Le 1erjanvier 2019, nous n’aurons plus deux mais trois modalités de formation en entreprise. A côté du stage présentiel et de la « formation en tout ou partie à distance » prendra place l’action de formation en situation de travail dite « AFEST ». Les projets de décrets relatifs à l’action de formation et aux modalités de leur mise en œuvre fixent le cadre de cette formation du 3èmetype. On peut la nommer ainsi, car elle initie une transformation profonde de nos pratiques de formation.
Et La FEST devint AFEST…
Quand l’expérimentation FEST a démarré, en novembre 2015, les experts s’interrogeaient sur la nature de la formation en situation de travail. Est-ce une action de formation sur le lieu de travail ou une démarche s’inspirant fortement de la VAE ? Trois ans, une loi et deux décrets plus tard, la FEST est clairement définie comme une action de formation formelle. L’acronyme la désignant a naturellement évolué de la FEST à l’AFEST. Le « A » désignant « Action ». On ne peut être plus clair !
Pour qu’il y ait AFEST, il doit y avoir, comme pour tout autre type de formation, « un parcours pédagogique permettant d’acquérir des compétences », et « des évaluations qui jalonnent ou terminent l’action ».Mieux, il est même requis « la désignation préalable d’un formateur pouvant exercer une fonction tutorale », ce qui n’est pas clairement désigné pour la formation à distance. Le décret fait référence à « une assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner l’apprenant dans le déroulement de son parcours ». Une approche « d’adaptative learning » basée sur de l’IA peut être en l’état des textes suffisante.
L’AFEST n’a donc rien à voir avec la formation sur le tas. C’est une action de formation formalisée et tracée. Sa particularité est d’avoir comme matériau pédagogique premier les situations de travail. Et cette particularité est loin d’être anodine.
Une véritable révolution pédagogique : la réflexivité
L’AFEST porte en elle une nouvelle approche pédagogique : la réflexivité. La situation de travail n’est pas naturellement apprenante. L’apprentissage provient de l’analyse réflexive que l’apprenant peut réaliser :
- En amont : production « d’hypothèses d’action »,
- Pendant : « observation en faisant »
- En aval : « feed back » et « transfert pédagogique ».
Le projet de décret n’emploie pas ces termes pédagogiques, mais il est assez disert sur ce qu’il appelle les phases réflexives qui doivent être clairement distinctes des phases d’activité :
« Les phases réflexives ont pour objet d’utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail. Elles doivent permettre d’observer et d’analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation dans l’objectif de consolider et d’expliciter les apprentissages. Ces phases sont distinctes des mises en situation de travail ».
Le code du travail consacre ainsi une modalité d’apprentissage qui remet en cause le sens commun pédagogique. On ne se forme pas seulement en écoutant un formateur ou en consultant un module de E-Learning ou un MOOC, mais également, et peut-être surtout, en analysant notre façon de travailler. L’expérience réfléchie devient formatrice d’un point de vue légal et réglementaire.
Vers des effets systémiques
Nous avons la conviction que cette ouverture du code du travail aux pédagogies expérientielles va avoir des effets très importants sur toutes les dimensions de la formation. Citons pêle-mêle :
- Changement d’unité de compte de la formation. Aujourd’hui centré sur le coût horaire et les budgets de frais pédagogiques, de déplacement et d’hébergement, demain focalisé sur l’accroissement des compétences validées et reconnues.
- Fin de la formation classique (unité de lieu, de temps et d’action), place au flux permanent d’apprentissage personnalisé multi ressources, multi modalités pédagogiques.
- Création de rituels de formation au sein même des unités de travail pour favoriser l’analyse réflexive périodique (mensuelle, hebdomadaire, voire quotidienne).
- Redéfinition des contours de l’ingénierie pédagogique. Une ingénierie de l’AFEST est à bâtir qui ne doit pas exclure le présentiel et la formation digitale. Elle sera basée sur l’analyse de l’activité réelle et fortement inspirée des approches par compétences en cours dans le monde des certifications.
- Refonte des logiciels de gestion de la formationqui devront tracer l’AFEST aussi bien que le stage de formation ou la formation digitale. Et la manière de l’enregistrer est sensiblement différente. La preuve de l’action passe par le protocole individuel de formation solidement documenté.
- Rapprochement du formateur des situations de travail. Sa mission va ainsi évoluer, il deviendra davantage facilitateur que transmetteur de savoir.
- Redéfinition des missions des services formation.Aujourd’hui gestionnaire de formation, demain probablement partenaire pédagogique (ou « learning partners ») des managers.
- Transformation de l’offre de formationdavantage orientée vers la formation aux savoir-faire métiers que vers la formation transverse (anglais, bureautique, communication…).
- Redistribution des cartes chez les opérateurs de formation. Ceux qui seront capables de produire des ingénieries FEST ont probablement davantage de chance de succès à moyen terme que ceux qui resteront sur la seule transmission des connaissances en salle de formation.
Cet article a été publié sous forme de tribune sur news tank rh management. Pour découvrir les services de cette agence d’information globale, n’hésitez pas à demander un test gracieux de notre part en cliquant sur le lien ici.