Après des années de scepticisme à l’égard de la formation à distance, on a l’impression que les directions formation des entreprises, fraîchement converties, ne jurent plus que par cette modalité. On entend ici ou là de plus en plus de prises de position annonçant que le monde de demain de la formation, restera distanciel et digital à jamais.
Ces signaux faibles que nous détectons, nous semblent témoigner d’un phénomène de balancier bien connu. Du tout présentiel, on voudrait passer au tout digital. Sans remettre en cause évidemment, la nécessaire distancialisation et digitalisation de la formation en entreprise (nous avons à longueur d’articles sur ce blog montré tous les avantages que peut apporter cette modalité – cf. ici ou là), nous sommes convaincus que les entreprises auront intérêt à revenir, pour leurs formations à fort enjeu, au présentiel… et aussi à son complément : l’AFEST collective.
Pour argumenter notre position, il nous faut revenir à la question fondamentale de la finalité de la formation. Mais pourquoi forme-t-on en entreprise ?
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Le double effet de la formation
La formation produit deux effets en entreprise. Premier effet, le plus connu, elle permet de faire acquérir des connaissances et développer des compétences individuelles. Deuxième effet, elle développe des compétences collectives, des savoir-faire partagés. Elle est créatrice de transformation culturelle.
Le premier effet, ce n’est pas la peine de s’attarder dessus ! Si vous demandez à n’importe quel directeur ou responsable de formation de vous dire quelle est sa mission première, il vous répondra spontanément qu’il travaille au développement des compétences des salariés de son entreprise. L’essence même de son job est de donner à chacun la possibilité d’apprendre et mettre en œuvre ce dont il a besoin pour travailler efficacement.
Et pour répondre à ce type de besoin en compétence individuelle, ce n’est pas l’offre qui manque. Tout le marché de la formation est orienté dessus. Si vous vous amusez à étudier les promesses marketing des opérateurs de formation, vous pourrez lire des slogans du type : « Favorisez la mémorisation de chacun de vos collaborateurs grâce aux méthodes inspirées des neurosciences ! » ou « Utilisez la dernière appli pour engager chacun de vos collaborateurs dans leur formation ! », ou encore « Faites de la formation un moment ludique pour que vos collaborateurs se forment jusqu’au bout ! ». Bref ! l’obsession est de réunir toutes les conditions pour que chacun apprenne le plus efficacement, le plus rapidement et si possible à moindre à frais. Et il va de soi que demain un grand nombre des formations visant cette première finalité seront en partie digitale et/ou à distance.
Mais revenons maintenant au second effet de la formation : le développement des compétences collectives. C’est bien plus original et intéressant. Quand on poursuit cette seconde finalité, Il ne s’agit plus seulement de former Monsieur X ou Madame Y, mais de favoriser le partage de connaissances, le partage des valeurs, des façons de faire, mais aussi de voir le monde qui environne l’entreprise (ses marchés, ses technologies, ses relations sociales…).
Depuis les années 1980 et 1990, des sociologues comme Renaud Sainsaulieu ou des spécialistes des sciences de gestion comme Peter Senge ou Chris Argyris outre Atlantique ou comme Guy Le Boterf en France, ont démontré que l’enjeu pour les entreprises n’était pas tant d’avoir des individus compétents, mais d’avoir des collectifs de travail compétents. Et la formation y contribuait fortement car elle est créatrice de culture et de transfert d’expérience à condition d’être organisée à cet effet. Et c’est là que le présentiel et l’AFEST collective re-rentre dans le jeu.
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Les bénéfices incontournables du présentiel pour développer les compétences collectives
Pour qu’il y ait échange de savoir et savoir-faire et transformation des modèles de pensée et d’agir en entreprise, il est indispensable que les collaborateurs se rencontrent. Que chacun aille à la rencontre de l’altérité, pour qu’il puisse se rendre compte qu’il est en partie comme les autres, et se sente soutenu, et en partie différent et que sa différence peut être un apport pour les autres, comme leurs différences peut être une richesse pour lui.
Cette dimension sociale et culturelle ne peut pas être assurée par le digital learning en mode auto ou solo formation. Ni même, soyons réaliste, via des webinaires et classes virtuelles. Car il s’agit d’une communication froide ou les temps de convivialités et de commensalités sont quasi inexistants. Pour partager des valeurs, des opinions des façons de voir et d’être, il faut du temps. Et c’est le temps du présentiel.
Le présentiel est une pause dans le flux continu du travail, ce que n’est pas la classe virtuelle qui vient trop souvent à la suite d’une réunion Zoom et précède un groupe de travail Teams. On part en formation présentiel. Le déplacement est une sorte de sas. On reste en formation présentiel, un, deux, voire trois jours. C’est un moment à la fois de respiration (on prend le temps de souffler et on laisse ses soucis de travail de côté) et d’inspiration (on a du temps pour découvrir, s’étonner, rechercher de nouvelles idées).
Evidemment, ce présentiel-là n’est pas le « présentiel à la papa » où le formateur ou la formatrice accaparait la parole et les 300 slides/jour les regards. C’est un présentiel où on se retrouve pour écouter, mais aussi donner, partager, confronter les points de vue.
Ce présentiel-là a besoin de lieux et d’espaces pédagogiques différents, où on se sent bien. On vient apprendre comme à la maison, pas comme au bureau ! (cf. ci-dessous une présentation de l’espace C-Campus My learning Home)
Ce présentiel-là a également besoin de règles de vie ré-inventées (halte à la didacture des notifications et des urgences !) et d’une implication de chacun au service du groupe (la dynamique de groupe semble être un concept trop peu connu et maîtrisé par les formateurs d’aujourd’hui alors qu’elle est au fondement de toute pratique pédagogique collective).
Ce présentiel-là n’est pas une pause express, mais un vrai temps où la productivité pédagogique (apprendre le vite possible le maximum de contenu) ne doit plus être l’exigence première. Il faut savoir perdre du temps pour en gagner. C’est au détour d’un échange qu’on peut trouver une idée géniale qui nous fera réellement apprendre (principe de l’insight bien connu des psychologues du courant de la Gestalt). C’est pourquoi, ce présentiel-là sera probablement aussi résidentiel.
Peut-être pensez-vous en lisant ces quelques lignes que tout ceci est bien beau, mais que les entreprises n’ont plus les moyens, et les auront encore moins demain, et que l’essentiel est que les gens apprennent ce qu’ils ont savoir. Dans une logique gestionnaire, vous aurez raison. Mais justement les entreprises en meurent de cette idéologie gestionnaire, court-termiste et individualisante. Il n’est qu’à voir le pourcentage de collaborateurs qui ne s’y retrouvent plus et souhaitent après cette crise sanitaire changer de vie. Nous n’avons encore rien vu des conséquences délétères d’un passage au télétravail à marche forcée. Dans le monde de demain, davantage que dans le monde d’hier, les entreprises auront besoin de recréer du lien social, de la culture partagée. Comment les collaborateurs “mouilleront le maillot”, pour reprendre une expression footballistique bien connue, s’ils ne se connaissent plus, ne partagent plus qu’un repas en commun tous les 3 ou 4 jours, un café tous les deux jours ? Une culture forte est un des atouts stratégiques les plus déterminants de la réussite d’une entreprise.
Elargir le champ de l’AFEST au collectif de travail
Ce qu’est capable de faire le présentiel tel que nous venons de le caractériser, l’AFEST l’est également. Mais là aussi, c’est une AFEST un peu différente de celle qui se déploie actuellement sous les auspices des co-financeurs. Ce n’est plus de l’AFEST sur-mesure pour un collaborateur en particulier, mais il s’agit de déployer la logique de l’AFEST sur des collectifs de travail. Cela peut être des équipes sous la responsabilité d’un manager ou d’équipes projet ou encore d’équipes client-fournisseur.
En alternant situations de travail apprenantes et séquences de réflexivité de groupes, ce n’est plus une personne qui apprend mais toute équipe ou un collectif de travail qui se développe. Le monde médico-social pratique cela depuis des années. L’AFEST l’autorise enfin dans les entreprises. Tout est à créer dans ce domaine, mais une chose est sûre, dans le monde de demain, on aura plus que jamais besoin d’apprendre en équipe et par les situations de travail.