salariés à l’effectif.
Certaines entreprises se sont fixés des objectifs de 30 heures par an et par salariés. La CGT revendiquait, et revendique toujours, 10% du temps de travail en formation. Soit 150 heures par an et par salarié. La moyenne nationale des entreprises de plus 10 salariés étaient et, est toujours bon an mal an, d’environ 13 heures/salariés à l’effectif).
Après la crise de 2008, les responsables formation sont allés plus loin et ont piloté leur plan de formation via le coût horaire moyen stagiaire. Ce CHM, que nous avons pu mesurer autour de 35 euros/heure/stagiaire pour les grandes entreprises, est devenu un mantra pour les services de formation performants. Au même titre que l’indice de satisfaction de fin de formation qui sous l’effet des politiques qualité s’est diffusé dans les grandes entreprises bien avant Qualiopi.
Mais tous ces indicateurs ressemblaient davantage à de la bonne gestion budgétaire qu’à de la recherche d’efficacité pédagogique !
Les learning analytics pour une direction L&D orientée digital learning
Dans les années 2010, les premiers MOOC ont été introduits et la déferlante du digital learning a touché de plein fouet les directions L&D remplaçante des classiques services de formation (cf. notre article sur le sujet). La focale s’est ainsi déplacée vers ce que l’on appelle les « Learning analytics » ou si l’on préfère en bon français, les analytiques d’apprentissage. C’est-à-dire toutes les données qui permettent de suivre l’apprenant en cours d’apprentissage : quel module de e-learning, il choisit ? lesquels il termine ? Quels sont ses scores aux quiz de contrôle ? Obtient-il la certification finale ?
Les directions L&D sont devenues très friandes de ces données. Car elles sont assez faciles à recueillir et même à exploiter. Et surtout, elles permettent de répondre à l’enjeu fort de la formation digitalisée, à savoir : le suivi de l’engagement des apprenants (cf. nos articles sur la question).
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L’attrait pour les learning analytics n’est pas dû qu’à un effet technologique. C’est aussi une affaire de problématique d’apprentissage. Lorsque la formation était réalisée en présentiel, les learning analytics pouvaient se limiter à l’évaluation des pré-requis et des acquis en fin de formation. Quand l’apprenant gère sa formation en autonomie de nouveaux systèmes de contrôle doivent être mis en place pour s’assurer qu’il progresse efficacement.
Les people analytics pour des directions L&D devenues « stratégiques »
Nous entrons aujourd’hui dans un troisième temps de gestion des datas en formation. L’enjeu n’est plus seulement de bien gérer un budget ou de bien suivre les progrès d’un apprenant dans son parcours, c’est de former les bonnes personnes, juste assez, juste à temps.
Et pour ce faire, les directions L&D s’interrogent sur la qualité de leurs datas. Les plus avancées font un pas de côté. Elles s’intéressent aux People analytics. Ces méthodes d’analyse se focalisent sur les données en lien avec les ressources humaines. Les plus courantes sont celles portant sur le recrutement, la fidélisation, le climat social, la gestion des talents et des rémunérations.
Toutes ces datas ne concernent pas directement les directions Learning & Development, mais certaines peuvent leur permettre d’améliorer leur politique de formation, c’est-à-dire le choix des personnes s’engageant en formation.
Prenons un exemple pour comprendre l’intérêt de ce type de datas. Une entreprise s’interroge sur sa politique de formation sur son cœur de métier. Plutôt que d’interroger seulement ses directeurs métiers ou recueillir les demandes individuelles auprès des collaborateurs de ses métiers phares, elle peut mettre en place un système d’analyse de données portant sur les durées de recrutement par poste, les compétences des détenteurs des postes évaluées lors des entretiens annuels, les taux de démission, les certifications maîtrisées par les meilleurs dans les postes, les formations les plus demandées et/ou les plus suivis par les titulaires des postes, la durée des parcours d’onboarding pour les nouveaux entrants, etc. A partir de ces données, elle peut ensuite identifier les postes stratégiques sur lesquels investir et les parcours de formation à proposer aux détenteurs de ces postes ou aux nouveaux entrants via une politique d’onboarding bien ciblée.
D’autres entreprises vont plus loin et se focalisent sur la maîtrise des postes par leurs titulaires. Une direction métier ou support peut ainsi traiter les données remontant des processus de travail. Par exemple, pour un centre de relation client, le taux de réclamation et/ou de satisfaction client. Ces données sont de plus en plus riches et précises. Bien exploitées, elles peuvent permettre d’identifier les difficultés exactes des collaborateurs. A partir de ces datas, il est alors facile de bâtir des réponses de formation adaptées. On n’est plus là seulement dans les RH analytics mais davantage dans ce que l’on pourrait appeler des « Performance analytics », c’est-à-dire l’analyse des performances des collaborateurs.
De plus en plus de métiers, y compris les moins qualifiées génèrent de la data. C’est le cas par exemple dans l’hôtellerie, dans les sociétés d’entretien, dans la réparation automobile, etc. Tout est tracé ! La moindre activité du personnel est enregistrée dans le Cloud. Ces données sont une mine d’or pour les directions L&D qui souhaitent redonner du sens à leur politique de formation.
A l’ère de la digitalisation du travail, elles ne peuvent plus élaborer leurs plans de formation en faisant seulement de la compilation de demandes individuelles ou de la demande collective par des managers. Elles sont invitées à exploiter les datas que peuvent leur fournir les flux RH et les flux de l’activité. Grâce à la data, la formation se rapproche ainsi du travail réel !