Medef et CGPME ne se sont pas accordés hier. L’avant dernière réunion de négociation n’a pas permis d’avancer significativement. Le clash a toutefois été évité. Difficile aujourd’hui de savoir comment la négociation va aboutir. Le débat reste donc totalement ouvert sur le financement de la formation. Fin de l’obligation fiscale partielle ? Totale ? transformation en obligation conventionnelle ? On ne sait pas de quel côté va tomber la pièce ! Mais une chose est sûre : la vie ne sera peut être pas plus facile pour les responsables de formation. Mais est-ce l’enjeu ?
Choc de simplification ???
En théorie, et selon le Medef qui défend cette position : la fin de l’obligation fiscale, contribue au choc de simplification. Les responsables formation se réjouissent déjà : fini la 24-83, au feu les fiches de présence, exit les conventions de formation… Formidable, non ? Les services formations vont pouvoir se concentrer sur l’essentiel : la pédagogie, le marketing de la formation et l’évaluation du R.O.I.
Et si cela n’était qu’une douce illusion. C’est évident, les responsables de formation n’auront plus à faire de déclaration fiscale, puisqu’elle est supprimée, mais ils auront toujours des comptes à rendre. Pas si sûr qu’ils y gagnent. Aujourd’hui une déclaration fiscale 24-83, c’est seulement deux pages. Et elle ne sert pas qu’à déclarer les dépenses libératoires. Elle est utilisée également par le Cereq pour les statistiques officielles de la formation. Demain, le Cereq aura toujours besoin de chiffres et il faudra continuer à les lui fournir. La 24-83 sera peut-être supprimée, mais elle sera remplacée par une enquêtre obligatoire !
Le Cereq ne sera pas seul à demander des comptes aux responsables de formation. Le projet de texte de négociation ne cesse de s’enrichir sur l’information à donner aux instances représentatives du personnel. Si les entreprises gagnent le droit de ne plus verser une obligation fiscale, ce sera en contrepartie d’engagements forts en terme de réalisation de formation. Toute une batterie de nouveaux indicateurs sont en train d’apparaître : % de salariés formés au cours des trois dernières années, % de salariés qualifiés après une formation, % de salariés ayant bénéficié d’un entretien professionnel, % de salariés ayant bénéficié d’un abondement CPF, Etc. Bref, il n’y aura peut être plus de déclaration fiscale, mais les réunions de CE risquent de devenir interminables. Ceci dit, les indicateurs proposés sont loin d’être inintéressants.
Aïe ! mon budget
A côté de la simplification, il y a surtout la question du budget de formation. La fin de l’obligation fiscale risque d’attiser les convoitises des contrôleurs de gestion. Imaginez la scène, en octobre 2014, quand le responsable formation rencontrera son directeur financier pour obtenir son budget 2015. Le financier, toujours bien informé, viendra d’apprendre la disparition du 0,9%. L’échange risque d’être plus musclé que d’habitude !
Raboté par son contrôleur de gestion, le budget du responsable de formation risque d’être siphoné par les managers. Grâce à la définition fiscale de l’action de formation, le responsable de formation peut défendre son budget. Le manager qui part en séminaire avec ses équipes et lui présente la facture après, l’expert qui souhaite suivre le colloque à l’étranger et qui lui demande de le prendre en charge… se voient rapidement éconduits. L’argument du responsable de formation est irréfutable : “tout ça n’est pas de la formation, lisez bien l’article L.6353-1 !“ Qu’en sera t-il demain si l’obligation fiscale est supprimée ?
Obligation conventionnelle : la chasse aux primes est ouverte !
Avec un budget réduit, le responsable de formation va devoir se tourner vers ses co-financeurs. Heureusement, ceux-ci vont avoir des fonds à revendre. La fin de l’obligation fiscale aura une contrepartie : l’augmentation des obligations conventionnelles. Aujourd’hui, le texte du Medef l’évoque sans fixer de montant. Mais la CGPME et les représentants syndicaux font pression. Au final, on aura évidemment des obligations coventionnelles bien plus élevées (+0,3% ? +0,5% ?).
Encore une fois, les responsables de formation ne devraient pas se réjouir trop vite. Certes les fonds seront plus importants, mais les critères d’éligibilité seront bien plus contraignants. Rien à voir avec les “belles années“ de l’après réforme de 2004. Les formations devront être qualifiantes, s’adresser plutôt aux publics éloignés de la formation et probablement en reconversion ou insertion / ré-insertion. Bref, cela ne sera pas une sinécure pour le responsable de formation.
L’enjeu de la fin du 0,9% est ailleurs !
Davantage de comptes à rendre, moins de budget, des co-financements au final peut-être plus difficiles à obtenir, la fin de l’obligation fiscale tant attendue par les responsables de formation pourrait être, pour eux, une fausse bonne nouvelle. Mais l’enjeu de la fin du 0,9% est ailleurs pour ses défenseurs. Il réside dans l’évolution en profondeur de notre système de formation :
- Davantage d’innovation pédagogique grâce à la fin du carcan de l’imputabilité,
- Des pratiques de formation orientées “résultats“ (développement des compétences, GPEC…) plutôt que “moyen“ (nombre d’heures, budget formation…),
- Recul de la tuyauterie paritaire du financement (à condition, évidemment, de limiter les contreparties en matière d’obligations conventionnnelles).
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